Jésus crucifié penche sa tête et regarde sa mère, debout devant lui en prière. Jean, debout derrière la Vierge, les observe.
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Jésus crucifié penche sa tête et regarde sa mère, debout devant lui en prière. Jean, debout derrière la Vierge, les observe.
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Coin inférieur gauche de la plaque de verre incolore au recto cassé, coins supérieur et inférieur droit de la plaque de verre incolore au verso cassés. Oeuvre restaurée en juillet 2024 par Daniel Stettler.
Verre coloré fixé entre deux plaques de verre transparent, peinture à froid
Ce vitrail sans plomb, illustrant la douzième station du chemin de croix, est l’oeuvre de l’artiste valaisan Albert Chavaz. Il a été réalisé en 1954 en collaboration avec l’atelier fribourgeois d’Herbert Fleckner pour l’église du Christ-Roi au Petit-Lancy (Bulletin paroissial du Petit-Lancy, 1954b). C’est le jeune verrier Michel Eltschinger qui a la charge de cette réalisation, alors qu’il termine son apprentissage (M. Eltschinger, communication personnelle, 23 novembre 2022).
En mai 1953, le comité de construction de la paroisse du Petit-Lancy et les architectes André Bordigoni et Armand Chapatte, auteurs de la construction de l’église, choisissent les verrières pour les 21 fenêtres de la paroi est de la nef de l’église. C’est au verrier genevois Eugène Dunand que cette réalisation est confiée (Chamay, 2001, p. 49). Il conçoit des vitraux à losanges de différentes couleurs combinant principalement des tons pastel et quelques touches plus vives. Leurs teintes sont choisies en fonction des oeuvres placées dans l’église, leur but premier étant de mettre en valeur la peinture murale d'Emilio Maria Beretta qui se situe sur la paroi d’en face. Un chemin de croix en vitrail, composé de quatorze stations, doit venir compléter, à hauteur de regard, cette paroi de verre jusqu’au choeur. Perçues comme des points lumineux sur les verrières, ces stations doivent contrebalancer les teintes de la peinture murale. Deux artistes de renom sont appelés à présenter des projets et c’est le Genevois de naissance Albert Chavaz qui est choisi (Bulletin paroissial, 1953a et b).
En avril 1954, les grands vitraux à losanges sont presque tous posés, adoucissant non seulement l’atmosphère de l’église mais semblant aussi agrandir l’espace intérieur. En octobre, Chavaz vient poser deux stations du chemin de croix à titre d’essai, dont ce panneau, pour vérifier que les teintes choisies se marient avec les verrières de Dunand et le reste de l’église (Bulletin paroissial, 1954a et b). La paroisse manquant d’une grande part du budget pour ces oeuvres, elle ne peut commander fermement les verrières à l’artiste. Elle lui demande néanmoins de dessiner les cartons et l’assure que c’est lui qui les réalisera (Chamay, 1955a et b). Chavaz propose de faire d’autres essais. Pour équilibrer l’ensemble, il souhaite réaliser les quatorze stations simultanément (Chavaz, 1955). La paroisse reçoit une subvention de la Fondation Gleyre, à la condition de pouvoir se faire un avis sur la qualité des oeuvres graphiques de l’artiste (Chamay, 1956). En décembre 1956, Chavaz et Herbert Fleckner viennent donc apporter les maquettes à la paroisse et poser quatre verrières pour contrôler les teintes in situ (Chavaz, 1956). L’ensemble des vitraux est posé en mai 1957 (Chamay, 1957). Sur le conseil de Chavaz, quelques pièces de verre des fenêtres à losanges apportant une lumière trop vive sont assombries avec une couleur opaque (Chavaz, 1957).
Ce panneau n’est pas conçu selon la technique traditionnelle du vitrail au plomb. Il est composé sans plomb, les différents morceaux de verre étant disposés côte à côte, à la manière des tesselles d’une mosaïque. Contrairement aux oeuvres définitives qui sont cuites pour permettre aux pièces de verre colorées d’adhérer aux feuilles transparentes, les verres colorés qui composent ce panneau d’essai sont simplement collés entre les deux feuilles de verre transparentes. Une simple peinture à froid (noire et jaune) a été appliquée au verso pour souligner certains détails. Celle-ci sera cuite pour les vitraux définitifs.
