Ce travail préparatoire a été réalisé en 1935 par l’artiste Alexandre Cingria pour la rose de la tribune de l’église Saint-Michel de Sorens. Composé de quatre parties figurant les scènes figurées de la rose autour de la figure de sainte Cécile, qui ont été réunies sur un même support en vue de leur vente, comme le suggère l’inscription au verso du passe-partout.
L’artiste genevois est l’auteur de l’ensemble des verrières de Sorens, dont la décoration générale est confiée aux artistes Willy Jordan et Jacqueline Esseiva, gagnants du concours pour la décoration de l’église et sa polychromie intérieure. Les sources ne nous disent pas les raisons pour lesquelles Cingria a été choisi, mais nous savons qu’il a également participé au concours pour la décoration (Terrapon, 1935, p. 220). Depuis les chantiers des églises de Semsales et Echarlens auxquelles Cingria a pris part, Fernand Dumas, l’architecte phare du Groupe de Saint-Luc et auteur des églises précitées, ainsi que de celle de Sorens, travaille fréquemment avec l’artiste genevois. Ce dernier vient de réaliser en Gruyère les vitraux de l’église Saint-Pierre-aux-Liens de Bulle (1932), lors des transformations menées par les architectes Camoletti et Waeber (Lauper, 2012, p. 159).
Cingria semble avoir été, comme pour l’ensemble des verrières de l’église, contraint par l’architecte Dumas et par la paroisse de fournir un véritable effort afin d’assurer la lisibilité des scènes (Terrapon, 1935, p. 123). Le curé Terrapon relate que les membres de la paroisse s’étaient demandé comment Cingria, si “riche par le coloris mais négligeant le dessin”, était arrivé à créer une oeuvre si compréhensible à Sorens (Terrapon, 1935, p. 223). Non seulement l’artiste est parvenu à un équilibre entre dessin et couleur pour cette composition, mais il a réussi à ne pas se perdre dans une profusion excessive de motifs. Après la pose des vitraux, des visiteurs, apprenant le nom de leur auteur, auraient dit au curé Terrapon qu’il s’agissait d’un Cingria “assagi”. L’artiste ne l’a peut-être pas ressenti ainsi, lui qui s’était fâché avec Dumas lors de la réalisation des vitraux de la chapelle de la Vierge, estimant que celui-ci ne l’autorisait pas à laisser suffisamment libre cours à son imagination (Terrapon, 1935, 223).
La rose de la tribune est la seule, avec les vitraux de la chapelle de la Vierge, à avoir un caractère narratif. La composition est consacrée à sainte Cécile, présentée en tant que patronne des musiciens au centre, alors que sur chacun des bras de la croix, formés par la structure de métal, sont relatés quatre épisodes de sa vie. Seuls ces derniers sont illustrés sur ce travail préparatoire. La confrontation de la rose avec ces dessins révèle quelques changements, particulièrement dans les regards des protagonistes. Cingria a modifié la direction de certains d’entre eux afin de mettre l’accent sur d’autres détails, comme c’est le cas pour Valérien regardant les roses déposées sur le pan de son vêtement plutôt que de s’adresser à l’enfant à ses côtés. Ce dernier regarde vers le spectateur et pas encore dans la direction de l’époux de Cécile, comme il le fera sur le vitrail.
Ces travaux préparatoires présentent un dessin esquissé, alors que généralement Cingria se montre assez précis dans l’exécution de ses maquettes. L’artiste y a principalement placé chaque protagoniste en choisissant sa posture et sa gestuelle ainsi que les couleurs dominantes. Il est probable que l’artiste ait réalisé une maquette complète avant de la découper en quatre parties pour leur vente.
Il est légitime de se demander si pour cette rose, Cingria a réalisé un carton. L’artiste a évoqué cette façon de procéder dans Souvenirs d’un peintre ambulant où il explique qu’il ne réalise généralement plus de carton, étape qu’il considère comme “inutile et bête”, mais se contente de “petites maquettes pour les couleurs” avec une “mise en place sommairement ébauchée puis épurée par un calque précis”, ce qui lui permet de parvenir à “plus de justesse” dans les tons, ceux-ci n’étant pas faussés “en tâchant de transcrire ceux d’un carton forcément fatigué, puisqu’il est recopié d’une maquette” (Cingria, 1933, p. 119 et 120).