Cette série de trois vitraux colorés en tiers-point, situés sur la façade sud de l’église Saint-Martin de Lutry, comme la fenêtre à l’est, ornent les fenêtres de la sacristie. Cette vitrerie colorée est probablement l’oeuvre de l’atelier lausannois Chiara, qui a collaboré avec l’artiste Alexandre Cingria pour l’ensemble des verrières de l’église.
A la fin des années vingt, face à l’étendue de la paroisse et à l’augmentation des fidèles, l’édification d’un lieu de culte pour la région Paudex-Lutry s’impose. En avril 1929, l’assemblée de la Société catholique de la Paudèze, animée par l’abbé Henri Barras, curé du Saint-Rédempteur, désigne l’architecte Fernand Dumas, soutenu par Mgr Besson. En mandatant le Romontois, les paroissiens choisissent indirectement de travailler avec les artistes du Groupe de Saint-Luc, dont Dumas est un représentant emblématique (Neuenschwander Feihl, 1995, p. 666, 669). Il fait appel au principal animateur de la Société, le Genevois Alexandre Cingria, pour la réalisation des vitraux puis la décoration intérieure du sanctuaire, bien qu’aucune source n’explique les circonstances de ces attributions (Neuenschwander Feihl, 1995, p. 671). Après son travail à Echarlens et Finhaut, c’est la troisième fois que l’artiste collabore avec l’architecte fribourgeois pour la décoration intérieure d’une église, et l’expérience acquise jusque-là lui permet d’aborder son travail avec un peu plus de sérénité, comme il le souligne dans ses Souvenirs d’un peintre ambulant : “C’est une grande entreprise qui demandait beaucoup de surveillance. J’étais du reste à mes débuts, Echarlens étant la première église qu’on m’ait confiée à décorer. Depuis, avec Finhaut et St-Martin de Lutry, j’ai acquis de l’expérience, et quand je serai à ma septième église, comme notre jeune ami Faravel, je connaîtrai le métier” (Cingria, 1933, p. 17).
Dans toutes ses églises, l’architecte phare du Groupe de Saint-Luc Fernand Dumas soigne l’ensemble des détails qu’il imagine très souvent lui-même (Lauper, 1995). La même attention est apportée aux sacristies, pour lesquelles il dessine aussi l’ameublement. Les fenêtres qui s’y trouvent sont souvent pourvues de vitraux. Bien que simples et souvent ornementaux, ils donnent à ces espaces usuels une ambiance particulière, comme la sacristie de Sorens (GSL_323) avec sa coupole de verre, ou celle de Murist ( GSL_395), dont les fenêtres sont parées de coeurs rayonnants. Les verrières de la sacristie de Lutry sont toutes encadrées de bois foncé, apportant à ce petit espace une touche colorée sur des murs clairs et un ameublement en bois foncé.