Cette verrière a été réalisée en 1928-1929 par Alexandre Cingria et l’atelier Chiara, pour la chapelle du Pensionnat Saint-Charles de Romont. Sa réalisation s’inscrit dans le chantier de décoration du petit sanctuaire, confié à plusieurs artistes membres du Groupe de Saint-Luc, dont Gaston Faravel pour la polychromie générale et les peintures murales, Marcel Feuillat pour l’orfèvrerie et Marguerite Naville pour les mosaïques de l’autel (Roulin, 1930 ; Aubert, 1945, p. 69). Cingria est chargé du cycle des six vitraux consacrés à la Vierge éclairant les bas-côtés, et des quatre baies à claustras situées au sommet de la voûte de la nef et du choeur, dont ce vitrail fait partie. La chapelle s’intègre dans le nouveau bâtiment du pensionnat construit entre 1927-1928 par l’architecte Fernand Dumas, autre membre emblématique du Groupe de Saint-Luc. Cette construction permet d’agrandir le pensionnat qui comprenait déjà un premier bâtiment également construit par Dumas en 1913, sa première réalisation en tant qu’architecte (Roulin, 1930, p. 101-105).
Bien que la signature de l’atelier ne figure sur aucune verrière de la chapelle, leur réalisation peut être attribuée à l’atelier Chiara, puisque l’une des baies de la voûte est publiée dans une brochure publicitaire éditée en 1931 par la maison lausannoise, afin de présenter différents travaux produits en collaboration avec Cingria, parallèlement à des listes de prix (“Vitraux d’art [...]”, 1931). La présence de cette verrière dans ce catalogue publicitaire indique que ce cycle était considéré comme présentant un véritable intérêt artistique, digne de représenter la production de l’atelier.
Pour les quatre baies d’aplomb qui éclairent zénithalement la nef et le choeur, Cingria imagine des verrières mixtes, mêlant compositions ornementales et zones figurées. Ces vitraux s’intègrent dans les jours de la stucature peinte, dont le dessin géométrique a été établi de manière très précise par Dumas, qui a imaginé également les motifs ornant les cercles centraux en stuc, ici une croix rouge sur fond de rayons dorés en relief (Dumas, 1928). Sur les trois verrières zénithales de la nef, Cingria représente les armoiries des quatre évêques du diocèse depuis 1891, avec une variante pour celle du centre, qui illustre les vertus cardinales. Ces représentations sont traitées à la grisaille et au jaune d’argent, à la manière de peintures, dans une technique similaire à celle qu’il adopte dans les vitraux de la nef pour les scènes principales de la vie de la Vierge.
Ce type de verrière, où le verre s’intègre dans des claustras en poussant encore plus loin son assimilation à l’architecture préfigure les futures réalisations qui seront faites dès 1935 au sein du Groupe de Saint-Luc, notamment dans la technique de la dalle de verre, développée en France, qui consiste à sertir du verre bien plus épais que le verre à vitrail dans une structure de béton armé (Noverraz, Sauterel, Wolf, 2021, p. 50-59). Cingria, qui sera le premier artiste de la Société à l’explorer, parvient au paroxysme de cette fusion du verre et de l’architecture à la chapelle du Christ-Roi de l’Université Miséricorde de Fribourg (GSL_493), dont les parois sont entièrement composées de dalles de verre. Avant que la technique ne se diffuse en Suisse, le Groupe de Saint-Luc réalise plusieurs vitraux intégrant du verre plat coloré dans des claustras aux formes géométriques, comme à Siviriez (GSL_516, GSL_517) ou ici à la chapelle du Pensionnat.
Dans ses églises, Dumas cherche à proposer différents types d’éclairage et explore à plusieurs reprises les possibilités offertes par des baies zénithales, recevant la lumière grâce à un système de velux à même la toiture. A Orsonnens, il imagine un système de dalles de verre transparentes placées derrière les motifs en stuc des caissons du plafond de la nef, laissant filtrer la lumière provenant de l’extérieur grâce à des tuiles de verre sur la toiture (Torche-Julmy, Maggetti, James, 2003, p. 57). A Siviriez, il existait jusqu’à sa suppression en 1968 une verrière zénithale dans le choeur, dont seules quelques photos d’archives rendent encore compte aujourd’hui (Raemy, 1986). L’architecte Adolphe Guyonnet a également adopté un éclairage zénithal à Tavannes, situé à l’entrée du choeur et au-dessus des autels latéraux, dans un style beaucoup moins décoratif et plus épuré que celui de Dumas (G. D., 2004).
