Ce vitrail a été réalisé par l’artiste genevois Alexandre Cingria et l’atelier Chiara de Lausanne pour la nef de la nouvelle chapelle de l'Hôtellerie franciscaine à Saint-Maurice (ancien scolasticat puis Foyer franciscain), édifiée en 1940 par l’architecte romontois Fernand Dumas, également auteur de la restauration de l’ancienne chapelle entre 1929 et 1932.
La consécration et bénédiction du nouveau sanctuaire ont lieu le 15 décembre 1940 sous la direction du père Gaspard, supérieur de la Province suisse des Capucins (Gaspard, 1940). Les archives du Scolasticat nous apprennent que l’architecte Albert Cingria, fils d’Alexandre, avait également été sollicité pour ce projet de construction ([Charrière], 1939). La décoration intérieure est l’oeuvre de l’artiste valaisan Paul Monnier, auteur de la peinture murale du choeur (Haegler, 1941).
Suite à la pose en 1931 des vitraux d’Antoine Bessac (atelier grenoblois) pour l’église des Capucins à Saint-Maurice, jouxtant les murs du Scolasticat, les étudiants souhaitent également pouvoir admirer des verrières dans la chapelle de leur séminaire (Charrière, 1932a), modeste lieu de culte rénové par Fernand Dumas entre 1929 et 1932 (Voirol, 1933, p. 74). A cette occasion, Frère Gabriel-Marie Charrière, Directeur du Scolasticat (Haegler, 1941), choisit de se tourner vers la modernité, en plébiscitant l’artiste genevois Alexandre Cingria pour la réalisation des vitraux, malgré les avis défavorables, voire négatifs énoncés parmi les Frères Mineurs Capucins, à l’instar du Père Ambroise, qui, dans un courrier adressé à frère Gabriel-Marie, s’inquiète du devenir des “âmes séraphiques de nos saints franciscains dans les mains immondes du caricaturiste genevois”. Il se demande en outre comment Frère Gabriel-Marie, “nourri dans le plus pur classique”, a pu se laisser “prendre à la poisse dégoûtante des modernes” (Ambroise, 1932). Ces quelques lignes, violentes et sans détour, apportent une nouvelle fois la preuve que Cingria avait non seulement des détracteurs féroces qui le percevaient avec beaucoup de dédain, mais aussi que, malgré plus de dix ans d’activité du Groupe de Saint-Luc en Suisse romande, l’art moderne proposé par cette Société artistique catholique, dont Cingria était une figure centrale, n’arrivait pas encore à être toléré par tout le monde, et ceci même dans les milieux ecclésiaux. Alors que les étudiants se montrent très contents des projets soumis par Cingria, les pères, eux, “ont crié au trop violent !” (Charrière, 1932c).
Cingria réalise cinq vitraux, tous construits de manière identique. Au sommet de chacun d’eux s’inscrit un portrait d’un saint de l’Ordre dans un médaillon, alors que deux scènes de la vie de François d’Assise occupent les panneaux inférieurs, accompagnées du nom d’une vertu (Voirol, 1933, p. 74).
En 1940, l’artiste genevois revient à Saint-Maurice pour concevoir l’ensemble des vitraux de la nouvelle chapelle, dont les seize verrières de la nef. Il reprend ses créations de 1932, tout en les adaptant aux nouvelles fenêtres beaucoup plus petites. Chaque scène de la vie de François d’Assise et sa vertu font désormais l’objet d’un vitrail. Au sommet de chaque baie, Cingria réintègre le buste des saints de l’Ordre réalisés pour la première chapelle en 1932, tout en les inscrivant dans un nouveau cadre ornemental. Il compose sept nouveaux portraits pour compléter le cycle et ajoute deux épisodes supplémentaires de la vie de François d’Assise. Une nouvelle bordure encadre chacune des fenêtres, alors que les cartouches avec inscriptions, disposés à l’origine sous chacune des illustrations de la vie de François, sont abandonnés (probablement la mention des donateurs prévue par frère Gabriel-Marie en 1932) (Charrière, 1932c). Aucune source ne nous permet malheureusement de savoir comment se sont déroulés ces remaniements. L’artiste imagine en plus six nouvelles verrières décoratives pour compléter l’ensemble verrier de la nef et crée sept roses pour la coupole du choeur et trois petites verrières pour les fenêtres situées au pied des escaliers menant à la tribune. L’atelier Chiara réalise l’ensemble des nouvelles verrières de Cingria et élabore encore des fenêtres ornementales (appelées “grisailles”) pour la sacristie et la cage d’escalier menant à la chapelle.
Consacrées aux astres et aux quatre éléments évoqués dans le Cantique de Frère soleil de François d’Assise, les six nouvelles verrières décoratives de la nef sont conçues sur la base d’un même dessin et d’un panel de couleurs identiques. Quatre banderoles entrecroisées sont disposées en diagonale, sur lesquelles court un extrait du Cantique alors que chaque sujet spécifique est illustré dans la partie supérieure. Lettres, nuées, bordures et cabochons s’assemblent dans un véritable flamboiement de teintes, tout en maîtrise et équilibre. On y retrouve cette lisibilité, si chère à Frère Gabriel-Marie Charrière, directeur du Scolasticat depuis 1919 (Sulpice d’Ayent, 1939, p. 153), et qui avait supervisé la conception des premiers vitraux en 1932 (Charrière, 1932b). Bien que les sources manquent au sujet de cette seconde étape de réalisation, nous pouvons imaginer que Frère Gabriel-Marie a souhaité garder le même cap et exigé de l’artiste les mêmes critères, afin d’obtenir un nouvel ensemble cohérent et harmonieux. Nous ne savons pas si c’est lui qui a mené le projet à bien jusqu’au bout, puisqu’il est remplacé par son successeur, Damien Mayoraz, durant l’année 1940 (“Mutations dans la Province suisse des Capucins”, 1939, p. 3), mais il est certain que s’il n’a pu le faire, il a transmis au nouveau directeur son souci de rigueur et de clarté, comme le prouve le cycle verrier.
Au centre de ce vitrail, des flammes, dont certaines s’étendent sur les parties haute et basse de la fenêtre, sont figurées dans des coloris allant du jaune citron au rouge, en passant par des teintes dorées, représentées grâce à différents verres structurés ou lisses, dont certains sont des verres plaqués gravés à l’acide.