Ce vitrail, dont la partie inférieure a été complétée à l’aide de pièces de remploi, a pour scène principale un épisode de la légende fondatrice de la Confédération suisse. Il représente l’assassinat du bailli Wolfenschiessen par Konrad Baumgartner d’Altzellen après que le bailli ait tenté de violer sa femme (Kaiser, 2009). La composition particulière du vitrail est similaire à celle d’un panneau de 1607 (Bergmann, 2014, p. 798, fig. 283.3) qui représente un autre épisode de l’histoire suisse avec Gessler et son chapeau, basé sur un carton du peintre verrier et dessinateur zurichois Christoph Murer (1558-1614) (Bergmann, 2014, p. 798, fig. 283.1). Attribué au peintre verrier de Winterthour Hans Jegli (1579-1643), ce panneau a été vendu aux enchères dans la galerie Jürg Stuker à Berne en 1954. Ce vitrail complet permet d’affirmer que le médaillon armorié daté de 1607 au centre de la partie inférieure du panneau de l’Ariana, inscrit dans un décor végétal similaire, est d’origine, contrairement à l’inscription de part et d’autre qui mentionne un don en 1594. Il est ainsi possible d’attribuer la donation du présent vitrail au cordonnier Friedrich Bodmer (1574-1611), dont l’écu armorié apparaît au centre de la partie inférieure du panneau. Les armoiries permettent de le rattacher à la branche des Bodmer de Zurich. Les trois donateurs mentionnés sur le panneau représentant Gessler et Tell étaient également cordonniers à Zurich (Bergmann, 2014, p. 798).
Sur les compléments d’inscription insérés dans la partie inférieure, le nom du bernois David Wyttenbach (1568-1596) apparaît aux côtés de celui de son cousin, le seigneur Hans Jörg May (Frey) (1560-1609) d’Hüningen. Ce dernier est depuis 1585 châtelain de Berne et seigneur de Winingen et Rued. Il acquiert en 1589 la seigneurie de Hüningen et y fait reconstruire le château (Hasler & Keller, 2016). Un vitrail à son nom daté de 1592 est aujourd’hui conservé au Musée historique de Berne (BE_1513).
Tout comme le vitrail figurant Gessler, le peintre verrier s’est inspiré pour la composition de la pièce centrale d’un carton de Christoph Murer dessiné vers 1590. Plusieurs cartons et ébauches d’épisodes de l’histoire suisse exécutés par ce dessinateur sont aujourd’hui conservés au Kunsthaus de Zurich (inv. A.B. 1125-1128 ; Bergmann, 2014, p. 838-839, fig. 315.1-4). Parmi ceux-ci se trouve l’assassinat de Wolfenschiessen (Bergmann, 2014, p. 838, fig. 315.1). Cet épisode apparaît aux côtés de cinq autres scènes en 1601 sur un vitrail exécuté par son frère Josias Murer (1564-1631) (VMR_444). Il apparaît également en 1602 sur un panneau réalisé par le peintre verrier zurichois Hans Heinrich Engelhart (1557-1612) (Bergmann, 2014, p. 839, fig. 315.5). Vers 1600, le peintre verrier de Schaffhouse Hans Caspar Lang l’Ancien (1571-1645) a réalisé quatre copies à la plume des cartons de Murer, parmi lesquels l’assassinat de Wolfenschiessen (Boesch, 1948, p. 254, fig. 78). Cette dernière semble avoir servi de modèle au vitrail de 1674 (Ruoss & Giesicke, 2012, p. 172, fig. 144), attribué au peintre verrier de Zoug Michael IV. Müller (1627-1682) et intégré dans les baies de la maison gothique de Wörlitz (Hesse, Beyer, Pollack & Ruoss, 2022, p. 210, fig. 55). Les modèles exécutés par Christoph Murer ont beaucoup circulé dans les ateliers de peintres verriers et ont été largement repris. Hans Jegli s’est fréquemment inspiré des cartons de Murer pour la création de ses vitraux (Boesch, 1955, p. 25 et 55), comme le montre un panneau attribué à Jegli, daté vers 1610-1620, qui représente Gessler et Tell, aujourd’hui conservé au Musée de Morat (FR_283). En 1624, au moins sept vitraux dont cinq présentent des scènes patriotiques de l’histoire suisse ont été offerts à Hans Bösch de Kappel (SG) suite à la rénovation de sa demeure (Boesch, 1955, p. 50). Ces panneaux exécutés par Jegli d’après les cartons de Murer sont aujourd’hui conservés au Musée du château de Berchtesgaden en Allemagne (Boesch, 1955, p. 50). Compte tenu des différentes comparaisons et des similitudes stylistiques avec les oeuvres de Hans Jegli, le présent vitrail pourrait également être de sa main.