Dans un encadrement de format rectangulaire horizontal marqué par une bordure ornementale alternant triangles et points sur la partie supérieure, et simple frise en alternance de carrés noirs et blancs sur les trois autres côtés, un archer bandant son arc est représenté de profil. Il est vêtu d’un casque de type persan avec coiffe de maille, et d’un vêtement constitué de différentes pièces de cuir, laissant les bras nus. Le personnage est représenté devant un chêne feuillu, se détachant sur un fond de ciel bleu clair traité en petites touches de différentes nuances. Trois flèches surgissent de la droite de la composition, dirigées directement sur l’archer. Tandis que la pointe de sa flèche est hors cadre, la partie supérieure de son arc, la pointe de son casque et son coude débordent dans l’espace du spectateur.

Plis, trous de punaises, couche picturale abîmée

Ce carton a été réalisé par Fortuné Bovard en vue de l’exécution d’un vitrail dont la localisation est aujourd’hui encore inconnue.  

Le talent dont l’artiste fait preuve sur ce carton rappelle certains de ses projets pour le Salesianum de Fribourg, notamment ceux présentant des vues de la ville de Fribourg. On retrouve sur l’un de ces cartons (KF_613) la même maîtrise du dessin dans le traitement de la cathédrale, ainsi que le motif de la feuille de chêne automnale dont la réalisation est encore une fois très similaire. Ce projet inconnu pour un vitrail avec un archer pourrait avoir été réalisé dans les mêmes années que le Salesianum, aux alentours de 1907, date auxquelles l’artiste se montre très actif dans sa collaboration avec Kirsch & Fleckner.  Il termine le très important cycle de l’église fribourgeoise de Cugy, réalise les vitraux des transepts de l’église Sankt-Tiburz à Chevrilles (Giffers) et les vitraux de la nef de l’église Saint-Etienne de Belfaux. L’influence d’Eugène Grasset, chez qui il a probablement pris des cours de dessin à l’école Guérin à Paris dans les années 1900 à 1903, est indéniable dans l’ensemble de sa production de ces années (Augustin, 1999, p. 55, 57-59). 

Malgré l’apparente simplicité de cette scène, un archer se préparant à tirer, l’artiste raconte une histoire qui ne se dévoile pas au premier abord. Se confondant avec les branchages de l’arrière-plan, trois flèches apparaissent à droite, se dirigeant droit vers l’archer qui ne semble pas les remarquer, concentré sur son tir. Bovard met en exergue la dimension temporelle du sujet, en proposant un véritable arrêt sur image dont l’issue dramatique se joue hors cadre. Encadrée par une bordure géométrique, la scène évolue partiellement dans l’espace du spectateur par l’intermédiaire de l’arc et du coude de l’archer qui sortent du cadre.

Le mystère qui entoure cette oeuvre demeure entier. S’agit-il d’une composition unique ou s’inscrivait-elle dans un cycle verrier plus vaste ? S’agit-il de la représentation d’une scène historique ou d’un sujet allégorique ? Seule la découverte du vitrail correspondant à ce travail, s’il a bien été réalisé et s’il existe encore, pourrait permettre de résoudre une partie de ces énigmes. Il peut en attendant être apprécié comme une réalisation de choix de cet artiste méconnu qu’est Fortuné Bovard.