Ce vitrail, situé dans le choeur de l’église Saint-Étienne de Colombier, a été réalisé en 1932 par l’artiste et animateur du Groupe de Saint-Luc Alexandre Cingria et par l’atelier Chiara de Lausanne.
Ce vitrail dédié à Louis IX, tout comme celui qui lui fait pendant dans le choeur, consacré à saint Maurice et également dessiné par Cingria, s’inscrit dans le cadre de la rénovation de l’édifice par l’architecte Fernand Dumas, entre 1930 et 1932. A la fin des années 1920, la Société Libre, association privée qui gère les biens de la paroisse, envisage un rafraîchissement de l’édifice construit en 1883-1884 et une nouvelle décoration plus au goût du jour (Aubry, Frochaux, Gans, Tharin, 1984, n.p.). C’est le Fribourgeois Dumas et l’artiste vaudois Gaston Faravel, tous deux membres de la Société Saint-Luc, qui obtiendront le mandat. Cette attribution n’est certainement pas étrangère au fait que le nouveau curé de la paroisse, Louis Glasson, grand amateur d’art, en est lui même membre (Societas Sancti Lucae, 1929, p. 4). Faravel réalise la nouvelle polychromie de l’édifice, accompagnée de décors peints sur la tribune des orgues et l'arc du choeur, consistant en une succession de motifs narratifs disposés dans des médaillons, selon une formule typique de l'artiste, ainsi qu’un chemin de croix en peinture sous-verre achevé en 1932 (Glasson, 1932).
Anciennement curé de Rolle, Glasson avait déjà oeuvré à l’époque pour faire installer dans l'église vaudoise des oeuvres d’Alexandre Cingria (Rime, 2005, p. 262). Même si les archives n’en donnent pas la confirmation, on peut supposer que le curé souhaitait également mandater l’artiste pour la réalisation de vitraux à Colombier, mais qu’en l’absence de financement, ce projet s’avérait impossible au vu des moyens limités de la Société Libre. En septembre 1931, Glasson informe le comité que les officiers du canton de Fribourg, sans doute par l'intermédiaire de Cingria qui est-lui même officier de l'armée suisse, font don de deux vitraux pour le choeur de l'église (Glasson, Guimard, 1931). Ils seront posés en avril 1932 (Glasson, Guimard, 1932).
Sans doute en accord avec les donateurs et pour rester dans l’esprit du monde militaire, Cingria choisit de représenter deux saints guerriers, saint Maurice et saint Louis roi de France. Le choix de ces saints s’inscrit aussi dans la revendication d’une latinité dont l’importance est capitale à cette période dans la construction de l’identité du Groupe de Saint-Luc. Cette recherche de cohésion autour des valeurs d’un mythe latin originel est particulièrement bien incarnée par saint Maurice, qui avait été choisi par Cingria en 1919 comme saint patron de la première bouture du Groupe de Saint-Luc, à travers le titre de “Groupe de Saint-Luc et Saint-Maurice” (Noverraz, 2022, p. 37, 220-226). La figure de Louis IX ou saint Louis, mélange de force politique, guerrière et religieuse, devait également fasciner l’artiste, féru d’histoire et particulièrement de celle de la monarchie française.
Cingria fait rayonner dans ces deux vitraux tout son savoir-faire de peintre-verrier en collaboration avec l’atelier Chiara, avec lequel il entretenait une collaboration privilégiée depuis 1927 (“Vitraux d’art exécutés par la maison Chiara de Lausanne [...]”, 1931). Il utilise, comme à son habitude, de nombreux verres spéciaux présentant une texture ou un miroitement particuliers (verres américains irisés, verres cathédrale, verres chenillés) et des pièces de verre moulé en relief appelées cabochons, tandis qu’il peint à la grisaille les traits des visages et les modelés avec une fougue qui le caractérise (Cingria, 1933, p. 116-117). Son expérience de décorateur de théâtre se ressent également dans ces vitraux, à travers la richesse des costumes, la gestuelle et le cadrage. Il met en valeur les saints en les plaçant au centre des baies avec un plan assez serré sur ceux-ci. Comme saisis sur le vif, ils sont représentés en plein combat, l’allure fière et le visage serein malgré le danger.