Ce travail préparatoire a été réalisé par Marcel Poncet en 1915 pour le vitrail dédié à saint François d'Assise (GE_08.11), situé dans le bas-côté sud-est de l'église Saint-Paul de Cologny (GE), dans le quartier de Grange-Canal. Il correspond à la partie supérieure du vitrail, représentant saint François au Mont Alverne, recevant l'apparition d'un séraphin révélant entre ses ailes le Christ crucifié qui le touche profondément et imprime sur ses mains et ses pieds des stigmates similaires à ceux du Christ (Berthaumier, 1855, pp. 135-138).
Il s’agit de la première grande commande de vitraux du jeune artiste, âgé d'à peine 21 ans. Il sort de l'École des Beaux-Arts de Genève, où il achève ses études en 1914, après avoir effectué parallèlement une formation pratique au sein de l'atelier du peintre-verrier et restaurateur de vitraux Gérard Krachten à Carouge, où il apprend les techniques de fabrication du vitrail (Reymond, 1992, p. 37 ; Dumaret, 2009, p. 195). Il ouvre un premier atelier en 1915 à son domicile à la rue du Prieuré à Genève, lui permettant de réaliser lui-même ses propres vitraux en maîtrisant chaque étape de leur réalisation, tout comme ceux d'autres artistes (Reymond, 1992, p. 37-38). Les vitraux de Saint-Paul marquent donc le coup d'envoi de sa carrière et une opportunité de prouver ses capacités artistiques et techniques (Noverraz, 2014, p. 21-27). L'édifice, construit par l'architecte Adolphe Guyonnet entre 1913 et 1915, est un chantier emblématique à bien des égards, marqueur important de la vitalité de la communauté catholique romaine de Genève, qui affirme sa présence dans la cité et le canton après des années difficiles marquées par le Kulturkampf (Sauterel, 2008, p. 52-55 ; Poiatti, 2001, p. 7-10). Son initiateur, le curé Francis Jacquet, souhaite réaliser une oeuvre de beauté, en en confiant la décoration à différents artistes, dont beaucoup sont encore très jeunes, à l'instar de Poncet (Comte, 1920, p. 60). Le modèle d'organisation collective en vigueur sur le chantier de Saint-Paul préfigure des futures activités du Groupe de Saint-Luc en Suisse, dont la première bouture, le Groupe de Saint-Luc et Saint-Maurice, est fondée à Genève en 1919 par Marcel Poncet et Alexandre Cingria, un artiste également présent à Saint-Paul (Noverraz, 2022, p. 29-32). Jacquet s'adresse en outre à l'artiste français Maurice Denis, dont la célébrité n'est alors plus à faire, à qui il confie la décoration de l'abside (Hodel, 1994, p. 1-4). C'est à cette occasion qu'il rencontre Poncet, son futur gendre (il épouse sa fille Anne-Marie en 1922), avec lequel il collaborera pour la réalisation de ses vitraux de Saint-Paul et de Notre-Dame de Genève entre 1917 et 1920 (par exemple GE_08.18 ; GE_18.32) (Reymond, 1992, p. 41-46).
En plus des vitraux de Denis, Poncet exécute à Saint-Paul les verrières de Charles-Emile Brunner et d’Alexandre Cingria qui font face aux siennes dans les bas-côtés. II conçoit également un vitrail situé au-dessus de la porte d’entrée de l’église représentant la Crucifixion (GE_08.07), placé en 1914, sa première oeuvre dans l’édifice ("Église de St-Paul, Genève. Vitraux", s.d.). Il est également l’auteur des trois vitraux de la tribune des orgues posés en 1924 (GE_08.21 ; GE_08.22 ; GE_08.23).
A Saint-Paul, comme de manière générale pour l'ensemble des vitraux qu'il réalise durant sa carrière, Poncet prépare minutieusement ses projets, comme le prouvent les nombreux travaux préparatoires présents dans le fonds graphique de son atelier, conservé au Vitrocentre Romont. Ces oeuvres graphiques sont d’autant plus intéressantes qu’elles sont le fruit du travail d’un artiste qui était à la fois peintre-verrier et maître-verrier, et pour lequel il n’existe aucune rupture entre la conception artistique et l’exécution technique. Leur analyse permet de déterminer les étapes durant lesquelles Poncet se positionne en peintre de celles où il réfléchit en verrier.
Plus de 70 projets peuvent être rattachés aux vitraux de Saint-Paul, et 51 aux trois vitraux des bas-côtés, mais l’ensemble n’est probablement pas complet. Pour le vitrail de saint François, il existe 12 oeuvres graphiques, dont trois peuvent être reliées à la scène supérieure du vitrail (MP_01.17 ; MP_01.18 ; MP_01.19). Celle-ci montre une version déjà presque finalisée de son projet. Poncet a d'abord travaillé isolément la figure de François et celles des moutons sur deux esquisses (MP_01.17 et MP_01.18), déjà très abouties, qui permettent de supposer qu'il devait probablement exister des dessins antérieurs où les protagonistes étaient plus esquissés. Sur ces deux travaux, il commence déjà à envisager le tracé de plomb puis réunit les deux éléments dans un troisième dessin, celui-ci. L'artiste réfléchit également au travail qu'il devra entreprendre sur les modelés du vitrail à la peinture à la grisaille, en l'exprimant ici à l'aide de fines hachures à la plume sur les tissus, la laine des moutons, les nuages et la végétation.
Bien que non colorée, cette oeuvre est exactement aux mêmes dimensions que la fenêtre, ce qui suggère qu'elle a pu jouer le rôle de carton d'exécution. Il n'existe aucun projet en couleur présentant l'ensemble du vitrail, comme c'est le cas pour le vitrail de sainte Cécile et celui de la Vierge (MP_01.69 ; MP_01.70), dont l'aspect esquissé ne peut de toutes façons permettre de les considérer comme des cartons définitifs sur la base desquels le maître-verrier aurait pu procéder au calibrage et au découpage des verres. Comme Poncet gère lui-même l’ensemble du processus de création et de réalisation de ses vitraux, il n’est pas contraint de suivre les méthodes traditionnellement utilisées dans les ateliers, et a pu se contenter de travaux préparatoires en noir et blanc, très aboutis du point de vue du dessin, à l'instar de celui-ci.