Ce vitrail ornemental, ainsi que les trois autres habillant les fenêtres du choeur de l’église Saint-Nicolas de Semsales est l’oeuvre d’Alexandre Cingria, réalisé en collaboration avec l’atelier genevois d’Eugène Dunand, comme nous le confirme la facture de l’atelier (Dunand, 1925). Une autre facture de Cingria indique que ce dernier a fourni trois projets différents pour ces vitraux. C’est lui qui a fait le dessin de la mise en plomb, l’échantillonnage des couleurs et la confection des pochoirs, et a également surveillé l’exécution (Cingria, [1925]). Cingria collabore à trois reprises avec Dunand. Une première fois lors de sa rencontre avec le maître-verrier et peintre-verrier à Carouge, lors de la commande des vitraux de l’église catholique Sainte-Croix (GE_04.01 ; GE_04.02 ; GE_04.03 ; GE_04.04), dont la création s’échelonne entre 1924 et 1927, et après Semsales pour les vitraux de l’église de Finhaut, à la fin des années 1920 (par exemple GSL_125). Ensemble, ils mettent au point l’utilisation de cabochons et de verres industriels pour le vitrail (Rudaz, 1998, p. 37-38).

Ces quatre verrières ornementales sont composées dans un souci d’harmonisation et de mise en valeur de la peinture murale de Gino Severini, représentant la Trinité, qui orne l’abside de l’église. Cingria a non seulement repris les coloris choisis par l’artiste toscan, responsable de la décoration de l’église, mais a aussi intégré dans chaque verrière des éléments rappelant le fond étoilé que Severini a imaginé comme décor pour sa Trinité. Disposés en demi-cercles autour de la bordure, ils sont en lien visuel direct avec l’oeuvre peinte.
Dans la convention de construction signée par l’architecte Dumas et le président de la commission de bâtisse, Louis Chanex, il est mentionné au sujet des vitraux de la nef, du choeur est des chapelles, qu’ils “seront composés d’après indications de l’architecte par des artistes peintres-verriers” (Dumas, Chanex, 1923). On peut supposer que ce travail a été le fruit d’une véritable collaboration entre Cingria et Severini, que ce dernier considère comme “le meilleur peintre de vitraux de notre temps”, et qui affirme dans une lettre à l’évêque Mgr Besson que “d’une collaboration entre Cingria et moi ne pourraient résulter que des oeuvres dignes de respect” (Severini, 1932). Les deux artistes n’auront que deux fois l’occasion de réaliser un travail en commun : pour le choeur de Semsales et pour celui de l’église catholique Notre-Dame de Lausanne, dont les vitraux des lunettes, oeuvres de Cingria, sont également conçus pour mettre en valeur la peinture murale de Severini dans l’abside (GSL_310 ; GSL_315).

A Semsales, Cingria a également réalisé les verrières de la chapelle Sainte-Anne (ancien baptistère), et les mosaïques de l’autel de la chapelle de la Vierge (Lauper, 2012, p. 170, 171).