Marcel Poncet naît à Genève en 1894, dans une famille de fervents catholiques aux revenus modestes. En 1910, il entre à l'École des Beaux-Arts de Genève après des études classiques au collège Calvin. Il fréquente le cours d’Eugène Gilliard, qui encourage ses élèves à rejeter la copie fidèle de la nature, les poussant à sortir des sentiers battus. Il y rencontre le futur sculpteur Casimir Reymond, avec lequel il restera ami jusqu’à sa mort. Il suit également des cours du soir avec Hodler (Reymond, 1992, p. 33-37).
Parallèlement à ses études aux Beaux-Arts, il effectue une formation pratique chez un maître-verrier de Carouge originaire des Pays-Bas, Gérard Krachten (Dumaret, 2009, p. 195), dont l’atelier produit essentiellement des fenêtres décoratives pour des maisons particulières. En 1913, il remporte le prix Lissignol pour l'un de ses premiers vitraux, intitulé les "Vendanges de Bonne" (Reymond, 1992, p. 37). La même année, il prend publiquement la défense de l'artiste Alexandre Cingria dans la presse sous le pseudonyme de "Tristan et Iseult", suite au scandale déclenché par son vitrail de Notre-Dame de Genève représentant l'Église de Genève aux pieds du Christ (GE_18.28) (Poiatti, 2008, p. 111-114), en affirmant le droit de l'artiste à l'originalité (Reymond, 1992, p. 40).
En 1915, fraîchement diplômé, il fonde un premier atelier de verrier à son domicile au 8 rue du Prieuré (Reymond, 1992, p. 37). La même année, il obtient sa première commande d'envergure avec les trois vitraux des bas-côtés de l'église Saint-Paul de Cologny, chantier qui marque le "coup d'envoi" de ce que l'on appelle le "renouveau de l'art sacré" de la première moitié du XXème siècle en Suisse romande (Poiatti, 1988 ; Poiatti, 2008, p. 118-120). Outre Cingria, s'y rejoindront des figures comme celle de l'architecte Adolphe Guyonnet ou Georges de Traz, qui feront partie, comme Poncet, de l'une des sociétés artistiques catholiques les plus influentes de la première moitié du XXème siècle en Suisse : le Groupe de Saint-Luc. La décoration de l'édifice est également placée sous la supervision d'un artiste et théoricien de l'art à l'influence déjà immense, le Français Maurice Denis, futur beau-père du jeune Poncet. Le style des premiers vitraux de Poncet manifeste d'ailleurs son admiration pour Denis et l'Art nouveau (par exemple GE_08.12) (Noverraz, 2014, p. 21-27 ; Sauterel, 2008, p. 238). Durant cette période, il réalise également dans son atelier les vitraux d'autres artistes, à l'instar de Cingria, Denis et Émile Brunner pour les églises de Saint-Paul de Cologny et de Notre-Dame de Genève (Sauterel, 2008, p. 236-238, 282-283, 287-290). Son premier travail collaboratif est probablement la verrière dédiée à Pierre et Paul conçue avec Cingria pour l'église Notre-Dame de Genève, posée en mai 1915 (GE_18.07) ("Hommage à M. le curé Emile Dusseiller", s.d.). En 1917, il ouvre un nouvel atelier dans les combles du même immeuble, sous l’appellation de "Société genevoise de verres ouvrés" (Reymond, 1992, p. 37).
En 1918, il remporte le concours organisé pour choisir l'artiste en charge de la réalisation des vitraux de la cathédrale de Lausanne. Parallèlement, il se lance, en collaboration avec Charles Wasem, dans la création d'une usine de verre à Bossey-Veyrier, près de Genève, avec l'espoir de renouer avec les secrets de fabrication du verre dit "à l'antique" (Reymond, 1992, p. 50-51 ; Donche-Gay, 1994, p. 34). En 1919, il fonde avec Cingria le Groupe de Saint-Luc et Saint-Maurice, première bouture de la Société connue sous le nom de Groupe de Saint-Luc (Noverraz, 2022, p. 35-40). Poncet y participera jusqu'en 1925 environ, avant de s'en distancier. En 1922, il doit faire face à la puissante polémique déclenchée par la pose de son premier vitrail à la cathédrale de Lausanne sur le thème des quatre Évangélistes, événement qui l'affecte beaucoup (Donche-Gay, 1994, p. 38-42 ; Noverraz, 2014, p. 34-41). Durant la même période, il se voit contraint de fermer sa fabrique de verre, qui est un échec. Il se marie le 22 avril avec Anne-Marie Denis, fille de Maurice Denis (Reymond, 1992, p. 55).
