Ce vitrail a été réalisé en 1935 par Alexandre Cingria et l’atelier Chiara de Lausanne pour l’une des fenêtres hautes de la nef de la nouvelle église d’Ependes. Son architecte, Albert Cuony, membre du Groupe romand de Saint-Luc, la conçoit dans l’esprit des grandes constructions rattachées à l’influence de cette Société artistique catholique, en laissant une grande place à la décoration réalisée en collaboration avec différents artistes.
Cette verrière est consacrée au curé d’Ars, prêtre catholique français qui a oeuvré entre autres pour favoriser la beauté des lieux de culte. Elle été offerte par Guillaume de Weck en hommage au chanoine Rodolphe de Weck, qui fut curé d’Ependes. Le choix de ce saint, proclamé patron de tous les curés de l’univers, n’est pas anodin et était certainement une façon de souligner l’excellent travail de son aïeul au sein de la paroisse.
Au début de l’année 1934, Cuony rédige un devis estimatif pour la construction de cette nouvelle église. Il y précise que la décoration intérieure, les autels, la chaire, la grande croix du choeur, le chemin de croix et les vitraux ne sont pas compris dans son calcul du coût des travaux (Cuony, 1934a). Ils figureront par contre dans le contrat établi ultérieurement entre la paroisse et l’architecte (Cuony, Dousse, Ruffieux, 1934).
En été 1934, la commission de bâtisse demande une offre pour les vitraux de l’église à l’atelier Chiara de Lausanne (Chiara, 1934). Parallèlement, par l’intermédiaire de son curé, François Ruffieux, elle prend contact avec l’artiste fribourgeois Jean-Edouard de Castella, peut-être sur le conseil de Cuony qui venait de travailler avec lui lors de la construction et décoration du bâtiment administratif des entreprises électriques fribourgeoises. L’artiste demande des précisions sur le type de verrières (ornementales ou narratives) prévues pour les fenêtres basses et souhaite qu’on lui propose un saint pour les grandes verrières afin de préparer ses premières esquisses (Castella, 1934a), qu’il remet à la paroisse en septembre (Castella, 1934b et c). A la fin du mois, apprenant que l’artiste Alexandre Cingria a aussi été appelé pour ces mêmes verrières, il propose que chacun réalise quatre vitraux pour les grandes baies de la nef, qui seraient disposés en alternance. Pour qu’il y ait une unité d’ensemble, il suggère que la grandeur des figures soit définie, ainsi que la couleur dominante, avec l’idée de faire des verrières claires d’après les souhaits de la commission de bâtisse. Selon lui, deux styles coexistants ne se nuiraient pas l’un à l’autre, tandis que l’alternance, loin de réduire l’effet d’ensemble, l’enrichirait (Castella, 1934d).
Les sources ne nous donnent aucune information sur l’opinion de Cingria quant au partage des verrières à réaliser avec Castella, mais nous savons qu’il travaille à une première verrière pour la nef consacrée à saint Etienne, puisqu’il reçoit un premier acompte en décembre 1934 (Cuony, 1934b). Dans le passé, une certaine animosité existait entre les deux artistes. En 1924, Castella avait réussi à obtenir le mandat des verrières de la nef de l’église de Semsales au détriment de Cingria, malgré le soutien de l’artiste toscan Gino Severini, responsable de la décoration intérieure de l’église. Par la suite, Castella se verra soustraire la moitié des verrières de Semsales, n’arrivant pas à convaincre l’architecte Fernand Dumas et l’artiste italien de la qualité de ses projets (Radin, 2011, p. 32-33). On peut donc imaginer que Cingria n’était pas enchanté de partager le mandat d'Ependes avec l’artiste fribourgeois et que ce sentiment devait probablement être réciproque. Les contacts entre la paroisse et Castella s’arrêtent brutalement à la fin du mois d’octobre 1934, quand celui-ci perd le mandat au profit d’Oskar Cattani. Bien qu’aucune explication ne soit évoquée dans les séances de la commission de bâtisse ni dans la correspondance, nous pouvons néanmoins avancer une hypothèse : le prix des verrières. Alors que Castella, d’entente avec l’atelier Kirsch & Fleckner avait avancé un prix entre 650 et 700 francs (tout compris) par verrière (Castella, 1934d et 1934e), le coût a finalement été fixé à 600 francs avec Cattani (460 francs pour la réalisation et la pose par Kirsch et Fleckner et 140 francs pour le travail de Cattani) (Kirsch et Fleckner, 1935 et Cuony, 1935). Le devis de Castella devait donc certainement être trop onéreux pour la paroisse. Étonnamment, la distribution des coûts n’est pas la même entre Kirsch & Fleckner et Cattani qu’entre Chiara et Cingria. Chiara facture 350 francs le prix pour la réalisation de chaque fenêtre (Chiara, 1935) et Cingria 250 francs (Cuony, [1937]).
Qui a suggéré le nom de Cattani ? C’est peut-être l’atelier Kirsch et Fleckner, qui venait de collaborer avec lui pour les vitraux de la chapelle du Préventorium du Rosaire aux Sciernes d'Albeuve (1932-1933) et pour ceux de la chapelle du Salésianum à Fribourg (1934). Son nom est déjà évoqué au début du mois de novembre dans une lettre adressée par le curé à Jean d’Amman, dans laquelle il rappelle que les seules préoccupation de la commission de bâtisse sont que les vitraux de la nef aillent ensemble et qu’ils ne soient pas trop sombres. Il ajoute que celle-ci souhaite que l’architecte transmette des indications pour orienter Cattani sur la base du travail de Cingria (Ruffieux, 1934).
L’atelier Chiara et Cingria obtiennent la réalisation de plus de la moitié des verrières hautes, puisqu’ils en conçoivent six contre quatre pour l’atelier Kirsch & Fleckner et Cattani, ainsi que toutes les fenêtres basses, Cattani recevant en compensation le vitrail du baptistère. Il est difficile d’imaginer une raison pertinente à cette distribution manquant d’équité. Cingria, qui travaillait à ces verrières depuis l’automne 1934, a peut-être exigé d’en réaliser six, lui qui pensait au départ les obtenir toutes. Le travail semble ensuite traîner quelque peu. Comme l’ensemble des vitraux est financé par des donateurs, leur réalisation dépend des versements de ceux-ci. Les deux ateliers posent l’ensemble des vitraux en juin (Chiara, 1935 et Kirsch et Fleckner, 1935). Contrairement à la suggestion de Castella d’alterner les verrières, les six vitraux de Cingria sont placés près du chœur, alors que les quatre verrières de Cattani sont proches de la tribune. Stylistiquement, ils témoignent de la personnalité de chaque artiste tout en respectant des normes permettant une unité d’ensemble : grandeur des saints, coloris dominants, présence d’éléments similaires comme des banderoles et les armoiries des donateurs.