Ce vitrail a été réalisé en 1939 par l’artiste fribourgeois Gaston Thévoz probablement en collaboration avec l’atelier A. Kirsch & Co, pour le choeur de l’église de Villars-le-Terroir. Il a été conçu dans le cadre de la rénovation du choeur entreprise entre 1938 et 1939 par Fernand Dumas, qui fait appel à trois artistes du Groupe de Saint-Luc afin d’obtenir un ensemble mêlant plusieurs arts décoratifs.
Lorsqu’il est appelé à Villars-le-Terroir, Thévoz n’a pas encore une très longue expérience dans le domaine du vitrail, qu’il aborde pour la première fois à l’église catholique de Bottens en 1937, puis à Bussy en 1938, avec la rose de la tribune des orgues (GSL_63), églises toutes deux rénovées ou construites par Fernand Dumas. Membre du Groupe de Saint-Luc depuis le début des années 1930 (Rudaz, 2008, p. 30), c’est probablement par l’intermédiaire de l’architecte emblématique de cette Société artistique catholique que Thévoz obtient le mandat des vitraux du choeur de Villars-le-Terroir.
Dans un mélange de tradition et de modernité typique de la production artistique des artistes du Groupe de Saint-Luc, Thévoz opte dans ce vitrail pour un parti iconographique traditionnel avec la Vierge et Jean aux pieds de la croix, dont les bras sont entourés des représentations symboliques du soleil et de la lune, le tout traité dans un style simple et lisible qui le caractérise. Il modernise néanmoins sa composition par un découpage des verres dans des formes vives et géométrisées qui évoquent le cubisme, comme il le fera dans la plupart de ses vitraux, à l’instar de ceux d’Attalens (par exemple GSL_41) ou de Saint-Martin (FR). Coloriste de talent, Thévoz choisit dans la plupart de ses vitraux des teintes souvent vives et bien équilibrées, participant à l’expressivité de ses compositions. On peut citer à cet égard ses verrières de 1941 de la chapelle de Prévondavaux (par exemple GSL_597). Le vitrail de Villars-le-Terroir est principalement organisé autour de la déclinaison du bleu, du rouge et du jaune, le premier se retrouvant sur la robe de la Vierge et les compositions inférieures, le deuxième sur saint Jean et l’arrière-plan du vitrail, tandis que le jaune, utilisé principalement au centre pour le corps du Christ, vient équilibrer ces deux teintes.
Pièce centrale du retable situé au-dessus du maître-autel du choeur, le vitrail de Thévoz s’insère au sein d’un grand panneau de bois rectangulaire, orné de scènes peintes par Faravel, évoquant la vie du saint patron de l’édifice, Nicolas de Myre (de Diesbach, 1939, p. 57). Il reçoit la lumière du jour grâce à une ouverture située à l'arrière du chevet. Cette solution avait déjà été adoptée quelques années plus tôt dans l’église fribourgeoise Saint-Othmar de Broc, rénovée par Dumas en 1936, où le choeur comporte également un vitrail-retable d'Alexandre Cingria, illuminé par un système similaire. Les bords du retable sont soulignés par un encadrement peint en or, constitué de bois sculpté ajouré aux motifs de feuilles de vigne, de grappes de raisin et de volutes, dont les teintes répondent aux camaïeux bruns et or utilisés par Faravel, et aux jaunes et or du vitrail. Le tabernacle en orfèvrerie de Feuillat, orné d’un Christ bénissant en haut-relief de bronze sur la partie avant, vient compléter l’ensemble, ainsi que la peinture du socle de l’autel de Faravel, représentant la Déploration du Christ par deux femmes. Au moment de sa création, ce retable était encore monumentalisé par la présence d’un dais formé de deux colonnes torses soutenant un entablement en volutes surmonté d'une couronne au centre (Pittet, [2020], p. 186), rappelant la structure imaginée par Dumas en 1927 à l'église d'Echarlens pour porter le retable brodé de Marguerite Naville. Sans doute jugé trop imposant, ce décor architectural en bois a été démonté et déposé lors de la rénovation entreprise entre 1975 et 1977 (Pittet, [2020], p. 186).
Pour ce vitrail de la Crucifixion, Thévoz a conçu une première version qui est actuellement conservée au Vitromusée Romont (VMR_122). Du point de vue de la composition, elle est en tout point semblable au vitrail de Villars-le-Terroir, en dehors de quelques minimes variations dans les losanges de la partie inférieure et dans la forme de la tête de mort située entre les deux. La différence principale se situe dans le traitement du corps du Christ, qui, sur le vitrail du Vitromusée, a été réalisé à l’aide de verres d’une teinte jaune pâle, veinés de longues traînées rouges. L’artiste a utilisé l’effet de ces verres pour traduire la peau ensanglantée du Christ, dans un résultat saisissant. Malgré l’originalité de cette oeuvre qui mettait la spécificité matérielle des verres au service de l’expressivité de la composition, cette première version a peut-être été jugée trop choquante par la paroisse. Le vitrail du choeur présente en effet un Christ dont la peau est “intacte”, traitée avec du verre de couleur uniforme. Même si aucune archive ou document ne nous permet de comprendre les circonstances de ce changement de parti, la présence de ce second vitrail lié à Villars-le-Terroir ouvre des pistes de réflexion très intéressantes pour comprendre l’histoire de la réception d’une oeuvre verrière dans un contexte religieux à la fin des années 1930.
Le nom de l’atelier avec lequel il a collaboré ne figure pas sur le vitrail du choeur ni sur son double du Vitromusée Romont, mais ce dernier ayant été déposé en tant que pièce appartenant au dépôt Kirsch, on peut supposer qu’il a été réalisé par l’atelier A. Kirsch & Co (qui deviendra ensuite Kirsch Frères), successeur de l’atelier Kirsch & Fleckner suite au décès de son co-fondateur Vinzenz Kirsch en 1938 (Pasquier, 1995, p. 100).