Provenant de la collection du politicien et collectionneur d’art britannique Ralph Bernal (1783 ou 1784-1854), le vitrail a été acquis par le Victoria and Albert Museum lors de l’extraordinaire vente de cette dernière qui, organisée du 5 mars au 30 avril 1855 à Londres par Christie’s, concernait plus de 4000 objets manufacturés allant de l’époque byzantine à Louis XVI (Cat. vente Londres 1855, lot 2271). Lors de son entrée dans les collections du musée, il était considéré comme suisse et daté de 1618, comme indiqué dans le cartouche inférieur (Cat. coll. Londres 1855 (1868), p. 53 ; Day 1913, p. 110 ; V&A, documentation, état du 20 décembre 2013).
Dans la partie supérieure est représentée l’histoire antique du „Tir sur le père mort“, dont il existe plusieurs sources, la plus ancienne étant un récit talmudique datant du Ve siècle, reprise au Moyen Âge, non sans quelques variations, avant d’intégrer les Gesta Romanorum dont la première édition allemande date de 1472 : à la mort d’un roi, des fils se disputent le royaume ; pour les départager, un juge leur propose de déterrer le défunt père et de décocher une flèche dans son cadavre ; celui qui aura atteint au plus profond le corps obtiendra alors la couronne du royaume ; après que les premiers prétendents aient tiré, le dernier, ne supportant pas la vue du cadavre de son père criblé de flèches, abandonna le concours et fut ainsi reconnu comme le fils naturel du roi.
L’histoire du „Tir sur le père mort“ a été particulièrement prisée par les artistes alémaniques. Vers 1520, Thomas Schmid peint à fresque le thème sur la façade de la maison „Zum Weissen Adler“ à Stein am Rhein (cf. Boesch 1954c, p. 87). Il existe aussi plusieurs dessins préparatoires de vitraux représentant l’histoire du „Tir sur le père mort“, dont de Bartolomäus Lingg et de Christioph Murer, deux peintres-verriers qui ont réalisé beaucoup de modèles dessinés (voir ibid. ou encore Mensger 2012, cat. 229 et 676 ; sur les rapports entre Lingg et Murer, cf. Ruoss-Koller et Giesicke 2018). Deux vitraux témoignent en effet du succès de cette histoire antique : le premier, daté de 1577 et attribué à Christoph Heilmann (vers 1550-1636/7, est conservé au Musée d’art et d’histoire de Fribourg (inv. 3489 – cf. Bergmann 2014, cat. 59) ; le second, daté de 1656 et signé du monogramme de Michael IV. Müller (vers 1627-1682), est conservé dans une collection privée à Zoug (cf. Bergmann 2004b, cat. 150).
Le donateur, Hans Koch, n’a pas pu être identifié avec certitude. Dans l’ancienne Confédération, il existe une branche des Koch, documentée à Berne, qui proviendrait de Lüen (GR) et qui partage des armoiries semblables mais pour laquelle il est difficile d’établir un lien avec les villes allemandes de Memmingen et de Nuremberg, cités dans le panneau de Londres. Il existe cependant un Hanns II Koch, fils de Hans I Koch et de Regina Haym, qui naquit en 1575 et mourut en 1654 à Memmingen, dont il fut bourgmestre de la ville. Il était le frère cadet de Johann Matthias Koch qui, devenu l’un des plus riches marchands d’Augsbourg, prit le patronyme de Koch von Gailenbach après avoir acquit le château éponyme dans les années 1660. Cette seconde identification paraît plus probable, bien que l’emplacement d’origine de ce vitrail n’est pas établi.
Considéré comme suisse puis donné à l’école de Nuremberg en 1913 par Lewis F. Day (Day 1913, p. 110), le vitrail a été attribué au peintre-verrier zurichois Hans Jakob I. Nüscheler (1583-1654) par Paul Boesch en 1952 (V&A, documentation, état du 20 décembre 2013).
Sur la base de son iconographie, du style et de la provenance du donateur, Uta Bergmann et Rolf Hasler proposèrent en 2020 de le donner au peintre-verrier zurichois Christoph Murer, qui a travaillé à plusieurs reprises pour une clientèle de Nuremberg (communication écrite, 17 novembre 2020), ce que le style ainsi que la palette n’infirment pas.
Cité dans :
Cat. vente Londres 1855, lot 2271
Cat. coll. Londres 1855 (1868), p. 53
Day 1913, p. 110