Ce carton correspond à la partie supérieure de l’une des quatre baies figurant les symboles des évangélistes de la grande verrière du choeur de l’église Saint-Maurice de Bussy, construite en 1937-1938 par l’architecte phare du Groupe de Saint-Luc, Fernand Dumas (Lauper, 2012. p. 284). L’auteur de ce carton et des trois autres liés à cette grande paroi en vitrail (KF_1062, KF_1063, KF_1590) est l’artiste fribourgeois Willy Jordan. Suite au gain du concours pour la décoration intérieure du sanctuaire, il a réalisé la polychromie générale de l’église ainsi que sa décoration intérieure (Jordan, 1958, p. 2), dont une peinture monumentale dans le choeur, dédiée au martyre de saint Maurice et de la légion thébaine, auquel l’église est dédiée (Lauper 2012, p. 284). Il conçoit également le chemin de croix et les décors du plafond, de la chaire, du maître-autel, de l’autel latéral, des tables de communion, des ornements et des vêtements liturgiques (Jordan, 1958, p. 5).
En tant que décorateur de l’église, il a probablement imaginé le dessin de toutes les verrières de la nef et des trois groupes de fenêtres dans la sacristie, bien qu’aucune source ne le précise dans les archives de la paroisse. Les verrières de la nef s’intègrent harmonieusement au décor de celle-ci et répondent aux teintes choisies pour les quatre baies réalisées par Jordan dans le choeur. Avant son travail à Bussy, il avait gagné avec l’artiste fribourgeoise Jacqueline Esseiva les premiers prix pour la polychromie et la décoration intérieures des nouvelles églises de Sorens (1935) et d’Orsonnens (1936), dont les projets architecturaux sont également signés Fernand Dumas. En 1931, les deux artistes participent au concours pour la décoration intérieure de l’église Saint-Pierre de Fribourg dont ils gagnent le premier prix dans la “catégorie artistes fribourgeois”. Ces quatre projets décoratifs mettent en exergue une palette de coloris presque à chaque fois identique mais avec une dominante différente dans chaque lieu (Noverraz, Sauterel, 2020, p. 105-107).
Alors qu’il commence à travailler à Bussy, Jordan vient de terminer la décoration et la polychromie intérieures de l’église Saints-Pierre-et-Paul d’Orsonnens, où il a aussi réalisé le vitrail du choeur ainsi que les petits vitraux de la sacristie et du baptistère. Dès l’origine, à l’exception de la rose de la tribune, il est prévu à Bussy, probablement pour des raisons financières, de poser des vitraux ornementaux (appelés “grisailles”), comme en informe l’architecte de l’église, Fernand Dumas, lors d’une séance de la commission de bâtisse en mars 1938 (Villard, 1938). La verrière du choeur est de la même veine stylistique que celle d’Orsonnens. Composée, selon un modèle assez similaire, d’une multitude de petits morceaux de verre colorés, l’artiste y insère des motifs iconographiques très graphiques, où dominent des clairs obscurs puissants. Les trois-quarts de chaque baie sont occupés par des inscriptions qui sont aussi graphiques que le dessin et participent pleinement à l’iconographie générale de la verrière. C’est la diversité des coloris qui permet la lisibilité des caractères typographiques. Jordan s’est peut-être inspiré des verrières de Cingria dans la nef de l’église Saint-Michel de Sorens en 1934-1935 (GSL_324 par exemple), réalisées alors que lui-même y était engagé pour la polychromie et la décoration intérieure de l’église. Cingria avait alors déjà fait de l’écriture le sujet principal de son vitrail, suivant un parti qui n’a pas dû laisser Willy Jordan insensible. Peut-être est-ce même sous l’influence de Jordan, graphiste de formation (Jordan, 1958, p. 1), que Cingria se tourne vers cette solution.
Après la consécration de l’église, la paroisse, manquant d’argent pour boucler les comptes, fait appel aux dons des paroissiens, anciens paroissiens et amis de la paroisse pour financer la fresque du choeur, le chemin de croix mais aussi les vitraux (Villard et Joye, 1938).