Ce médaillon fait partie d’un ensemble de vingt-trois panneaux connus à ce jour, provenant de l’église Saint-Ferréol à Saint-Fargeau, dans l’Yonne en France. Malgré l’état fragmentaire et fortement remanié du groupe, les différents épisodes illustrés peuvent être rattachés à des thèmes christologiques qui s’articulent autour de la Passion du Christ, de la Vie de la Vierge et du Jugement dernier, ou hagiographiques, essentiellement centrés sur les saints Pierre, Paul, Blaise, François et Vincent.
Le sujet du présent vitrail a été interprété par Sidler (1905, p. 103), puis Deonna (1938, p. 173) comme le Christ entouré de quatre apôtres. Cependant, la figure centrale peut être identifiée avec certitude comme étant saint Paul, grâce à ses attributs physiques et iconographiques. Il en va de même pour saint Pierre à droite. Le reste du médaillon est fortement remanié et comporte de nombreuses pièces de remplois disparates, si bien qu’une réserve doit être émise quant à l’appartenance originale des trois autres personnages à ce même panneau (Lafond, 1948, p. 117). Il n’est cependant pas rare de voir les deux saints affublés de leurs attributs et suivis d’apôtres. C’est notamment le cas dans les représentations du Jugement dernier, comme par exemple à la cathédrale de Bourges. Le vitrail pourrait ainsi être rattaché à ce thème christologique.
Dans la mesure où les têtes des apôtres proviendraient d’un autre vitrail, Lafond (1948, p. 117) a suggéré que ces saints Pierre et Paul aient à l’origine appartenu à une baie dédiée à la légende des deux saints, comme c’est notamment le cas d’un autre panneau figurant saint Pierre délivré par un ange (GE_2177). Les médaillons de cette verrière étaient probablement bordés de filets rouge et blanc, desquels se détachaient des palmettes bleues à grappe de baies jaunes. Avec leurs fermaillets composés d’un cercle blanc entourant une fleur rouge dont le centre est bleu, Lafond (1948, p. 125-126) a proposé d’y voir un fond analogue à celui de la baie de saint André et de saint Pierre à Notre-Dame de Dijon. A l’exception de quelques fragments de palmettes bleues dans la partie supérieure du fond, ces éléments sont toutefois absents du présent panneau.
Cet ensemble, au travers de son iconographie et de son style, peut être rattaché à la production verrière du XIIIe siècle en Bourgogne et se présente, malgré son état partiel, comme un exemple remarquable (Raguin, 1985, p. 73 et p. 77). L’exécution des vitraux a probablement été commandée à l’atelier itinérant de peintres verriers, nommé « atelier de l’Apocalypse » par Raguin (1982, p. 59-60), d’après son cycle le plus connu. Celui-ci semble avoir également oeuvré à la réalisation des verrières du choeur de la cathédrale d’Auxerre entre 1235 et 1245, puis du choeur de l’église Saint-Julien-du-Sault, peu avant 1250, avant de travailler à Saint-Fargeau (Raguin, 1985, p. 70). Cette attribution est convaincante au vu des similitudes entre ces cycles.
Dans un article de 1986, Caviness effectue un rapprochement entre le groupe fargeaulais et un panneau représentant un homme fuyant un dragon provenant de Mantes, conservé depuis 1919 au Rhode Island School of Design Museum. Les verrières présentent un style analogue (angularité et rigidité des drapés, raideur des personnages) et sont bordées de filets et de fermaillets similaires (Caviness, 1986, p. 132). Les relations suggérées par Raguin (1985, p. 73) entre les ateliers de Saint-Fargeau et de Bourges pourraient ainsi être étendues à Mantes (Caviness, 1986, p. 132). Ces rapprochements stylistiques entre des lieux de production autant éloignés peuvent être appréhendés au travers des liens étroits évoqués par Raguin (1982, p. 59-60) entre les créations de l’atelier bourguignon et les manuscrits produits à Paris, notamment l’évangéliaire de la Sainte-Chapelle.
Ces verrières ont probablement été réalisées vers 1250 pour orner les baies du choeur de l’église Saint-Ferréol à Saint-Fargeau, datation appuyée par l’achèvement de l’édifice aux alentours de 1255. Lors de la reconstruction du bâtiment au XVe siècle, les panneaux alors endommagés (peut-être au cours du conflit entre les Bourguignons et les Armagnacs, durant la première moitié du XVe siècle ?) ont été retaillés, remployés et complétés par des verres du XVe siècle afin de conserver une cohérence et d'être réinsérés dans les lancettes centrale et de gauche de l’abside nouvellement construite. Des observations effectuées au XIXe siècle témoignent de leur présence dans ces baies, sans preuve d’autres changements avant 1876 (Raguin, 1982, p. 64, 70, 71). C’est à cette date que trois nouvelles verrières pour le choeur sont commandées au peintre verrier parisien Édouard Didron (1836-1902) qui effectue la dépose de l’ensemble médiéval (Lafond, 1988, p. 146-147). Bien que les panneaux soient restés entreposés à Saint-Fargeau jusqu’en 1884 (Pélissier, 1980, p. 79, cité dans Raguin, 1985, p. 72 ; Aballéa, 2018, p. 231), il semblerait qu’à la suite des travaux, Didron en soit devenu implicitement propriétaire, comme il en était souvent d’usage (Raguin, 1985, p. 72 ; CVMA, 1986, p. 202). Entre 1877 et 1885, les panneaux les moins complets ont été remontés et réarrangés à l’aide de fragments anciens de Saint-Fargeau et d’ailleurs, sans doute par Didron lui-même (Raguin, 1985, p. 73 ; Perrot, 1998, p. 241).
Parmi les vingt-trois verrières conservées jusqu’à nos jours, vingt d’entre elles se trouvent aujourd’hui au Musée Ariana à Genève. Une représentation du Dernier repas est conservée dans la collection Pitcairn du Glencairn Museum en Pennsylvanie (Hayward & Cahn, 1982, p. 211-212, n° 81), une autre avec des apôtres en buste tenant des livres est au Wellesley College Museum dans le Massachusetts (Caviness, 1985, p. 61) et une dernière illustrant l’Assomption de la Vierge Marie (?) a été identifiée dans les collections de l’Instituto Cultural Helenico de Mexico (Perrot, 1998). Alors que Lafond (1948, p. 115) a faussement estimé que les vitraux avaient été achetés lors de la vente de la collection Vincent en 1891, Lapaire a pu affirmer qu’ils ont été acquis par Gustave Revilliod en 1885 par l’intermédiaire de Jean-Charles Töpffer (1832-1905), qui avait auparavant proposé à la vente une sélection de l’ensemble au Musée de Cluny, sans succès (Lapaire, 1980, cité in Raguin, 1985, note 19 ; Aballéa, 2018, p. 227, note 1). D’après Perrot (1998, p. 240-241), plusieurs panneaux provenant de l’Yonne faisaient également partie de la collection Engel-Gros (cf cat. 1922, p. 5-9) avant d’être dispersés à la suite de la vente de 1922.
Cité dans :
Sidler, 1905, p. 103, n° 77 ; remarque : "Le Christ et ses Apôtres."
Deonna, 1938, p. 173, n° 72.
Lafond, 1948, p. 117, n° 72.
Pélissier, 1980, p. 81.
Raguin, 1982, p. 60-67.
Raguin, 1985, p. 70-81.
CVMA, 1986, p. 202-203.
Lafond, 1988, p. 146-147.
Perrot, 1998, p. 240-243.