Ce travail préparatoire a été réalisé en 1924 par l’artiste Marcel Poncet dans le cadre de la commande de trois vitraux pour la tribune des orgues de l'église Saint-Paul de Cologny (GE), représentant Melchisedech (GE_08.21), Moïse (GE_08.22) et David (GE_08.23).
Il s’agit de la troisième réalisation de l’artiste dans l’édifice, puisqu’il a déjà conçu, en 1914 et 1915, un vitrail pour la porte d’entrée de l’église (GE_08.07) et trois vitraux dans les bas-côtés de la nef (GE_01.10 ; GE_01.11 ; GE_01.12), sa première grande commande après sa sortie de l’école des Beaux-Arts. Ayant suivi en parallèle une formation pratique au sein de l'atelier du peintre-verrier et restaurateur de vitraux Gérard Krachten à Carouge, où il apprend les techniques de fabrication du vitrail (Reymond, 1992, p. 37 ; Dumaret, 2009, p. 195), Poncet ouvre un premier atelier en 1915, où il est en mesure de réaliser ses propres vitraux mais aussi ceux d’autres artistes (Reymond, 1992, p. 37-38). Souhaitant maîtriser l’ensemble du processus créatif lui-même, il est l’un des rares artistes à présenter la particularité d’être à la fois peintre-verrier et maître-verrier, ce qui est probablement un atout indéniable aux yeux des commanditaires de l’église Saint-Paul. Entre 1915 et 1922, il assure ainsi la conception des verrières dessinées par Charles-Emile Brunner (par exemple GE_08.01) et Alexandre Cingria (GE_08.04) dans les bas-côtés, ainsi que les fenêtres hautes de Maurice Denis avec son collaborateur Charles Wasem (par exemple GE_08.19) (Sauterel, 2008, p. 236-242).
A Saint-Paul, comme de manière générale pour l'ensemble des vitraux qu'il réalise durant sa carrière, Poncet prépare minutieusement ses projets, comme le prouvent les nombreux travaux préparatoires présents dans le fonds graphique de son atelier, conservé au Vitrocentre Romont. Leur analyse permet de comprendre comment l’artiste procède, depuis les premières esquisses jusqu’à un état abouti de son projet.
Plus de 70 œuvres graphiques peuvent être rattachées aux vitraux de Saint-Paul, et 21 aux vitraux de la tribune. Pour le vitrail de David, il en existe cinq (MP_01.65 ; MP_01.66 ; MP_01.67 ; MP_01.68 ; MP_01.71). Ce dessin présente trois croquis de la figure de David, accompagnés de notes posées de manière libre sans réelle continuité, témoignant de la réflexion de l'artiste pour établir les caractéristiques de son personnage. Comme leur lecture le révèle, il se demande s'il ne devrait pas placer la figure de Goliath aux pieds du roi, ou intégrer le lion de David. Les croquis montrent une représentation plus animée de son personnage en train de jouer de la harpe, une jambe levée et le corps en mouvement, que l'on retrouve sur une deuxième esquisse (MP_01.66). Elle évolue ensuite vers une version définitive où le saint est plus frontal, correspondant à une troisième esquisse (MP_01.67), qui sera reprise sur la maquette (MP_01.68) et le carton (MP_01.71).
L’art médiéval constitue une de ses sources pour ce cycle, et plus précisément des modèles issus de la sculpture monumentale chartraine. Dans une page de note de sa main liée au cycle des vitraux de la tribune des orgues, Poncet évoque le porche septentrional de Chartres où sont représentés, entre autres, Melchisedech, Abraham, Moise, et David (Poncet, [1924]). Il place ses figures au sein d’un encadrement architectural qui évoque la niche dans laquelle sont placées les statues, de même que le soubassement sur lequel elles reposent. Il leur confère un aspect hiératique et les soumet à une certaine déformation, notamment la partie basse du corps de David, tandis que le traitement en camaïeu avec de forts clairs-obscurs crée un effet de modelé qui évoque la pierre et la sculpture, bien que l’artiste ne cherche pas à créer un trompe-l’œil, ni à estomper l’aspect bidimensionnel de l’ensemble (Noverraz, 2014, p. 43-44).
Lorsqu’il s’occupe des vitraux de la tribune en 1924, Poncet a vécu de nombreuses expériences qui l'ont marqué aussi bien personnellement qu'artistiquement. Dès 1919, il s’est lancé dans trois grandes entreprises qui se sont toutes plus ou moins soldées par des échecs : la fondation, avec Cingria, du Groupe de Saint-Luc et Saint-Maurice, l’ouverture d’une fabrique de verre à vitrail selon les recettes et techniques traditionnelles à Bossey-Veyrier, et la réalisation de son premier vitrail de la cathédrale de Lausanne (Reymond, 1992, p. 46). Le Groupe de Saint-Luc et Saint-Maurice ne décolle jamais véritablement et fait faillite au début de l’année 1924, quelques mois avant de renaître sous une forme différente à travers la Société Saint-Luc (Societas Sancti Lucae) (Noverraz, 2022, p. 35-43), aventure à laquelle Poncet ne participera pas. Par manque de résultats probants, il se voit contraint de fermer en 1922 son usine de verre, financée en partie par Saint-Gobain et dans laquelle il travaillait main dans la main avec Charles Wasem. La même année, éclate le scandale lié à la pose de son vitrail des Quatre évangélistes à la cathédrale de Lausanne, dont la modernité fait polémique, et qui prive l’artiste de la commande de l’ensemble des vitraux de l’édifice (Reymond, 1992, p. 47-55 ; Donche-Gay, 1994, p. 30-46).
Son style a lui aussi évolué. Il a peu à peu abandonné les formes douces et les coloris lumineux qui caractérisent ses vitraux des bas-côtés de la nef de 1915, marqués par l’Art nouveau et le style de Maurice Denis, pour privilégier une touche plus expressive et nerveuse, servie par des coloris plus sombres, traités en camaïeu. On retrouve ces caractéristiques sur des œuvres préparatoires contemporaines des trois vitraux de la tribune de Saint-Paul, réalisées entre 1924 et 1927 pour la verrière de la Crucifixion de la cathédrale de Lausanne, la dernière œuvre qu’il sera autorisé à poser dans l’édifice (voir par exemple MP_02.100 ; MP_02.94). En 1925, l’artiste part s’installer à Paris, où il découvre la gravure, technique qui lui plaît par sa puissance graphique reposant sur l’opposition du noir et du blanc, et qu’il tentera de traduire en vitrail la même année à la chapelle du collège de l’Abbaye de Saint-Maurice (par exemple MP_09.07). Ces différents travaux soulignent la nouvelle direction artistique prise par l’artiste à partir de 1924, et que l’on peut déjà ressentir dans les vitraux de la tribune de Saint-Paul.