La provenance de ce rondel n’est pas établie. Celui-ci a été vendu en 2005 en Angleterre (Christie’s ? – cf. Romont, Vitrocentre Romont, documentation, inv. VMR 10021, consultée le 4 avril 2022). Il a été acheté à cette occasion par un collectionneur établi en Allemagne qui l’a vendu en 2019 au Vitrocentre Romont, avec 28 autres pièces, toutes datant des XVe et XVIe siècles et provenant des anciens Pays-Bas voire, pour quelques-unes d’entre elles, des pays germaniques (Romont, Vitromusée Romont, documentation, inv. VMR 911, consultée le 4 avril 2022).Le rondel représente une scène apocryphe de l’histoire de saint Jacques le Majeur, identifiable grâce à son cheval blanc, son épée et la coquille qui orne son couvre-chef : il s’agit de son intervention miraculeuse lors de la bataille de Clavijo, une bataille légendaire qui aurait opposé, le 23 mai 844, les troupes du roi Ramire Ier à l'armée maure d'Abd al-Rahman II.
Cette légende apparaît tardivement dans l'historiographie castillane. Elle revient à Pedro Marcio, chanoine à l’église Saint-Jacques de Compostelle, qui rédigea vers 1155-1170 un privilège du roi Ramire Ier selon lequel, en guise de remerciements pour la victoire que le saint lui aurait accordée contre les maures, toute l’Espagne était tenue de verser une offrande annuelle aux chanoines de l’église Saint-Jacques de Compostelle. Par la suite, ce document se révéla être un faux dont l’unique but était de d'assurer à l'Église compostellane des revenus réguliers (cf. Rucquoi 2007).
Cette légende suscita plusieurs représentations iconographiques, dont les plus connues et diffusées sont une gravure monogrammée de Martin Schongauer (v.1445/50-1491), datant du dernier quart du XVe siècle (Londres, British Museum, Prints and Drawings, inv. E,1.87), et une gravure non signée, publiée dans la seconde moitié du XVIe siècle à Anvers par Pieter Baltens (v. 1526/8-1584) (Londres, British Museum, Prints and Drawings, inv. X,3.83), où l’on retrouve, notamment dans cette dernière, une distribution semblabe ainsi que des figures barbues analogues, dont celle, à titre d’exemple, de saint Jacques.
Le modèle du rondel du Vitromusée Romont n’a pas été identifié. L’hypothèse de Klaus Tiedemann, selon laquelle l’invention dériverait d’une gravure de Maarten van Heemskerck (1498-1574), n’est pas établie (Tiedemann 2008, p. 59 ; id. 2009, p. 112). Il pourrait ainsi soit s’agir d’une invention originale, dans la mesure où la qualité d’exécution est bonne, soit une variante d’une invention qui devait circuler dans la seconde moitié du XVIe siècle dans la mesure où il existe une gravure datée de 1579 d’Aliprando Caprioli (doc.1574-1599), réalisée d’après Paris Nogari (v.1536-1601) et publiée par Lorenzo Vaccari (doc.1574-1603), qui présente de frappantes similitudes avec le rondel du Vitromusée Romont, à l’instar du cheval cabré, de la position du saint voire du drapé de sa tunique (Londres, British Museum, Prints and Drawings, inv. 1951,0407.59).
Sur cette base, la datation proposée par Klaus Tiedemann, vers 1550 (Tiedemann 2008, p. 59 ; id. 2009, p. 112), ne peut plus être retenue. Dans l’attente de l’identification de l’artiste voire du modèle qui est l’origine de la composition, il paraît plus prudent par conséquent de retenir une datation légèrement plus tardive, comprise entre 1550 et au minimum 1579. L’exécution, en revanche, pourrait être due à un artiste des anciens Pays-Bas méridionaux voire, à titre d’hypothèse, de la France septentrionale dans la mesure où certains personnages, comme celui de droite, avec les bras croisés sur sa poitrine, rappelle des modèles parisiens, à l’instar de ceux dessinés et gravés de Baptiste Pellerin (sur ce dernier, voir Grivel, Leproux et Nassieu Maupas 2014).