Ce vitrail a été réalisé en 1939 par l’artiste fribourgeois Gaston Thévoz et probablement par l’atelier A. Kirsch & Co, pour le choeur de l’église de Villars-le-Terroir.
Ce vitrail, actuellement conservé au Vitromusée Romont, n’a cependant jamais été posé dans le choeur de l’église, où se trouve actuellement une seconde oeuvre du même artiste, pratiquement identique (GSL_606). Du point de vue de la composition, les deux vitraux sont en tout point semblables, en dehors de quelques minimes variations dans les losanges de la partie inférieure et dans la forme de la tête de mort située entre les deux. La différence principale se situe dans le traitement du corps du Christ, qui, sur le vitrail du Vitromusée, a été réalisé à l’aide de verres d’une teinte jaune pâle, veinés de longues traînées rouges. L’artiste a utilisé l’effet de ces verres pour traduire l’aspect ensanglanté de la peau du Christ, dans un résultat saisissant. Le pagne qui l’habille a également été conçu avec un verre blanc tacheté de rouge, tandis qu’un verre bleu veiné de blanc compose également l’auréole de la Vierge.
Malgré l’originalité de cette oeuvre qui mettait la spécificité matérielle des verres au service de l’expressivité de la composition, cette version a peut-être été jugée trop choquante par la paroisse. Le vitrail du choeur présente en effet un Christ dont la peau est “intacte”, traitée avec du verre de couleur uniforme. Même si aucune archive ou document ne nous permet de comprendre les circonstances de ce changement de parti, la présence de ce second vitrail lié à Villars-le-Terroir ouvre des pistes de réflexion très intéressantes pour comprendre l’histoire de la réception d’une oeuvre verrière dans un contexte religieux à la fin des années 1930.
Lorsqu’il est appelé à Villars-le-Terroir, Thévoz n’a pas encore une très longue expérience dans le domaine du vitrail, qu’il aborde pour la première fois à l’église catholique de Bottens en 1937, puis à Bussy en 1938, avec la rose de la tribune des orgues (GSL_63), églises toutes deux rénovées ou construites par Fernand Dumas. Membre du Groupe de Saint-Luc depuis le début des années 1930 (Rudaz, 2008, p. 30), c’est probablement par l’intermédiaire de l’architecte emblématique de cette Société artistique catholique que Thévoz obtient le mandat des vitraux du choeur de Villars-le-Terroir.
Dans un mélange de tradition et de modernité typique de la production artistique des artistes du Groupe de Saint-Luc, Thévoz opte dans ce vitrail pour un parti iconographique traditionnel avec la Vierge et Jean aux pieds de la croix, dont les bras sont entourés des représentations symboliques du soleil et de la lune, le tout traité dans un style simple et lisible qui le caractérise. Il modernise néanmoins sa composition par un découpage des verres dans des formes vives et géométrisées qui évoquent le cubisme, comme il le fera dans la plupart de ses vitraux, à l’instar de ceux d’Attalens (par exemple GSL_41) ou de Saint-Martin (FR). Le vitrail est principalement organisé autour de la déclinaison du bleu, du rouge et du jaune, le premier se retrouvant sur la robe de la Vierge et les compositions inférieures, le deuxième sur saint Jean et l’arrière-plan du vitrail, tandis que le jaune, utilisé principalement au centre pour le corps du Christ, mêlé au rouge du sang, vient équilibrer ces deux teintes. Coloriste de talent, Thévoz choisit dans la plupart de ses vitraux des teintes souvent vives et bien équilibrées, participant à l’expressivité de ses compositions. On peut citer à cet égard ses verrières de 1941 de la chapelle de Prévondavaux (par exemple GSL_597).
Le nom de l’atelier avec lequel il a collaboré ne figure pas sur le vitrail du choeur ni sur son double du Vitromusée Romont, mais ce dernier ayant été déposé en tant que pièce appartenant au dépôt Kirsch, on peut supposer qu’il a été réalisé par l’atelier A. Kirsch & Co (qui deviendra ensuite Kirsch Frères), successeur de l’atelier Kirsch & Fleckner suite au décès de son co-fondateur Vinzenz Kirsch en 1938 (Pasquier, 1995, p. 100).