Ce modèle de chope (124) fut créé à une période précoce de la Verrerie artistique (1930-1964). Les sources dont nous disposons sont des catalogues de la Verrerie de St-Prex, certains inédits, tels que les albums noirs munis de photographies de vases, vraisemblablement utilisés par les représentants de 1931 à 1935, où on le trouve comme "chope" (Verreries de St-Prex, 1931, H 19 et 22 cm). Ce modèle fait également partie de l’offre du premier catalogue de vente imprimé de 1935 (Verreries de St-Prex, 1935, no 124, 3 et 14), où cette chope est déclinée en verre vert et argenté craquelé. Il figure ensuite dans un répertoire non publié, qui, basé sur les numéros d’inventaire des catalogues de 1935 à 1960, dresse la liste de tous les modèles de la production artistique (Verreries de St-Prex, 1964, H 16 et 20 cm). D’après les sources, ce modèle a été ainsi élaboré dès 1931 et produit jusqu’en 1964.
Dans la critique récente, il est reproduit chez Dreyfus (Dreyfus, 1981, 12 et 15), dans le guide de l’exposition du Musée Ariana de 2014 (Anthonioz & Quintero Pérez, 2014) et chez Baumgartner, 2018, 69). En 1933 déjà, le céramiste Paul Ami Bonifas consacre un article à la "verrerie" où les vases réalisés en 1931 sous sa direction à Saint-Prex illustrent son propos (Bonifas, 1933).
Le rapport avec Bonifas mérite d’être mis en évidence. Dans la monographie qui lui est consacrée, il évoque ses souvenirs de l’année 1931, notamment son engagement auprès de la Verrerie de St-Prex : "En vue d’un Salon fédéral des Beaux-Arts et des arts appliqués qui allait se tenir à Genève en 1931, la Société anonyme de la Verrerie de St-Prex me demanda de dessiner les modèles qu’elle se proposait de présenter au jury et de présider à leur fabrication" (Exposition nationale d’art appliqué, 1931; Beaujon, 1961, 75; Lecoultre-Brejnik & Musée Ariana, 1997, 46 et Baumgartner, 2018, 69).
Ce lien direct avec le créateur du design est conservé grâce à certaines œuvres, acquises lors de l’exposition. Il y a d’abord un lot de douze vases achetés par le Musée industriel de Lausanne (Kulling, 2014, 48-53), lot aujourd’hui réparti entre le mudac et le Musée Historique de Lausanne, dont la première pièce est cataloguée dans l’inventaire des acquisitions avec la mention: "d’après Bonifas", puis la pièce choisie par le Musée Ariana à Genève. Trois des vases exposés, les modèles "carafe col long" ainsi que les modèles 138 et 164 figurent également dans un album photographique d’œuvres, réalisées et compilées par Bonifas en vue d’une rétrospective prévue pour 1963 au Musée Rath à Genève. Jointe à l’album, une liste commentée donne quelques précisions: "[C]es trois pièces, avec une trentaine d’autres, furent dessinées pour [la] Manufacture de St-Prex en 1931 et exposées au Salon Fédéral des Beaux-Arts à Genève en 1931". Nous pouvons donc attribuer cette "trentaine" à Bonifas (Walther, 2025, 36-41). En outre, une photographie du stand de la Verrerie de St-Prex au Comptoir suisse de 1931 permet d’apprécier la vaste gamme des modèles qui illustrent aussi le catalogue utilisé par les représentants (Greppin, 1931; Verreries de St-Prex, 1931).
À la recherche de correspondances formelles, notons que le catalogue d’exposition Bonifas, céramiste du purisme,, présente plusieurs œuvres proches ou identiques à ce vase de Saint-Prex (Lecoultre-Brejnik & Musée Ariana, 1997, 34, no 5123 et 145, no 86). Ainsi, le céramiste Bonifas marie les aspects du design puriste au savoir-faire verrier contemporain.
Le verre vert fait partie de l'offre de la Verrerie artistique dès 1931. Il est également diffusé dans le catalogue de vente de 1935. La même année, l'étiquette dorée prend le relais sur les timbres à l'acide gravés le fond du verre. Ces étiquettes peuvent cependant être collées a posteriori sur des vases réalisés auparavant.