En 1925, il part s'installer à Paris où il développe ses activités de peintre de chevalet et découvre la gravure. A la suite d’une exposition aux Tuileries, en 1927, il est découvert par Antoine Bourdelle, qui le prend sous sa protection et lui permet de rencontrer bon nombre de collectionneurs influents. Cette période l'éloigne de ses activités dans le vitrail, même s'il continue à travailler pour quelques commanditaires en Suisse, notamment à la chapelle du collège de l'Abbaye de Saint-Maurice. Durant cette période, il rencontre Louis Soutter, qui viendra souvent lui rendre visite à Vich, où la famille revient s’installer chaque année durant la belle saison, jusqu'à son installation à Lausanne en 1937. Dès 1945, il occupe le poste de professeur d’académie et de peinture à l’École cantonale de dessin et d’art appliqué de Lausanne, emploi qui lui permet de faire vivre sa famille. L'artiste mène une vie difficile, marquée par de nombreuses difficultés financières et la recherche permanente de commandes (Reymond, 1992, p. 57-74).
Durant sa carrière, Poncet se consacre à la peinture, au vitrail, à la gravure et également à la mosaïque, qu'il expérimente pour la première fois en 1932 à l'église catholique de Gstaad (Reymond, 1992, p. 65), où il conçoit également un de ces cycles de vitraux parmi les plus emblématiques. Il réalise des vitraux pour plusieurs églises de Suisse romande et imagine plusieurs projets non-réalisés pour des édifices religieux et profanes de Suisse allemande et de France. Parmi ses réalisations verrières les plus importantes, on peut citer l'église de Veyrier (1933) dans le canton de Genève, l'église Saint-Sigismond de Saint-Maurice (1942-1946), en Valais, et les vitraux de la collégiale de Neuchâtel (1950-1951). S'il n'a pas une production très large (ce qui est principalement dû à son style moderne et sans concession qui lui a valu de nombreuses incompréhensions durant sa carrière), ses vitraux présentent la particularité d'avoir été réalisés par lui-même, ce qui est assez rare, et d'être le fruit d'une intense réflexion et d'un processus créatif particulièrement complexe dont rendent compte ses nombreux travaux préparatoires conservés au Vitrocentre Romont, ainsi que ses carnets de note (Noverraz, 2014).
A la fin des années quarante, il tend de plus en plus vers l'abstraction. Les vitraux des bas-côtés de l'église de Chermignon (1952) en Valais, manifestent cet intérêt, bien qu'il ne s'agit que d'oeuvres secondaires, devant accompagner un monumental cycle de vitraux pour les haut-jours de la nef sur le thème de la Création du monde, qui ne sera pas réalisé (Noverraz, 2014, p. 97-103). Il meurt le 18 juin, à l’âge de 59 ans, d’une crise cardiaque (Reymond, 1992, p. 92).
Donche-Gay, S. (1994). Les vitraux du XXe siècle de la cathédrale de Lausanne : Bille – Cingria – Clément – Poncet – Ribeaupierre – Rivier, Lausanne, Suisse : Ed. Payot.
Dumaret, I. (2009). KRACHTEN (Gérard, 1863-1944). Dans J.-M. Marquis (dir.), Dictionnaire carougeois : Arts à Carouge : Peintres, sculpteurs et graveurs (tome IV B, p. 195). Carouge, Suisse : Ville de Carouge.
"Hommage à M. le curé Emile Dusseiller". (s.d.). [document dactylographié]. Archives du Vicariat de Genève (AVG).
Noverraz, C. (2022). Le Groupe de Saint-Luc (1919-1945) : expression et quête d'identité d'une Société artistique catholique dans l'Europe de l'entre-deux-guerres [thèse de doctorat inédite]. Université de Lausanne.
Noverraz, C. (2014). Marcel Poncet (1894-1953) : au coeur de l'oeuvre d'un artiste-verrier [mémoire de master inédit]. Université de Lausanne.
Poiatti, M. (1988). L'église de Saint-Paul, Grange-Canal. Genève, Berne, Suisse: Société d'histoire de l'art en Suisse.
Poiatti, M. (2008). Vitrail et modernité. Dans L. Borel (dir.) Émotion(s) en lumière, le vitrail à Genève (p. 98-141). Genève, Suisse : La Baconnière Arts.
Poncet M. (1984). La violence de l’esprit et la pitié du cœur [textes rassemblés par Monique Silberstein]. Lausanne, Suisse : l’Age d’homme.
Reymond, V. (1992). Marcel Poncet. Paris, France : La Bibliothèque des Arts.
Sauterel, V. (2008). Catalogue raisonné des vitraux de Genève. Dans L. Borel (dir.) Émotion(s) en lumière, le vitrail à Genève (p. 224-375). Genève, Suisse : La Baconnière Arts.