Le vitrail est subdivisé en trois registres. Au centre, sous un cadre architectural onze hommes, membres de la corporation des marchands bernois, sont réunis autour d’une grande table ronde, richement garnie. Ils boivent et discutent les uns avec les autres. Au premier plan, une servante vêtue d’un long tablier blanc, vient remplir le verre de l’un des convives alors que celui qui est assis derrière elle s’apprête à lui donner une tape sur les fesses. Des fenêtres à cives avec des vitraux décorent l’arrière-plan de la salle de la guilde. En haut, quatre chevaux de somme lourdement chargés (notamment de tonneaux) marchent, suivis par deux hommes qui les accompagnent tout en les fouettant pour les faire avancer. Peut-être est-ce une scène relatant le départ d’Égypte des frères de Joseph, avec leurs montures chargées de victuailles tiré de la Genèse 42.a. En bas, une inscription en allemand (traduction : un joyeux souper de messieurs les supérieurs d’une honorable société de marchands à Berne) suivie de la date “1590” est insérée dans un cartouche orné d’un large cadre décoratif composé de volutes et d’ornements floraux.

Très bon.

Ce vitrail de corporation de la guilde des marchands bernois réalisé par le peintre verrier munichois Carl de Bouché est une copie d’un dessin pour un vitrail du peintre verrier bernois Hans Jacob Dünz (vers 1575 – vers 1649), datant vers 1630, aujourd’hui propriété du Kunstmuseum de Berne (Sprenger, 2021, p. 78-81). Carl de Bouché en fait une copie à l’identique dans les moindres détails, allant jusqu’à reproduire tous les éléments sur la table, mais dessinant avec plus de précision les assiettes et le contenu du plat au centre de la table. Quant aux visages des convives, bien qu’il reprenne leur morphologie, il leur donne une personnalité plus marquée.

Hans Jacob Dünz était le peintre verrier bernois le plus important de son époque. Après un compagnonnage et des pérégrinations qui l'ont conduit à Bâle, il a probablement rejoint l'atelier bernois du peintre verrier bâlois Hans Jakob Plepp, ouvert en 1595 (Herzog, 1998, 2016). Il a certainement eu connaissance des dessins que celui-ci avait réalisé et donc probablement de celui sur cette même corporation des marchands bernois datant de 1574 (BE_4156), aujourd’hui au Musée d’Histoire de Berne (Dépôt de la Confédération suisse, Office fédéral de la culture, Berne). Il s’en est peut-être inspiré pour réaliser son propre dessin plus de 50 ans plus tard.
Contrairement à Plepp, Dünz a donné un caractère quelque peu grivois à sa scène, en dessinant au premier plan à gauche un convive assis derrière la servante, s’apprêtant à lui donner une tape sur les fesses. Ne connaissant pas le contexte de la commande, il est impossible de dire si c’était un désir du commanditaire, ce qui est probable, l’artiste ne pouvant se donner la liberté d’ajouter un détail de ce type. Carl de Bouché reprend également ce détail.

Les activités sociales et caritatives des corporations étaient essentielles et ses membres se réunissaient dans leurs maisons ou dans des Trinkstuben (salles à boire) dont l’argenterie et le décor étaient des signes manifestes de la richesse et du prestige des propriétaires (Simon-Muscheid, 2015). C’est probablement dans ce type de lieu que sont réunis les membres de la guilde des marchands bernois sur ce vitrail. Ces sociétés de marchands datent du Moyen Age en Suisse alémanique et dans l’Allemagne du sud. Comme d’autres corporations, ses membres devaient remplir des missions dans l’intérêt de la communauté (Dubler, 2011).