Verrière losangée en demi-cercle, composée de verre blanc et d’une bordure orange dans la partie inférieure, au centre de laquelle se présente un panneau rectangulaire figuré composé de verre transparent comportant une scène peinte à la grisaille et au jaune d’argent.
Cette scène représente Marie et Jean au pied de la croix. Marie, auréolée et vêtue d’un grand manteau, écarte les bras et lève les yeux vers le Christ dont seule une partie du corps, jusqu’à mi-torse, est visible. Du sang perle de sa blessure au flanc. Jean, également auréolé, est habillé d’une grande cape qui flotte derrière lui tandis qu’il lève les bras, les yeux clos. Sur la droite, on devine la silhouette d’un autre crucifié tandis qu’à l’arrière-plan à gauche, des bâtiments sont esquissés, sur lesquels des éclairs s’abattent. Le soleil perce les nuages derrière le Christ.

Cette verrière a été réalisée en 1928-1929 par Alexandre Cingria et l’atelier Chiara, pour la chapelle du Pensionnat Saint-Charles de Romont. Sa réalisation s’inscrit dans le chantier de décoration du petit sanctuaire, confié à plusieurs artistes membres du Groupe de Saint-Luc, dont Gaston Faravel pour la polychromie générale et les peintures murales, Marcel Feuillat pour l’orfèvrerie et Marguerite Naville pour les mosaïques de l’autel (Roulin, 1930 ; Aubert, 1945, p. 69). Cingria est chargé des quatre baies à claustras situées au sommet de la voûte de la nef et du choeur, du cycle des six vitraux consacrés à la Vierge éclairant les bas-côtés et de ce vitrail pour la sacristie. La chapelle s’intègre dans le nouveau bâtiment du pensionnat construit entre 1927-1928 par l’architecte Fernand Dumas, autre membre emblématique du Groupe de Saint-Luc. Cette construction permet d’agrandir le pensionnat qui comprenait déjà un premier bâtiment également construit par Dumas en 1913, sa première réalisation en tant qu’architecte (Roulin, 1930, p. 101-105).
Bien que la signature de l’atelier ne figure sur aucune verrière de la chapelle, leur réalisation peut être attribuée à l’atelier Chiara, puisque l’une des baies de la voûte est publiée dans une brochure publicitaire éditée en 1931 par la maison lausannoise, afin de présenter différents travaux produits en collaboration avec Cingria, parallèlement à des listes de prix (“Vitraux d’art [...]”, 1931). La présence de cette verrière dans ce catalogue publicitaire indique que ce cycle était considéré comme présentant un véritable intérêt artistique, digne de représenter la production de l’atelier.

Pour ce vitrail dont seule la partie centrale est figurée, Cingria peint sur une feuille de verre blanc à l’aide de grisaille et de jaune d’argent, à la manière d’une peinture, suivant une technique qu’il adopte dans les vitraux de la nef pour les scènes principales illustrant la vie de la Vierge. L’artiste représente la Crucifixion en se focalisant sur les personnages de Marie et Jean au pied de la croix, en exacerbant la composante dramatique de la scène par le contraste du jaune du soleil et des auréoles, et le fond sombre chargé de nuages noirs. Par cette importance de la peinture et le petit format de cette zone figurée inscrite dans une verrière géométrique, Cingria s’ancre dans la tradition des “vitraux suisses”, petits panneaux souvent armoriés faisant la part belle au jaune d’argent, qui étaient généralement intégrés dans des fenêtres plus larges, ainsi qu’aux rondels flamands.