Cette verrière tripartite consacrée à sainte Thérèse de Lisieux se situe sur la façade sud-est de la nef de l’église Saints-Pierre-et-Paul d’Orsonnens, construction emblématique de l’architecte du Groupe de Saint-Luc Fernand Dumas. Comme l’ensemble des neuf vitraux de la nef, datant de 1939, elle est l’oeuvre de l’artiste Alexandre Cingria, en collaboration avec le Fribourgeois Willy Jordan (Jordan, 1958, p. 6), auteur de la polychromie générale du sanctuaire, des mosaïques du choeur et de la chaire, des ornements et vêtements liturgiques ainsi que des vitraux du choeur, de la sacristie et du baptistère (Jordan, 1958, p. 2, 5). L’atelier fribourgeois Kirsch et Fleckner réalise l’ensemble des vitraux de la nef.
L’atelier Kirsch et Fleckner cesse son activité en 1938, suite à la mort de son cofondateur Vincenz Kirsch. Une année plus tard, les enfants des deux familles séparent l’entreprise en deux et perpétuent le savoir-faire de leurs pères chacun de leur côté (Pasquier, 1999, p. 60). Nous supposons que ces neuf verrières, datant pourtant d’après la mort de Vincenz Kirsch, lui ont été commandées avant sa disparition, expliquant pourquoi elles sont encore signées par l’atelier Kirsch et Fleckner. Terminées en mai, les verrières ne sont pas posées immédiatement mais partent pour Zurich, où elles sont présentées à l’Exposition nationale suisse (Cingria, [1944], p. 11) au pavillon d’art religieux de la Suisse romande (Bulletin paroissial, 939a). Elles sont mises en place à Orsonnens vers la mi-novembre (Bulletin paroissial, 1939b).
Cingria réalise les neufs fenêtres tripartites de la nef sur un modèle identique. Un saint nimbé en pied et de face est figuré sur la baie centrale, tandis que les fenêtres latérales présentent une composition géométrique proche de l’abstraction, reprenant non seulement les teintes utilisées au centre mais aussi la forme du saint. Le nom de celui-ci figure au bas de chaque fenêtre sur trois cartouches.
Pour chaque personnage, l’artiste choisit des couleurs dominantes qui lui sont propres. Pour Thérèse de Lisieux, ce sont les bruns, les orange et les rouges qui dominent la composition. L’artiste utilise la peinture à la grisaille sur le visage, les mains, les pieds, les roses et le chapelet de la sainte. Pour le reste de sa composition, il choisit de mélanger des verres américains, des verres structurés et des verres colorés simples pour apporter une dynamique particulière aux teintes de sa composition et créer un certain volume sur les vêtements de la sainte. Comme Cingria le relate dans ses Souvenirs d’un peintre ambulant : “Contrairement à l’usage des peintres verriers, je ne craignais pas de mélanger tous ces verres de nature différente, ce qui permet d’obtenir dans le vitrail une préciosité de tons inconnue des anciens verriers” (Cingria, 1933, p. 122-123).
Pour les baies latérales, qui sont identiques, il travaille sur la même dominante rouge et orangée. Il reprend le motif de la rose, présent de part et d’autre de la tête de la sainte, et le reproduit en bas de chaque côté, de manière plus abstraite et en plus grand.
Dans le fonds graphique de l’atelier Kirsch et Fleckner, propriété du Vitrocentre Romont, sont conservés deux cartons pour cette verrière : celui de la sainte (KF_1306) et de la lancette latérale (KF_1303), tandis que la collection graphique du Vitromusée Romont comprend la maquette de la sainte (VMR_1226_a).
La mise en perspective de la maquette (VMR_1226a) avec les cartons (KF_1303 et KF_1306) et le vitrail dédié à Thérèse de Lisieux nous offre l’opportunité de mieux comprendre la méthode de travail de l’artiste. Cingria fixe rapidement les lignes définitives de sa figure sur la maquette et ne fait que de légers changements sur le carton, comme la position des deux roses aux pieds de la sainte, ainsi que la hauteur de sa main droite. Alors que le dessin de la sainte est très précis sur la maquette, il est beaucoup plus esquissé sur le carton, ce qui est paradoxal, puisque normalement c’est le carton qui sert de base à la création du vitrail. Mais comme Cingria le relate dans ses Souvenirs d’un peintre ambulant, il renonce souvent aux cartons peints, étape qu’il juste “inutile et bête” : “Une petite maquette pour les couleurs, et une mise en place sommairement ébauchée puis épurée par un calque précis me suffisent. De cette façon, j’arrive à plus de justesse dans mes tons, que je ne fausse pas en tâchant de transcrire ceux d’un carton forcément fatigué, puisqu’il est recopié d’une maquette” (Cingria, 1933, p. 119-120). A Orsonnens, il n’a pas abandonné le carton, mais celui-ci lui permet principalement de définir la taille et la forme des pièces de verre et de nuancer quelque peu les coloris, qui sont encore retravaillés sur le vitrail.