Cette rose relate différents épisodes de la vie de sainte Cécile et de son époux Valérien, alors qu’elle est présentée au centre en tant que patronne des musiciens, assise sur un large fauteuil, vêtue de bleu et voilée, jouant de la harpe posée sur son genou gauche.
En haut au centre, figure le triomphe de Cécile : la sainte, en buste de face, les mains croisées sur la poitrine, est présentée par deux anges debout à ses côtés, tenant un phylactère l’encadrant.
Au milieu à gauche est représenté le baptême de Valérien : Cécile debout devant Valérien assis, porte une croix au-dessus de sa tête qu’elle présente à son époux.
Au milieu à droite, Cécile debout tend une rose à une femme voilée assise par terre, portant un enfant nu sur ses genoux. Valérien, présent aux côtés de son épouse, tient de ses deux mains un pan de son vêtement, à l’intérieur duquel se trouvent de nombreuses fleurs. Un jeune enfant lui tend les bras.
En bas au centre, Cécile est agenouillée, la tête posée sur ses bras appuyés sur une colonne. A l’arrière-plan à droite, un soldat lève un sabre au-dessus de la tête de la sainte, alors qu’un autre à gauche, debout de face, tenant une lance de sa main gauche, assiste à la scène.
Sur chacun des quatre angles extérieurs se déploie une bordure composée de motifs géométriques tout en courbes, évoquant une fleur imaginaire ou un papillon aux dominantes jaunes. Plus à l’intérieur, une seconde bordure est conçue de différents dégradés de bleus et de verres irisés dans les tons violets. Les inscriptions, écrites en majuscule sur plusieurs lignes complètent les scènes narratives. Le bleu domine la représentation centrale, tandis que le blanc et le jaune s’imposent sur les scènes extérieures, le tout sur un fond rouge.

Alexandre Cingria est l’auteur de l’ensemble des verrières de l’église de Sorens, alors que l’artiste protestant Willy Jordan et Jacqueline Esseiva sont les gagnants du concours pour la décoration de l’église et sa polychromie intérieure. Les sources ne nous disent pas les raisons pour lesquelles Cingria a été choisi, mais nous savons qu’il a participé au concours pour la décoration (Terrapon, 1935, p. 220). Depuis la construction des églises de Semsales et Echarlens auxquelles Cingria a participé, Fernand Dumas, l’architecte phare du Groupe de Saint-Luc et auteur de l’église de Sorens travaille fréquemment avec l’artiste genevois. Ce dernier vient de réaliser en Gruyère les vitraux de l’église Saint-Pierre-aux-Liens de Bulle (1932), lors des transformations menées par les architectes Camoletti et Waeber (Lauper, 2012, p. 159).

La rose de la tribune est la seule, avec les vitraux de la chapelle de la Vierge, à avoir un caractère narratif. La composition est consacrée à sainte Cécile, présentée en tant que patronne des musiciens au centre, alors que sur chacun des bras de la croix, formés par la structure de métal, sont relatés différents épisodes de sa vie.
Cingria semble avoir été, comme pour l’ensemble des verrières de l’église, contraint par l’architecte Dumas et par la paroisse de fournir un véritable effort afin d’assurer la lisibilité de ces scènes (Terrapon, 1935, p. 123). Le curé Terrapon relate que la paroisse s’était demandée comment Cingria, si “riche par le coloris mais négligeant le dessin”, était arrivé à créer une oeuvre si compréhensible à Sorens (Terrapon, 1935, p. 223). Non seulement l’artiste est parvenu à un équilibre entre dessin et couleur pour cette composition, mais il a réussi à ne pas se perdre dans une profusion excessive de motifs. Après la pose des vitraux, des visiteurs, apprenant le nom de leur auteur, auraient dit au curé Terrapon qu’il s’agissait d’un Cingria “assagi”. L’artiste ne l’a peut-être pas ressenti ainsi, lui qui s’était fâché avec Dumas lors de la réalisation des vitraux de la chapelle de la Vierge, estimant que celui-ci ne l’autorisait pas à laisser suffisamment libre cours à son imagination (Terrapon, 1935, 223).