Les deux vitraux du choeur de l’église Saint-Michel de Haute-Nendaz, comme l’ensemble des verrières, ont été réalisés en 1946 par l’artiste Paul Monnier. Cette création s'inscrit dans le contexte de la construction du sanctuaire par l’architecte Lucien Praz, natif de la commune et membre du Groupe romand de la Société Saint-Luc, dès 1934 (Groupe romand de Saint-Luc, 1934).
En été 1945, le comité de construction étudie la question des vitraux alors que le gros oeuvre du sanctuaire est presque achevé. Le manque d’argent étant toujours au centre des préoccupations, il est question de faire des verrières ornementales, dites “en grisaille”, qui sont les moins chères. Cyrille Michelet, président du comité, souhaite néanmoins offrir à l’église de “véritables” vitraux et propose qu’une souscription soit lancée pour trouver des donateurs, qui auraient en contrepartie leur nom au bas des fenêtres. Le comité accepte la proposition sans grand enthousiasme, mais convaincu que c’est la seule solution possible financièrement. Pour leur réalisation, Michelet s’adresse à l’artiste valaisan Paul Monnier, qui a une grande expérience dans l’art verrier mais également dans la mosaïque et la peinture murale. Il accepte de réaliser l’ensemble des verrières de l’église. Il sera ensuite sollicité pour la décoration intérieure, comprenant la peinture murale du choeur, le chemin de croix, la porte du tabernacle et le crucifix qui le surmonte (Germanier, 2000, p. 13, 16).
Le chanoine Marcel Michelet, docteur en philosophie et théologie, frère de Cyrille Michelet, est consulté pour définir les sujets des vitraux. Il propose les saints Théodule et Maurice pour le choeur, ajoute une sainte Cécile et un saint Jean-Baptiste pour les petites fenêtres situées juste après l’entrée de l’église et choisit comme thème central les Béatitudes pour les fenêtres de la nef. Il avait longuement étudié cet épisode du sermon du Christ sur la montagne (Matthieu, 5, 3-12) et en avait tiré un livre “N’empêchez pas la musique”, édité en 1939. Monnier travaille en étroite collaboration avec lui pour définir avec précision chacun des sujets illustrant les Béatitudes. Chaque verrière de la nef est construite sur le même principe, en trois parties superposées : un symbole au sommet, puis deux scènes narratives, le tout en lien avec la Béatitude évoquée. Alors que les Béatitudes dans l’évangile de Mathieu sont au nombre de huit, il y a dix fenêtres dans la nef. Aussi Michelet propose à Monnier, pour les deux verrières les plus proches du choeur (“Bienheureux les élus dans le ciel” et “Bienheureux ceux qui meurent dans le Seigneur”) une adaptation du texte des “promesses”, accordant le royaume des cieux à ceux qui respectent les “prescriptions” (Germanier, 2000, p. 13-14).
Monnier commence son travail en janvier 1946 et les vitraux sont posés peu avant Pâques de cette même année (Germanier, 2000, p. 14). L’artiste collabore comme d’habitude avec l’atelier Chiara de Lausanne. En moins de quatre mois, ils réalisent un travail conséquent, puisque l’ensemble des fenêtres de l’église représente plus de 25m2 de surface. Les verrières de la nef sont celles qui demandent le plus de travail, présentant beaucoup de peinture à la grisaille et au jaune d’argent. C’est un véritable travail d’équipe réunissant dans l’atelier lausannois pas moins de deux verriers, André Stein et Charles Buhlmann, aux côtés de Monnier, avec l’aide du tourneur de plomb Adrien Russi. Les noms de ces employés nous sont connus puisqu’ils figurent au bas du vitrail illustrant la Béatitude du coeur pur. C’est suffisamment rare pour être souligné.
Les deux vitraux du choeur illustrent deux saints chers aux Valaisans, Théodule et Maurice. Représentés debout, dans des coloris identiques (violet, vert et jaune), ils s’inscrivent au centre de la verrière, encadrés par une fine bordure rouge sur un fond géométrique se prolongeant sur toute la fenêtre, dans des tonalités chaudes passant d’un dégradé de rouges vers différents jaunes. L’artiste choisit d’alterner verres simples teintés dans la masse avec quelques pièces de verre chenillé qui apportent relief et dynamisme aux deux vitraux. La partie inférieure est occupée par un cartouche imposant, dans lequel sont inscrits les noms, prénoms et fonctions des membres du comité de construction dans l’un et des maîtres d’oeuvre dans l’autre. Ils sont un témoignage rare des personnalités impliquées directement dans la construction de l’église, dont l’évocation sur les vitraux permet leur souvenir à travers les générations. Probablement Monnier se souvenait-il du vitrail d'Emond Bille à la cure de Fully (1937), sur lequel l’artiste avait mentionné le nom de l’architecte de l’église (qui était également Praz), ainsi que celui des artistes qui avaient collaboré avec lui. Monnier avait alors été engagé par Bille pour exécuter les peintures murales avec Albert Chavaz (Hiroz, 2017, p. 30).
Les coloris jaunes et rouges denses (à l’exception de la partie haute qui est plus claire) prévalent sur les deux verrières, apportant une lumière chaude et diffuse dans le choeur et plus particulièrement sur la peinture murale, qui, elle, est dominée par des couleurs froides, mis à part des rayons rouges formant une mandorle autour de saint Michel. Monnier l’a peinte en juillet et août 1947, alors que les vitraux étaient déjà en place, ce qui lui a permis de prendre en compte la lumière ambiante émise par les verrières et l’a certainement aidé à choisir les coloris de sa peinture.
Au début des années 1930, Monnier est initié à la fresque par Severini, qui l’engage pour la décoration de l’église de la Roche (1932), puis pour celle de Notre-Dame de Lausanne, dite du Valentin (Biographie. Le retour, s.d.). Dès l’année suivante, il réalise des décorations murales pour plusieurs églises. En 1943, il exécute pour la première fois fresque et vitraux pour la chapelle de la Nativité de Champex-Lac (Décorations, s.d.). Dans le choeur de Haute-Nendaz, son travail est d’une toute autre ampleur, puisque monumental. Il dévoile aussi ses talents de décorateur et sa vision globale des arts décoratifs en lien avec l’architecture, suivant une recherche de cohérence typique de la production du Groupe de Saint-Luc.