Le vitrail fait partie d’un lot de trois panneaux, tous trois conservés au Vitromusée Romont (Romont, Vitromusée Romont, inv. VMR 647, 648 et 649), qui partagent non seulement une même provenance mais également un même emplacement d’origine. Provenant peut-être de la collection de Sir Thomas Neave (1761-1848), ces trois vitraux sont passés en vente en 1956 à Berne, chez la Galerie Jürg Stuker (Cat. vente Bern 1956, lots 3389c, f et h). Ils sont par la suite documentés dans une collection privée en Suisse, avant d’être rachetés en 2011 par le Vitomusée Romont, grâce à la participation de la Loterie Romande et de la Société des Amis du musée (Romont, Vitromusée Romont, documentation, inv. VMR 647, consultée le 4 avril 2022).
Ces trois vitraux ont bénéficié d’une expertise restée inédite, formulée en 2006 par Brigitte Kurmann-Schwarz et Stefan Trümpler, aujourd’hui conservée à la documentation du Vitrocentre Romont. Les deux historiens du vitrail établirent avec raison que ces trois panneaux, d’excellente qualité, font partie d’un important ensemble de vitraux réalisés au XVIe siècle pour le cloître de la chartreuse de Louvain, situé aujourd’hui dans la province du Brabant flamand, en Belgique (ibid.).
Fondé en 1504 par la duchesse Marguerite d’York, troisième et dernière épouse de Charles le Téméraire, duc de Bourgogne, le monastère de Sainte-Marie-Madeleine-sous-la-Croix, remarquable par l’importance de son chantier et la somptuosité de ses décors, est un édifice religieux rattaché à l’ordre des Chartreux à partir de 1504 puis à l’université de Louvain à partir de 1521. Démoli en 1806, le grand cloître de la chartreuse comptait presque 200 baies à deux lancettes dont la forme et la disposition nous sont connues grâce à une gravure de Louis-Joseph van Peteghem (1825-1900), réalisée d’après un dessin de Jean-François Berges (1717-1819), publiée en 1895 dans la monumentale monographie Louvain dans le passé et dans le présent ou Description historique et artistique de tous les édifices civils et religieux de la dite ville due à l’archiviste Edward van Even (1821-1905).
La campagne de vitrage du cloître s’étendit sur tout le XVIe siècle et les premières années du XVIIe siècle, essentiellement grâce à des dons de particuliers. Après la suppression de l’édifice en 1783 par l’empereur Joseph II, les biens de la communauté furent confisqués, la bibliothèque transférée à Bruxelles et les oeuvres d’art ainsi que les vitraux mis en vente (cf. Cat. exp. New York 1982, n. p.). Les vitraux sont aujourd’hui principalement dispersés entre l’Europe, l’Angleterre et les Etats-Unis, tantôt remontés dans des édifices civils ou religieux, tantôt conservés dans des collections privées ou publiques (ibid.).
Plusieurs tentatives de reconstitution de cet ensemble d’exception ont fait l’objet de publications, dont les plus importantes sont celles de Jessie McNab (cf. Cat. exp. New York 1982, n. p.), Yvette Vanden Bemden et Jill Kerr (Vanden Bemden et Kerr 1983-1984), Hilary Wayment (Wayment 1998) et Martin Crampin (Crampin 2016). Ces études ont permis de dégager certains noms de commanditaire, à l’instar de celui de Nicolas Le Ruistre, évêque d’Arras, ainsi que, à titre d’hypothèses, plusieurs noms de peintres, actifs principalement entre Louvain, Malines et Bruxelles, comme le Maître de la messe de saint Grégoire, Cornelius Rambuicht, Peter van den Houte et Jan Rombouts, bien que seuls Henrik et son fils Jan van Diependale peuvent être rattachés de manière certaine au chantier de Louvain (cf. Crampin 2016). Faute de documents d’archives, la majorité des vitraux provenant de la chartreuse de Louvain, dûs à différentes mains et à des campagnes distinctes, demeurent aujourd’hui par conséquent anonymes. Les scènes représentées sont principalement tirées du Nouveau Testament, à l’exception de quelques panneaux représentant des scènes de l’Ancien Testament ainsi que quelques hagiographies, dont la vie de saint Nicolas, ou encore des panneaux de dévotion, principalement dédiés à la Vierge Marie.
Encadré par une structure architecturale renaissante, le panneau met en scène une élégante Vierge à l’Enfant auquel un ange apporte un plateau de fruits, tous trois inscrits dans un paysage architectural, composé, à gauche, d’un palais et, à droite, d’un jardin. Il s’agit d’un panneau de dévotion dédiée à la Vierge Marie. Le cloître de la chartreuse de Louvain comptait d’autres vitraux semblables, comme en témoigne un panneau représentant également la Vierge à l’Enfant en majesté, encadrée d’élégants éléments architecturaux, aujourd’hui remonté à Prittlewell (Essex) en Angleterre.
Selon Brigitte Kurmann-Schwarz et Stefan Trümpler, reprenant l’hypothèse de Hilary Wayment, ce panneau ferait partie d’un groupe d’oeuvres aujourd’hui dispersés entre le Metropolitan Museum of Art de New York, le Victoria and Albert Museum de Londres, des collections privées anglaises ainsi que les églises paroissiales des localités suivantes, toutes situées en Angleterre : Llanwenllwyfo (Anglesey), Cholmondeley Castle (Cheshire), Prittlewell (Essex), South Weald (Essex), Noak Hill (Essex), Bix (Oxfordshire) et Bramley (Surrey) (Romont, Vitromusée Romont, documentation, inv. VMR 647, consultée le 4 avril 2022 ; Wayment 1998). Bien que ces panneaux proviennent effectivement tous de la chartreuse de Louvain et outre le fait qu’ils partagent entre eux des affinités techniques, formelles et iconographiques, aucune reconstitution satisfaisante n’existe à ce jour permettant d’émettre une hypothèse sur leur distribution d’origine (ibid. ; Crampin 2016).
Aussi, l’invention voire l’exécution de ce panneau ont été rapprochées de l’oeuvre de Lucas van Leyden (1494-1533) (Kurmann-Schwarz et Trümpler 2006 – cf. Romont, Vitromusée Romont, documentation, inv. VMR 647, consultée le 4 avril 2022), éventuellement la figure écrasée de l’enfant que l’on peut retrouver dans une xylographie de ce dernier, daté de 1514, représentant une Vierge à l’Enfant assise sous un arbre (Amsterdam, Rijksmuseum, Print, inv. RP-P-OB-1662). Le langage employé, caractérisé par des formes arrondies et une culture qui oscille entre un gothique tardif et une renaissance fantaisiste, trahit plutôt une culture visuelle des anciens Pays-Bas méridionaux, probablement un peintre périphérique, peut-être de Louvain voire de Malines, qui, actif vers 1520, n’est pas insensible aux oeuvres graphiques d’Albrecht Dürer (1571-1528). Dans l’état actuel des recherches, aucune proposition d’attribution satisfaisante ne peut, pour l’heure, être formulée.