Ce modèle de vase (156) fut créé à une période précoce de la Verrerie artistique (1930-1964). Les sources dont nous disposons sont des catalogues de la Verrerie de St-Prex, certains inédits, tels que les albums noirs munis de photographies de vases, vraisemblablement utilisés par les représentants de 1931 à 1935, où ce modèle porte le no 4 (Verreries de St-Prex, 1931). Les vases correspondant à ce numéro ne sont cependant pas identiques. En effet, ils varient par leur taille (de 23 à 31 cm) et leur diamètre. L’élément commun est la forme générale: un talon creux de diamètre plus ou moins égal à celui du col qui soutient une panse volumineuse, soit droite, soit tronconique. Le col, dont la longueur varie, peut comporter des renflements. Ainsi, ces vases étaient probablement soufflés sans l’usage de moule. Ce modèle fait également partie de l’offre du premier catalogue de vente imprimé en 1935 (Verreries de St-Prex, 1935, 5), où il apparaît en verre vert. Il figure ensuite dans un répertoire non publié, qui, basé sur les numéros d’inventaire des catalogues de 1935 à 1960, dresse la liste de tous les modèles de la production artistique (Verreries de St-Prex, 1964, H 28 cm). Il n’est plus proposé dans le catalogue de 1951 (Verreries de St-Prex, 1951). D’après les sources, ce modèle a été ainsi élaboré dès 1931 et produit jusqu’en 1950 environ.
Dans la critique récente, il est reproduit – muni de scènes mythologiques gravées à l’acide – chez Dreyfus (Dreyfus, 1981, 10) et dans le guide de l’exposition du Musée Ariana de 2014 (Anthonioz & Quintero Pérez, 2014). En 1933 déjà, le céramiste Paul Ami Bonifas consacre un article à la "verrerie" où les vases réalisés en 1931, sous sa direction à Saint-Prex en 1931, dont celui-ci, illustrent son propos (Bonifas, 1933, 18). Le rapport avec Bonifas mérite d’être mis en évidence. Dans la monographie qui lui est consacrée, il évoque ses souvenirs de l’année 1931, notamment son engagement auprès de la Verrerie de St-Prex : "En vue d’un Salon fédéral des Beaux-Arts et des arts appliqués qui allait se tenir à Genève en 1931, la Société anonyme de la Verrerie de St-Prex me demanda de dessiner les modèles qu’elle se proposait de présenter au jury et de présider à leur fabrication" (Exposition nationale d’art appliqué, 1931; Beaujon, 1961, 75; Lecoultre-Brejnik & Musée Ariana, 1997, 46 et Baumgartner, 2018, 69). Ce lien direct avec le créateur du design est conservé grâce à certaines œuvres, acquises lors de l’exposition. Il y a d’abord un lot de douze vases achetés par le Musée industriel de Lausanne (Kulling, 2014, 48-53), lot aujourd’hui réparti entre le mudac et le Musée Historique de Lausanne, dont la première pièce est cataloguée dans l’inventaire des acquisitions avec la mention: "d’après Bonifas", puis la pièce choisie par le Musée Ariana à Genève. Trois des vases exposés, les modèles "carafe col long" ainsi que les modèles 138 et 164 figurent également dans un album photographique d’œuvres, réalisées et compilées par Bonifas en vue d’une rétrospective prévue pour 1963 au Musée Rath à Genève. Jointe à l’album, une liste commentée donne quelques précisions: "[C]es trois pièces, avec une trentaine d’autres, furent dessinées pour [la] Manufacture de St-Prex en 1931 et exposées au Salon Fédéral des Beaux-Arts à Genève en 1931". Nous pouvons donc attribuer cette "trentaine" à Bonifas (Walther, 2025, 36-41). En outre, une photographie du stand de la Verrerie de St-Prex au Comptoir suisse de 1931 permet d’apprécier la vaste gamme des modèles qui illustrent aussi le catalogue utilisé par les représentants (Greppin, 1931; Verreries de St-Prex, 1931).
À la recherche de correspondances formelles, notons que le catalogue d’exposition Bonifas, céramiste du purisme, présente plusieurs œuvres proches de ce vase (Lecoultre-Brejnik & Musée Ariana, 1997, 34, no 5021, 141, no 77). Ainsi, le céramiste Bonifas marie les aspects du design puriste au savoir-faire verrier contemporain.
Le décor gravé à l'acide propose des scènes de la mort d'Achille. L’iconographie est fidèle au modèle d’un vase antique, publié en 1833, mais aujourd’hui perdu. Il s’agit du cinquième chant de l’Iliade d’Homère. Durant son stage au Vitrocentre Romont, Thibault Hugentobler a découvert la source iconographique (Belzik, 2018).
Par ailleurs, Pierre-Albert Landgraf confirme que son père aurait possédé une copie de la publication présentant ces scènes.
Dans son temps libre, Frantisek Landgraf a également effectué deux autres vases, ornés de la même iconographie. Doublés de verre rouge et d’une couche dorée, ils sont cependant techniquement plus complexes. Ces vases n'étaient pas disponibles pour cette recherche (Walther, 2025, 44).