Provenant d’une collection privée anglaise, le vitrail fait partie d’un lot de quatre panneaux acquis en 1923 par le Victoria and Albert Museum, considérés comme suisses et datés du XVIe siècle lors de leur entrée dans les collections du musée (VAM CIRC.482 à 485.1923, soit VAM_1, VAM_102, VAM_112 et VAM_152 ; cf. V&A, documentation, état du 20 décembre 2013).
L’écu armorié représente les armes du chapitre collégial séculier de Beromünster, qui était rattachée au diocèse de Constance jusqu’en 1814 et dont le saint patron est l’archange Michel, le teneur de l’écu. Fondé vers 920, le chapitre de Beromünster fut élévé au rang impérial en 1045 par l’empereur Henri III puis bénéficia d’une lettre de protection de l’empereur Frédéric Barberousse à partir de 1173 (cf. Gössi 2011, consulté le 8 mars 2021). Le rayonnement culturel de Beromünster est lié à son école et à la liturgie. Les origines de l'école capitulaire remontent loin dans le Moyen Age; un scholasticus la dirige, selon un document de 1226 ; à la fin du XVIe siècle, elle adopte le plan d'études des jésuites (ibid.). L’abbaye de Beromünster et ses chanoines sont à l’origine de nombreuses commandes de vitraux où les armes du chapitre sont systématiquement représentées.
Le commande du panneau de Londres pourrait revenir, à titre d’hypothèse, à Ludwig Bircher, qui est à la tête du chapitre en 1618. Né le 8 octobre 1584 à Lucerne et mort le 13 juin 1640 à Beromünster, Ludwig Bircher fut chanoine à Beromünster en 1609, ordonné prêtre la même année, prévôt en 1611, puis commissaire épiscopal pour le chapitre dès 1620. Il fit poursuivre d'intensifs travaux de construction dans la collégiale et ses filiales, mais surtout il collectionna et ordonna des archives, recopia de nombreux documents et écrivit des ouvrages d'histoire et d'héraldique. Ses œuvres manuscrites les plus importantes (qui se trouvent toutes dans les archives du chapitre) sont le Liber vitae ecclesiae Beronensis (regestes et blasons relatifs à l'histoire du chapitre), les Annales Collegii Beronensis (treize volumes portant sur les années 1609-1620 et 1630-1639), ainsi qu'un répertoire d'archives en quatre volumes (1623-1627) (cf. Büchler-Mattmann 2004, consulté le 8 mars 2021).
Sur la base de l’iconographie, le vitrail pourrait avoir un lien avec l’église collégiale Saint-Michel de Beromünster pour laquelle d’importants travaux de rénovation et de modernisation furent entrepris entre 1600 à 1619, précisément sous la direction de Ludwig Bircher. Ce dernier tint une comptabilité des travaux, de sorte que l’on connaît la date, le prix et le nom de la plupart des artistes qui s’y succèderent (Reinle 1956, p. 20-32). Entre 1608 et 1609, plusieurs fenêtres furent restaurées et remplacées par un peintre-verrier de Zoug, dont le nom n’est toutefois pas précisé (cf. Baubuch no 142, cité dans ibid., p. 27, n. 10 et 11).
Plus tardif, le panneau de Londres fut attribué à Jakob Wegmann en 1941 par Hans Lehmann (Lehmann 1941, p. 171), une attribution conservée en 2014 par Uta Bergmann (Bergmann 2014, p. 381). Une comparaison stylistique et formelle avec le vitrail héraldique aux armes de Rudolf Pfyffer, daté de 1616, signé du monogramme du peintre-verrier et conservé dans le cloître de l’abbaye de Muri (AG), conforte cette proposition : on retrouve en effet dans ces deux oeuvres des visages aux expressions semblables, une même écriture au niveau du cartel ou encore un même heaume aux éléments décoratifs identifiques (ibid., p. 380-381).
Le motif du saint Michel terrassant un diable et celui de l’écu de Beromünster firent l’objet d’une copie dessinée, datée de 1622 et signée du monogramme „MM von Zůg“. Aujourd’hui conservé au Musée national suisse à Zurich (inv. LM 25764), ce dessin fut attribué à Melchior II. Müller en 1940 par Franz Wyss (Wyss 1940, p. 31) puis à Michael II. Müller en 2004 par Uta Bergmann (Bergmann 2004b, p. 277). Il est toutefois difficile d’établir avec certitude que le dessin dérive précisément du vitrail, et non pas d’un autre intermédiaire qui nous serait encore inconnu.
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