Les origines de l’atelier Chiara remontent à la seconde moitié du XIXème siècle, quand Pierre-Antoine Chiara (1858-1927), originaire du Piémont, adjoint dans les années 1880 un département vitrerie et glaces au commerce de porcelaine, verrerie, cristaux, vaisselle, encadrement et dorure, dirigé par sa nouvelle épouse Françoise Mondade à Saint-Laurent à Lausanne.
Leur fils, Pierre-Auguste Chiara (1882-1929), crée en 1904 une section vitrail dans le commerce familial, à la suite d’un apprentissage de cinq ans dans l’atelier de verrier de Karl Wehrli (1843-1902) à Zurich (Neuenschwander Feihl, 2005). Dès 1919, l’entreprise prend le nom de „P. Chiara et fils“. Pierre-Auguste s’occupe du département vitrail, en collaboration avec un autre verrier, Josef Stein, originaire de Koblenz en Allemagne, qui a appris son métier en Russie avant de travailler chez Wehrli, où il rencontre Pierre-Auguste Chiara. C’est lui qui s’occupe de la formation des nouveaux verriers de l’atelier Chiara. Parmi ceux-ci, son fils, André Stein, ainsi que Charles Bühlmann, lui succèdent à sa mort dans les années quarante. Malgré une polyvalence des activités de chaque employé au sein de l’atelier, André Stein se consacre majoritairement à la cuisson des verres et à la gestion du four à bois, tandis que Charles Bühlmann gère les contacts avec les clients et les artistes. Ce dernier est une figure déterminante de l’atelier par ses cinquante ans d’ancienneté au sein de l’entreprise (1926-1976), ce qui lui vaut officieusement le statut de contre-maître. De nouveaux verriers arrivent à la fin des années quarante, Georges Gamon, préposé à la mise en plomb et au montage des verrières, et Jean-Pierre Röthlisberger, qui s’occupe principalement de la dalle de verre, ainsi qu’à tout ce qui touche au métal et à la ferronnerie. En 1957, le verrier allemand Karl-Heinz Randtke, formé à la Stadtliche Glasfachschule de Rheinbach, rejoint l’équipe. Excellent peintre-verrier, c’est à lui que reviennent les travaux délicats, notamment ceux de peinture sur verre ou du traitement à l’acide des verres plaqués (Hostlettler, 2001a, p. 29-32).
A la mort de Pierre-Antoine en 1927 et de Pierre-Auguste, en 1929, c’est Pauline Chiara-Coronilla, épouse de Pierre-Auguste depuis 1922, qui reprend la direction de l’entreprise. L’atelier connaît alors plusieurs déménagements, d’abord au Flon, en 1938, puis en 1945 dans des locaux plus grands, aux Côtes-de-Montbenon où il se trouve aujourd’hui encore. Le magasin se maintient quant à lui à la place Saint-Laurent jusqu’en 1963. Lors de la première crise du pétrole en 1974, les soeurs Chiara, Alice et Pierrette, filles de Pauline et Pierre, vendent la vitrerie à Humbert Gabella (un collaborateur à la vitrerie). Le département des vitraux est finalement acheté en 1994 par Christophe Burlet (Hostlettler, 2001a, p. 29-30), qui reprend ainsi l’atelier Chiara qu’il met à son nom en 1996. Il se perfectionne auprès de Karl Hans Randtke, employé chez Chiara depuis 1957, perpétuant ainsi la tradition du vitrail au plomb et de la dalle de verre chère à l’atelier ("Les journées européennes des métiers d’art", 2015).

