L’histoire de l’atelier Gaudin commence avec le rachat, par Félix Gaudin (1851-1930), de l’atelier de peinture sur verre de Louis de Carbonnel à Clermond-Ferrand en août 1879. Après une formation classique et un début de carrière militaire plutôt réussi, Félix Gaudin décide de se reconvertir, sans doute à la suite d’un héritage, et de prendre la tête de cette entreprise, malgré son inexpérience dans les domaines artistiques et verriers (Luneau, 2006, p. 68-72). Cet atelier est l’un des premiers de France au XIXème siècle et jouit d’une bonne réputation, acquise par son fondateur, Emile Thibaut. Sous ses successeurs, Charles des Grange et Louis de Carbonnel, les affaires sont en perte de vitesse, impliquant la mise en vente de l’atelier dès 1877 (Luneau, 2006, p. 90-99). Félix Gaudin met alors tout en oeuvre pour lui rendre son statut dominant dans la production verrière clermontoise, misant sur ses qualités de meneur d’homme et d’excellent gestionnaire. L’atelier obtient rapidement plusieurs médailles lors d’expositions à Paris (1855), Toulouse (1857), Moulins (1858), Clermont-Ferrand (1863), Londres (1851), Rome (1870) et Vienne (1873), dont une médaille d’or remportée à Clermont-Ferrand en 1880. La production est répartie entre vitraux religieux et civils, dont les verrières d’appartements, alors en plein essor. Félix Gaudin mise également fortement sur l’exportation de ses produits sur le marché international, comme le prouvent les nombreuses expositions auxquelles il participe à l’étranger (Luneau, 2006, p. 114-118).
Conscient que le marché du vitrail est favorable à la capitale où les travaux de restauration sont nombreux, Félix Gaudin fait l’acquisition en 1890 d’un second atelier à Paris, situé à la Grande Chaumière. Il s’agit de l’ancien atelier d’Eugène Oudinot, alors peintre-verrier de renom, mort quelques mois plus tôt. Durant deux ans, Félix Gaudin dirigera conjointement ses deux ateliers, avant de vendre celui de Clermont-Ferrand en 1892, probablement au jeune Adrien Baratte, fils d’un marchand de cristaux de Blois. A Paris, Félix Gaudin veille à s’entourer de collaborateurs de qualité. Quatre en 1889, avec deux peintres et deux metteurs en plomb, l’atelier compte six employés vers 1892. Parmi eux, Louis Jeannel, entré chez Gaudin en 1890 après avoir probablement travaillé pour la maison Champigneulle, passe trente-cinq ans au sein de l’atelier, où il acquiert une position dominante de chef d’atelier (Luneau, 2006, p. 133-164). Mais Gaudin entame surtout une collaboration accrue avec des cartonniers extérieurs, dont le principal est Eugène Grasset, avec lequel il restera ami jusqu’à la mort de ce dernier, en 1917, ainsi que Louis Steinheil, Luc-Olivier Merson, Maurice Pillard-Verneuil et Augusto Giacometti (tous deux élèves de Grasset), ou encore Victor Tardieu de l’académie Julian, entre autres. Félix Gaudin mise donc sur l’originalité de ces artistes dont la renommée rejaillit sur celle de sa maison, opérant un renversement par rapport à l’atelier de Clermont-Ferrand où l’on se servait lors des commandes du riche fonds de cartons à disposition, système qui permettait entre autre de proposer des prix plus compétitifs aux clients (Luneau, 2006, p. 336-404). Avec l’atelier de la Grande-Chaumière, Félix Gaudin s’éloigne donc du caractère industriel de la maison clermontoise, plus assimilable à une manufacture, pour réellement se positionner comme „artisan d’art“, à la jonction des champs industriels et artistiques. Ce choix stratégique l’amène finalement à une position dominante dans une période de conflit entre artisanat et industrie (Luneau, 2006, p. 271). Il est ainsi nommé en 1900 président de la chambre syndicale des verriers français (Luneau, 2006, p. 224).
Après 1900, Gaudin réagit à la crise en diversifiant ses activités. En dehors des restaurations et des créations de vitraux habituelles, il tente de développer la production de lave émaillée et se lance dans la mosaïque. Il commence également à travailler avec son fils, Jean Gaudin (1879-1954), et se tourne vers le marché sud-américain, où il peut implanter solidement sa maison grâce aux voyages de son fils (Luneau, 2006, p. 271-273).
En 1909, c’est Jean qui reprend la tête de l’atelier, secondé par son père jusqu’à sa mort en 1930. Il poursuit les activités de création et de restauration de vitraux, développe le secteur de la mosaïque, et explore de nouvelles voies comme la dalle de verre, dont les procédés sont à mi-chemin entre ces deux techniques. Dès 1933, il entame une collaboration en Suisse avec l'artiste et principal animateur du Groupe de Saint-Luc Alexandre Cingria, pour lequel il conçoit de nombreux vitraux en dalles de verre (par exemple GSL_3 ; GSL_341), la technique n'étant pas encore pratiquée par les ateliers suisses à ce moment (Noverraz, Sauterel, Wolf, 2021, p. 50-59).
Contrairement à son père, Jean se qualifie d’„industriel“. Il perçoit son atelier comme une entreprise de décoration, dont il augmente la taille et développe la vente sur catalogue, facilitant l’exportation des produits à l’étranger (Luneau, 2006, p. 241-251). L’atelier reste dans la famille Gaudin jusqu’en 1994, avec Sylvie Gaudin, totalisant quatre générations depuis Félix. Son mari, Michel Blanc-Garin, maintient l’entreprise, qui devient en 2006, à la suite du déménagement de l’atelier à Sablé-sur-Sarthe, les ateliers „Clair-Vitrail“ (Archives nationales du monde du travail, 2009).
Archives nationales du monde du travail. (2009). Atelier Gaudin, atelier de maître-verrier [base de données]. http://www.archivesnationales.culture.gouv.fr/camt/fr/egf/donnees_efg/2009_008/2009_008_FICHE.html
Luneau, J. F. (2006). Félix Gaudin : peintre-verrier et mosaïste (1851-1930). Clermont-Ferrand, France : Presses universitaires Blaise Pascal.
Noverraz, C., Sauterel, V., Wolf, S. (2021). De béton et de verre. La dalle de verre et ses premières utilisations en Suisse. Monuments vaudois, (11), 50-59.