Cette technique sans plomb a été mise au point au début des années 1940 par l’artiste genevois Alexandre Cingria en collaboration avec le verrier fribourgeois Herbert Fleckner, en pleine Seconde Guerre mondiale, alors que le plomb était rare. Cingria avait mis plusieurs années à mettre au point cette technique, souhaitant obtenir une composition qui ne soit pas assombrie par le plomb (Moullet, 1947, p. 5). Il l’a expérimentée avec succès à la fin de sa vie pour les vitraux de la chapelle Notre-Dame des Marches à Broc (par exemple GSL_350). Chavaz, qui a peut-être eu connaissance de cette nouvelle technique par Fleckner ou par Cingria avant son décès, ce dernier ayant été une personnalité importante pour les débuts du jeune artiste, utilise ce procédé pour la première fois en 1955 à la chapelle des Religieuses-Hospitalières-de-Valère à Prarion (Thurre, 1985, p. 18-19). Il va le réemployer en 1965 pour le chemin de croix de l’église Saint-Boniface à Vercorin, puis en 1973 à l’École cantonale d’agriculture à Châteauneuf, où il réalise une grande baie sur le thème du pain et du vin (Thurre, 1985, p. 16, 22).
Au Petit-Lancy, les défis qui se présentent à lui sont complexes et vont bien au-delà de la simple utilisation de cette technique novatrice. Il doit non seulement trouver l’harmonie des teintes pour l’ensemble du chemin de croix, mais aussi s’assurer que celles-ci ne soient pas éteintes par les grandes verrières ornementales existantes et surtout ne pas concurrencer la peinture murale de Beretta. Pour cela, il opère un choix parmi les teintes présentes sur les grandes verrières losangées (rouge, jaune, brun, blanc, gris, bleu et rose), et sélectionne une couleur dominante dans chaque scène en fonction de sa présence sur la grande verrière qui l’accueille. Des touches vives (jaune citron ou orange) sur les verrières en losanges permettent de faire ressortir ces mêmes couleurs sur les scènes narratives. En posant à deux reprises des panneaux d’essai dans leur cadre définitif, il rectifie certains détails de couleur.
La confrontation de ce panneau d’essai avec l’oeuvre définitive nous permet de constater que l’artiste a modifié sensiblement son dessin. Alors que le premier vitrail met en évidence les personnages de la Vierge et du Christ dans un échange de regard intense, reléguant Jean au second plan, Chavaz revient à une composition plus neutre sur l’oeuvre définitive. Il dispose de part et d’autre de la croix Marie et Jean de profil qui se regardent, le Christ baissant simplement sa tête vers sa mère. Quant aux coloris, ceux-ci se sont enrichis sur la deuxième version, Chavaz choisissant une pièce de verre rose striée pour le voile (ou la chevelure ?) de la Vierge, dialoguant avec les nombreux losanges roses disposés sur la verrière de fond d’Eugène Dunand.
Géa Nuoffer-Fleckner et famille (donateur)
Vitromusée Romont
Atelier Herbert Fleckner · Géa Nuoffer-Fleckner
Bulletin paroissial du Petit-Lancy. (1953a, mai). Archives de la paroisse du Petit-Lancy, Suisse.
Bulletin paroissial du Petit-Lancy. (1953b, juillet). Archives de la paroisse du Petit-Lancy, Suisse.
Bulletin paroissial du Petit-Lancy. (1954a, mai). Archives de la paroisse du Petit-Lancy, Suisse.
Bulletin paroissial du Petit-Lancy. (1954b, octobre). Archives de la paroisse du Petit-Lancy, Suisse.
Chamay, C. (1955a, 12 avril). [Lettre à Albert Chavaz]. Archives de la paroisse du Petit-Lancy, Suisse.
Chamay, C. (1955b, 20 avril). [Lettre à Albert Chavaz]. Archives de la paroisse du Petit-Lancy, Suisse.
Chamay, C. (1956, 21 août). [Lettre à Albert Chavaz]. Archives de la paroisse du Petit-Lancy, Suisse.
Chamay, C. (1957, 27 mai). [Lettre à Albert Chavaz]. Archives de la paroisse du Petit-Lancy, Suisse.
Chamay, J. (2001). L’église du Christ-Roi, Petit-Lancy. Genève, Suisse : Scantype.
Chavaz, A. (1955, 6 mai). [Lettre à Charles Chamay]. Archives de la paroisse du Petit-Lancy, Suisse.
Chavaz, A. (1956, 9 décembre). [Lettre à Charles Chamay]. Archives de la paroisse du Petit-Lancy, Suisse.
Moullet, M. (1947, 11 janvier). Une invention dans l’art du vitrail : A propos des nouvelles verrières d’Alexandre Cingria au sanctuaire de N-D des Marches. La Liberté, 5. http://www.e-newspaperarchives.ch/?a=d&d=LLE19470111-01.2.41
Thurre, D. (1985). Regard et méditation : vitraux de Vercorin : avec le chemin de croix d'Albert Chavaz. Martigny, Suisse : Imprimerie Pillet.
26.10.2024–21.04.2025 : Lumières sur le renouveau de l’art sacré. 100 ans du Groupe de Saint-Luc, Vitromusée Romont
Vitromusée Romont