Cette verrière monumentale de l’Assomption de la Vierge est une oeuvre d’Alexandre Cingria et de l’atelier fribourgeois Kirsch et Fleckner. Elle se situe dans la fenêtre axiale du choeur de l’église Notre-Dame-de-l’Assomption d’Attalens et date de 1938, comme l’indique la signature de l’artiste sur la verrière.
Il s’agit de l’une des dernières grandes réalisations de l’atelier fribourgeois Kirsch et Fleckner, puisque son second fondateur, Vinzenz Kirsch, décède cette même année et que les enfants des deux familles séparent l’atelier en deux l’année suivante, perpétuant le savoir-faire de leurs pères chacun de leur côté (Pasquier, 1995, p. 100).
Cette réalisation s’inscrit dans le cadre de la rénovation du choeur en 1937-1938 par l’architecte fribourgeois et figure phare du Groupe de Saint-Luc, Fernand Dumas. Ce dernier choisit de remplacer l’oculus de la baie axiale par une fenêtre en arc brisé et demande à Cingria d’y créer une verrière monumentale en remplacement de la rosace du peintre-verrier lyonnais Emile Pagnon-Deschelette, posée en 1861 après la construction de l’église. Dumas supprime également les deux vitraux consacrés aux saints Pierre et Paul réalisés par l’artiste français qui entouraient cette rosace, et fait murer les fenêtres pour mettre en valeur la verrière de Cingria (Lauper, 2001, p. 70, 73). En 1960, ces parois sont parées de peintures de Charly Cottet, enfant de la paroisse, qui y dépeint une Sainte Cène (à droite) et un Lavement des pieds (à gauche) ([Schubiger], [2004], p. 24). Dans le projet initial de Dumas, il était également question de rénover la nef, proposition refusée pour des questions financières par l’assemblée paroissiale réunie le 19 juin 1938 (Monnard, 1938).
En 1938, Cingria travaille également aux vitraux tripartites de la nef d’Orsonnens, qui seront posés l’année suivante, ainsi qu’aux fenêtres hautes de la nef de la collégiale de Romont. Il termine les trois baies en dalle de verre pour l’église des Cordeliers, qu’il présente à l’exposition internationale des arts et techniques dans la vie moderne, au pavillon du vitrail à Paris en 1937 (Cingria, [1944], p. 12).
La verrière monumentale d’Attalens est l’une des plus belles réalisations de l’artiste. Construite sur deux registres, Cingria met en lumière la partie supérieure consacrée à l’Assomption de la Vierge alors que la partie inférieure, dédiée aux apôtres, est plongée dans la pénombre. Cette opposition de lumière est renforcée non seulement par une différenciation stylistique mais aussi compositionelle. Alors que les anges et la Vierge sont constitués de lignes douces tout en rondeur, les visages des apôtres sont anguleux et rigides, tout comme leurs mains levées vers Marie. Cingria a multiplié les traits pour composer leurs visages, alors que ceux des anges et de la Vierge se résument à quelques lignes essentielles. La composition de la partie supérieure est claire, fluide et légère, celle consacrée aux apôtres est chargée, peu lisible et plus complexe. Cingria souhaitait symboliquement souligner la différence de niveau entre la Vierge s’élevant vers le ciel, inondée de lumière, et les apôtres encore ancrés dans le monde terrestre et vivant dans l’espérance de la rejoindre.
L’artiste a construit son vitrail autour de formes géométriques : le losange et le triangle, dont les lignes sont créées par l’armature métallique du vitrail, d’une épaisseur plus importante que les plombs et les barlotières, les rendant bien visibles. Il a inscrit la Vierge au centre du losange supérieur, marquant visuellement le registre céleste de l’Assomption, tandis que son tombeau est inséré dans un triangle qui lui fait pendant au bas de la verrière, tout comme les apôtres intégrés dans deux triangles latéraux. La couronne qui surplombe la verrière est-elle même comprise dans une portion de losange.
Dans ses Souvenirs d’un peintre ambulant, Cingria s’exprime au sujet de l’importance de cette structure, qui favorise la force expressive d’un vitrail. Il admet qu’auparavant il établissait son carton comme “un décorateur de 1900, assemblant des silhouettes coloriées, obtenant des grandes images de verre d’un aspect un peu mou”. Autour de 1925, il relate être sorti petit à petit “de ce genre faux”, pour diriger ses recherches vers la “construction pour ainsi dire cristalline du vitrail, qui dépend avant tout de son armature” (Cingria, 1933, p. 113-115). Au lieu de disposer après coup le tracé de cette dernière, de manière à ne pas trop contrarier son dessin, il explique en faire au contraire le point de départ de sa composition (Cingria, 1933, p. 115), procédé dont le vitrail de l’Assomption d’Attalens semble constituer un exemple particulièrement représentatif.