Ce carton en noir et blanc est un projet pour un vitrail dont la localisation n’a pas encore pu être identifiée.
Bien que ce carton ne soit pas signé par l’artiste cartonnier, il est indiscutable qu’il est de la main de Raymond Buchs, grâce à sa comparaison stylistique avec les cycles contemporains d’Onnens (1911-1913) et du Jaun (1908-1910). On retrouve non seulement la précision du trait et le souci du détail animant chacune de ses oeuvres, mais également ce style classique qui lui est propre. En 1911, Buchs est de retour d’Allemagne où il a initié, parallèlement à ses créations verrières, une belle carrière de graphiste (Rudaz, 2001a, p. 13-15). Il continue de travailler pour l’atelier Kirsch & Fleckner, où il a fait son apprentissage entre 1894 et 1897 et pour lequel il n’a cessé de travailler depuis l’étranger (Rudaz, 2001b, p. 20). Il collabore avec lui jusqu’en 1913, année où il abandonne définitivement le vitrail, n’étant plus en phase avec les exigences des paroisses et souffrant vraisemblablement d’une absence de reconnaissance.
Ce carton est très proche de deux autres projets sur le même thème qui sont également de la main de Raymond Buchs (KF_798 et KF_795) et d’un vitrail réalisé en 1910 pour la cure du Jaun (VMR_10038).
L’un de ces cartons (KF_798) est une version pour l’une des deux verrières du choeur de l’église de Neirivue, dont la réalisation date de 1910. Composé dans des proportions un peu différentes, Bernadette Soubirous est placée plus près de la Vierge. Vêtue autrement, elle porte un châle à franges sur ses épaules, elle ne tient pas de cierge mais a les mains ouvertes devant elle. La végétation sur les roches entourant la Vierge a également disparu, et le nimbe de celle-ci est sans inscription (contrairement au vitrail).
Un autre carton similaire (KF_795) est une version pour un vitrail posé à l’église de Villaraboud, datant de 1911. Il lui ressemble beaucoup, à la différence de la tenue de Bernadette Soubirous et de l’ajout d’un cierge qu’elle tient dans sa main. Il y a également plus de végétation sur les roches autour de la Vierge et le nimbe de celle-ci est orné de l’inscription : “Je suis l’Immaculée Conseption” (faute dans le texte).
La comparaison du vitrail de la cure du Jaun (VMR_10038) avec ce carton montre de très grandes similarités, à la différence de quelques détails comme le vêtement de Bernadette Soubirous et la position de ses mains. Sur ce carton, elles sont jointes et tiennent un chapelet, alors que sur le vitrail Bernadette porte un cierge allumé. Une végétation clairsemée apparaît sur la partie gauche des rochers sur ce projet, mais celle-ci est absente sur la verrière.
Ces variations autour d’une même composition sont intéressantes. Elles démontrent que l’artiste s’est basé sur un même modèle (dessin issu d’un cahier de modèles utilisé par de nombreux artistes illustrant les thèmes iconographiques les plus populaires) qui a ensuite été adapté selon son imagination, les souhaits des commanditaires et les contraintes liées au format de chaque création. Ce carton n’ayant pas encore pu être rattaché à une église, il est cependant impossible de déterminer lequel de ces projets a été réalisé en premier. Ils ont vraisemblablement été conçus dans les mêmes années.
L’attribution à Raymond Buchs de l’ensemble de ces cartons et du vitrail du Jaun, possible grâce à la comparaison stylistique avec des cycles qui lui sont attribués de manière sûre (Onnens, le Jaun, Neryuz, Villarlod), démontre la grande productivité de cet artiste. Il demeure cependant anonyme, puisqu’aucun vitrail ne porte sa signature (alors que plusieurs de ses cartons sont signés), à l’exception de deux petits vitraux réalisés en 1897 pour la tribune de l’église d’Ueberstorf, probablement son travail de fin d’apprentissage, et son dernier vitrail réalisé en 1913 pour la cage d’escalier de l’école du Bourg à Fribourg, qui porte sa signature en lettres majuscules. Cet anonymat, lorsqu’il rentre en Suisse en 1911, n’a pu le laisser indifférent et est aussi probablement une des raisons qui lui ont fait abandonner le vitrail.