Ce vitrail néo-renaissant adopte la composition traditionnelle des anciens “vitraux suisses” très en vogue dès la fin du XVe siècle. Les éléments caractéristiques sont présents: scène principale placée dans un encadrement architectural avec une colonne de part et d’autre, emplacement réservé à un cartouche ou un phylactère portant une inscription, scènes figuratives secondaires dans les écoinçons. Au XIXe siècle, de nombreux peintres verriers ont pris pour modèles ces vitraux et ont représenté le sujet des lansquenets selon cette tradition. Si aucun modèle direct n’a pu être identifié pour ce vitrail, on peut néanmoins constater des parentés avec des projets de vitraux d’artistes suisses, notamment du schaffhousois Daniel Lindtmayer (1552–1606/07) ou de son entourage. Signalons sa scène d’auberge dessinée en 1572 et conservée au Kunsthaus de Zurich (Kunsthaus 1938/66, IV, Sammlung Ganz, 2; voir Thöne, 1975, ill. 27, p. 308, Kat. 16). Une composition très semblable réalisée en 1574 par Hans Jakob Plepp, alors actif à Bâle, est déposée au Musée historique de Berne (Sammlung Wyss, Depositum de la Confédération, Inv. 20036.223, cf. Hasler, 1996, p. 101-102). Un vitrail de 1568 attribué à l’atelier de Felix Lindtmayer le Jeune (mort en 1574) comporte le plus de similitudes quant au sujet avec le panneau de Gustav van Treeck, et présente également des vitreries à cives à l’arrière-plan (Legs du Dr. Bernhard Peyer à la Peyersche Tobias Stimmer-Stiftung 1997, cf. Hasler, 2010, p. 293-294). On retrouve encore une joyeuse tablée similaire attribuée à un dessinateur schaffhousois, peut-être Felix Lindtmayer le Jeune, à la Staatliche Kunstbibliothek de Berlin (N°inv. Hdz. 1641. Voir Thöne, 1975, ill. 470, p. 477, Kat. III, C 40). Daniel Lang (1543–1605) représente quant à lui en 1569 quinze hommes attablés (Sammlung Wyss, Depositum de la Confédération au Musée historique de Berne, Inv. 20036.215, cf. Hasler, 1997, p. 133, Nr. 511). Citons encore un autre vitrail dédié à une scène d’auberge, réalisé en 1568 par un verrier schaffhousois non identifié et conservé dans une collection privée à Neuhausen am Rheinfall (Hasler, 2010, p. 412-413). On y retrouve les vitreries à cives et les cruches placées dans une bassine pour garder la boisson au frais.
Le vitrail porte la signature de Gustav van Treeck (1854–1930), fils d’un maître verrier et fondateur à Munich d’un atelier qui sera dirigée par trois générations successives de la dynastie de verriers van Treeck (Bayerische Hofglasmalerei Gustav van Treeck. Werkstätten für Mosaik und Glasmalerei). Cette œuvre a été créée avant la fondation de l’atelier van Treeck en 1887. L’inscription en chiffre romain MDCCCLXXXII (1882) dans le cartouche permet en effet de la dater avec précision. D’après une courte autobiographie mentionnée par Elgin van Treeck-Vaassen dans une lettre adressée le 29.06.1998 au Vitrocentre Romont, Gustav van Treeck a été employé par l’atelier Franz Xaver Zettler à Munich jusqu’en 1882. La même année, l’artiste munichois, alors âgé de 28 ans, a réalisé un vitrail héraldique aux armoiries “Bayern und Pfalz”, exposé en 1993-1994 à Erfurt (cf. Van Treeck-Vaassen, 1993, p. 202). Il pourrait s’agir d’un pendant du vitrail conservé au Vitromusée. On y retrouve l’inspiration des “vitraux suisses”, la présence de lansquenets allemands, mais avant tout le même soin accordé aux détails et une technique très élaborée. La grande maîtrise technique et artistique de ces panneaux en font peut-être des pièces de démonstration et de publicité du peintre verrier pour montrer son savoir-faire. En 1903, Gustav van Treeck aura l’honneur d’obtenir le titre de verrier de la cour du roi de Bavière. La teinte brunâtre adoptée ici par Gustav van Treeck, dite “de galerie”, est caractéristique du goût de l’historicisme, de même que l’amour des détails et la finesse de la technique picturale (Bergmann, 2006, p. 71). Elgin van Treeck-Vaassen remarque que l’artiste a réalisé à ses débuts de nombreuses copies de vitraux suisses ou des vitraux inspirés par ces derniers. Elle cite une série de copies précises d’après des pièces anciennes, notamment du couvent de Muri (Argovie). Dans sa lettre, Elgin van Treeck-Vaassen se souvient également d’un travail préparatoire pour ce vitrail se trouvant dans les archives de l’atelier.
L’inscription dans le phylactère est inspirée du refrain d’une chanson composée en 1880 par Ludofl Waldmann (1840–1919) et portant le titre “Sitz’ ich in froher Zecker Kreise...”: “Denn die alten Deutschen tranken ja auch / Sie lebten am Ufer des Rheins / Und lagen auf der Bärenhaut / Und tranken immer noch eins.”
Le vitrail a gardé son cadre d’origine.
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