Acquis sur le marché de l’art en 1863 par le Victoria and Albert Museum, la provenance du vitrail n’est pas précisée (V&A, documentation, état du 20 décembre 2013). Lors de son entrée dans les collections du musée, il était considéré comme suisse et daté de 1618, comme indiqué dans le cartouche inférieur (Cat. coll. Londres 1863 (1868), p. 33 ; Day 1913, p. 110).
Dans ce vitrail, seules les armes, l’inscription dans la partie inférieure voire la Vierge à l’Enfant sont d’origine. Ecartelé, l’écu reproduit les armes du donateur, Augustin Hofmann (1556-1629), et celles de la commune voire de l’abbaye d’Einsiedeln, dont il fut abbé de 1600 à sa mort.
Fils d'Andreas Hofmann, maître d'école et principal à Baden, puis à l'école conventuelle d'Einsiedeln, et d'Anna Ochsner, Augustin Hofmann fut profès (1572), prêtre (1579), sous-prieur (1584), doyen et organiste (1585) de l'abbaye d'Einsiedeln. Elu abbé en 1600, Hofmann réforma l'administration du couvent, consolida la vie monastique (office divin, observation de la clôture) et participa à la création de la congrégation suisse des bénédictins (à Einsiedeln en 1602). En sa qualité de visitateur, il contribua au renouvellement de plusieurs abbayes, dont Münsterlingen et Saint-Pierre à Schwytz. L'idée d'élever l'abbé d'Einsiedeln au rang d'évêque ayant juridiction sur la Suisse centrale, soutenue par le nonce Fabrizio Verallo (1566-1624), fut abandonnée en raison de la farouche résistance de l'évêque de Constance (1608-1609). Hofmann développa la bibliothèque abbatiale, dont il fit construire le premier bâtiment en 1602. Il acquit pour l'abbaye, en 1623, les seigneuries thurgoviennes de Gachnang et Freudenfels (Hug 2008, consulté le 9 avril 2021 ; sur Hofmann, cf. Salzgeber 1986, p. 575-576).
L’emplacement d’origine de ce vitrail est, selon toute vraisemblance, le monastère bénédictin d’Einsiedeln. Situé dans le canton de Schwyz et fondé en 934, celui-ci fit primitivement partie du diocèse de Constance, puis de celui de Coire, provisoirement en 1818, puis définitivement dès 1824. Dédié au Sauveur, le sanctuaire primitif se dressait à la place de l'actuelle chapelle de la Vierge, là où saint Meinrad avait vraisemblablement établi sa cellule ou plus précisément son oratoire. La légende de la dédicace miraculeuse par des anges est attestée dès le milieu du XIIe siècle. C'est en 1286 qu'un document désigne pour la première fois ce sanctuaire par chapelle de Marie. La chapelle de la Vierge, de style gothique tardif, fut munie au XVe siècle d'une voûte et entourée d'un mur pour mieux la protéger du feu. Des pèlerinages mariaux sont attestés dès le XIVe siècle. L'image miraculeuse (actuellement une Vierge à l'Enfant de style gothique tardif datant du milieu du XVe siècle) prit peu à peu la première place dans la dévotion populaire. Après une brève interruption due à la Réforme, les pèlerinages connurent un regain d'affluence dans la seconde moitié du XVIe siècle. Einsiedeln devint le centre religieux de la Suisse catholique et le but de nombreux pèlerinages cantonaux (Hug 2009, consulté le 9 avril 2021).
À une date indéterminée, peut-être en 1935, lors de sa visite à Londres, Hans Lehmann proposa d’attribuer le vitrail fragmentaire au peintre-verrier zougois Paul Müller (vers 1600-1643) et de le dater de la première moitié du XVIIe siècle (V&A, documentation, état du 20 décembre 2013), une attribution qui n’a pas été commentée par Paul Boesch (Boesch 1957, p. 58, cat. 2). Le panneau de Londres présente en effet quelques quelques affinités stylistiques et formelles avec les oeuvres documentées ou attribuées à l’atelier de Paul Müller (cf. Boesch 1949 ; Bergmann 2004). Aussi, ce dernier a travaillé à plusieurs reprises pour des commanditaires de l’abbaye d’Einsiedeln, à l’instar du vitrail héraldique aux armes de l’abbé Plazidus Reimann (1594-1670) de 1636, qui, encore conservé dans son lieu d’origine, la chapelle Sainte-Catherine à Küssnacht am Rigi (SZ), présente une composition ainsi qu’un rythme semblables (cf. Boesch 1949, p. 76-85.).
Les armes d’Augustin Hofmann se retrouvent sur au moins cinq autres vitraux anciens, dont l’un, provenant de la collection J. Bossard et passé en vente à Lucerne en 1910, porte le monogramme J. H. E. (cf. Henggeler 1947, p. 221, cat. 8 et 224, cat. 9-12), tandis qu’en 2014, un vitrail du début du XXe siècle imitant le style du XVIIe siècle, aux armes d’Augustin Hofmann et de la ville d’Einsideln, est passé en vente à Zurich (Schuler Auktionen, 13 décembre 2014, lot 4545).
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