Ce vitrail fait partie des panneaux gravés de type bernois des XVIIIe et XIXe siècles, dont treize pièces sont aujourd’hui conservées au Musée Ariana à Genève.
Dans le sillage de la prospérité économique que connaît la campagne bernoise et ses habitants au cours du XVIIIe siècle, cette nouvelle forme de vitrail venue de Bohème ou de Silésie se développe, attestant de la richesse de leur propriétaire (Paravicini-Stähelin, p. VIII). Ronds, ovales ou rectangulaires, ces panneaux gravés correspondent aux envies de lumière et de clarté dans les intérieurs du XVIIIe siècle. Ils sont élégamment et sobrement ornés d’inscriptions des donateurs, de citations bibliques, d’écus armoriés et d’ornements, parfois rehaussés à la grisaille (Rutsch, 1947, p. 5). Cet art populaire a décliné dès le XIXe siècle, dans un contexte de troubles politiques et d’essor croissant de l’industrie (Rutsch, 1947, p. 4).
Les donateurs, Zuber (Zücher ?) et Hügeny de Mulhouse, étaient fabricants d’étoffe. Peter Hügeny (1740-?) fabriquant d’indiennes à Mulhouse, était probablement le fils de Daniel Hügeny (1690-1777), marchand de draps à Mulhouse (Bernier, 2008, p. 69). Son beau-frère, Johannes Zuber (1731-?), était pelletier dans la même ville. Peter et Johannes se sont associés dans la fabrication de tissu en 1765, aux côtés de Hans Georg Steffan. En 1766, le négociant Johannes Schön (1720-?) intègre la société et la raison sociale devient Schön, Hügeny, Zuber & Cie. La fabrique, d’abord installée à Modenheim (Mulhouse) chez Peter Hügeny est implantée dans la rue des Franciscains à côté de la poudrière. En 1767, Johannes Zuber quitte l’entreprise pour reprendre son activité de pelletier (Bernier, 2008, p. 189-190). Le coeur contenant les lettres “Z&H”, surmonté d’un quatre à double barre horizontale correspond à la marque commerciale des donateurs. Les commanditaires de ce type de panneau sont originaires de divers milieux sociaux et professionnels. La coutume a dans un premier temps été introduite par les familles aisées, puis s’est étendue aux agriculteurs, artisans, négociants, enseignants, chirurgiens, etc. Les familles paysannes ne possédant souvent pas d’armoiries, elles se sont alors créé des armes évoquant leur fonction, soit de toute pièce, soit en lien avec leur nom, ce qui explique les nombreux écus armoriés qui ne correspondent pas toujours à ceux connus (Paravicini-Stähelin, 1926, p. XVII-XVIII).
Peu d’informations nous sont parvenues sur les créateurs de ces panneaux gravés. Il s’agissait probablement d’artisans bernois qui s’adonnaient de manière large à l’activité de « vitriers », en témoigne la différence de maîtrise technique entre les panneaux et les nombreuses variantes d’orthographes pour de mêmes termes (Rutsch, 1947, p. 11 et 13).
A l’exception de rares cas, ces verres étaient offerts aux propriétaires des demeures dont ils ornaient les fenêtres par de la famille, des amis, des mécènes ou encore les autorités. De ce fait, les lieux de résidence mentionnés sur les panneaux sont ceux des donateurs et non des destinataires. Toutefois, il est possible d’imaginer que localités dans lesquelles résidaient les donateurs correspondaient de manière générale à celles des destinataires (Rutsch, 1947, p. 10).
Cité dans :
Paravicini-Stähelin, 1926, p. III-XXIV, p. 69, n° 504.
Rutsch, 1947, p. 3-15.