Réputé notamment pour la richesse de la palette de ses verres (Hostlettler, 2001a, p. 34), l’atelier Chiara s’adapte également très bien à l’évolution des goûts et de la demande en matière de vitrail durant la première moitié du XXème siècle. Plus axée sur le vitrail domestique avant la Première Guerre mondiale, la production de l’atelier s’oriente petit à petit davantage dans le domaine du vitrail religieux, alors en plein essor dans le contexte du renouveau de l’art sacré, tandis que les verrières décoratives à usage privé sont moins appréciées (Hostlettler, 2001a, p. 46). On recense ainsi, avant guerre, un grand nombre de vitraux réalisés par l’atelier Chiara, pour des immeubles, des villas, des brasseries ou restaurants (cage d’escalier et véranda d’un immeuble à l’avenue du Grammont 3 à Lausanne en 1906 ; cage d’escalier de l’ex-sanatorium „L’Abri“ à Montreux-Territet en 1905 ; hall et cabinet de travail au chemin des Ramiers 18 à Pully, en 1905; cage d’escalier de la Villa Jetty à Lausanne, en 1904 ; vitraux de l’ex-Brasserie viennoise à Bulle, en 1905 ; cages d’escalier et paliers de l’Hôtel Mirador au Mont-Pélerin, en 1915, etc.) (Hostlettler, 2001b).
Dans le domaine religieux, les réalisations ne sont pas moins nombreuses, avec des oeuvres créées dans les cantons de Vaud, Valais, Genève, Jura et Jura bernois, et dans une moindre mesure à Neuchâtel, Fribourg et Zurich, ainsi qu’en Amérique du Nord et du Sud (Hostlettler, 2001a, p. 37). Elles sont le plus souvent le fruit de collaborations avec des artistes chargés de la création du projet (vitraux des temples de Saint-François et de Saint-Martin de Vevey avec Ernest Biéler ; Vandoeuvres et Tramelan avec Bodjol ; la basilique Notre-Dame du Valentin, l’aula de l’Université de Genève, les églises Saint-Martin de Lutry et du pensionnat Saint-Charles de Romont avec Cingria; les temples de Coppet et Moudon avec Charles Clément ; et bien d’autres réalisations encore avec d’autres artistes comme Pierre Estoppey, Gaston Faravel, Paul Monnier, Jean Prahin, Casimir Reymond, Otto Steiger, etc.) (Hostettler, 2001b, p. 63). Parmi ces artistes, Alexandre Cingria joue un rôle très important pour l’atelier Chiara, dont il devient dès 1930 le conseiller artistique, apportant un certain prestige à l’entreprise. Il prépare les cartons, choisit les verres et pose la patine, tandis que le découpage, la mise en plomb et le montage sont effectués par l’atelier (Hostlettler, 2001a, p. 36-37). Ces contributions entre les artistes et l’atelier démarrent dans le cadre des commandes privées, avec une première collaboration en 1909 pour la coupole des Galeries du Commerce à Lausanne, réalisée d’après un carton d’Ernest Correvon. Le peintre et illustrateur Fortuné Bovard fournit également des cartons de vitraux domestiques à l’atelier (vitrail-enseigne pour le garage du Closelet à Lausanne, en 1916) (Hostlettler, 2001a, p. 35).

Hostettler, C. (2001a). L’Atelier P. Chiara – Lausanne : un producteur de vitraux domestiques au début du 20e siècle [mémoire de Licence inédit]. Université de Lausanne.

Hostettler, C. (2001b). L’Atelier P. Chiara – Lausanne : un producteur de vitraux domestiques au début du 20e siècle : Annexes [mémoire de Licence inédit]. Université de Lausanne.

Les journées européennes des métiers d’art. (2015). Christophe Burlet, verrier d’art, Lausanne. http://www.journeesdesmetiersdart-vaud.ch/cms/index.php/103-artisans-2015/les-metiers-du-feu/277-christophe-burlet

Neuenschwander Feihl, J. (2005). Chiara, Pierre-Auguste. Dans Dictionnaire historique de la Suisse (DHS). http://www.hls-dhs-dss.ch/textes/f/F30787.php

Pierre-Franck, M. (1986). Jugendstilglasmalerei in der Schweiz. Bern, Suisse : Verlag P. Haupt.

Pierre-Franck, M. (1985). Glasmalerei um 1900 in der Schweiz = Le vitrail 1900 en Suisse (traduit en allemand par R. Bucher). Liestal, Suisse : Amt für Museen und Archäologie des Kantons Basel-Landschaft.