Provenant de la collection T. Anstey Guthrie dont l’ensemble a été légué au Victoria and Albert Museum en 1934, le vitrail était considéré lors de son entrée dans les collections comme suisse et daté de 1615, comme indiqué sur le cartouche inférieur (V&A, documentation, état du 20 décembre 2013 ; sur le legs, voir ibid., inv. C.73-1934).
En 1935 puis en 1941, Hans Lehmann proposa sur la base du cartouche de reconnaître dans la partie supérieure l’histoire de Lucius Oribilius Pupillus, un précepteur romain dont la vie est connue grâce aux écrits de Suétone et de Horace lequel, l’ayant eu comme enseignant, dénonça les sévices que ce dernier infligeait à ses élèves (V&A, documentation, état du 20 décembre 2013 ; Lehmann 1941, p. 142-143). En 1952, Paul Boesch infirma cependant cette lecture iconographique.
L’histoire représentée dans la partie supérieure est non pas celle de Lucius Oribilius Pupillus, mais celle du général d’Etat romain Marcus Furius Camillus dit Camille : en 394 avant Jésus-Christ, un maître d’école se rendit hors les murs pour livrer à Camille les fils des dignitaires de la ville assiégée de Faléries ; ce dernier, écoeuré par le procédé, aurait commandé „qu’on déchire les habits de cet homme, qu’on lui lie les mains derrière le dos et qu’on donne des verges et des courroies aux enfants, afin qu’ils ramènent ce traitre dans la ville“ (Plutarque, Vies parallèles, Camille, 10) ; face à ce sens de la justice, les Falisques, qui purent récupérer leurs enfants et disposer du traître, décidèrent de se livrer à Camille sans combat (V&A, documentation, état du 20 décembre 2013).
Diethelm Heller, qualifié dans le panneau de Londres de trésorier de la ville de Willisau (LU), et Margreth Fallenter n’ont pas pu être identifiés. Les Heller de Lucerne sont cependant biern documentés à Willisau (LU) depuis la fin du XIVe siècle. Ancien bailliage, district et cercle électoral du canton de Lucerne, le comté de Willisau était formé des terres dépendant du château habsbourgeois de Willisau ; il fut peu à peu divisé en seigneuries qui furent rachetées en 1407 par Lucerne (Hörsch 2015, consulté le 16 février 2021).
Les Fallenter sont, quant à eux, moins bien documentés : il existe néanmoins Franz Fallenter (v. 1550-1612), un peintre-verrier, apprécié dans toute la Suisse centrale, qui obtint les commandes de presque tous les vitraux ornant le cloître du couvent de Rathausen (LU, 1591-1611) ; en 1598, il donna au Conseil de Lucerne un vitrail aux armoiries des conseillers ; il est également documenté comme miniaturiste et illustra en 1592 le récit du voyage en Terre sainte du colonel Rudolf Pfyffer (Bhattacharya 2004, consulté le 16 février 2021). Il dirigeait en outre un atelier à Lucerne qui fut fréquenté par de nombreux peintres-verriers (Bähler 2013, consulté le 16 février 2021). Le rapprochement entre le donateur du vitrail et le peintre-verrier n’est cependant pas établi.
En 1935, Hans Lehmann attribua ce vitrail au peintre-verrier lucernois Hans Heinrich Wegmann (ou Wägmann) (1557-1628), le père du peintre-verrier Jakob Wegmann (1586-1656) (V&A, documentation, état du 20 décembre 2013). En 1941, il publia le vitrail dans son ouvrage sur l’histoire du vitrail lucernois dans lequel il réctifia son attrbution en la reléguant l’oeuvre à l’atelir de Jakob Wegmann (Lehmann 1941, p. 142-143). Paul Boesch, qui vit le vitrail à Londres en 1952, ne commenta pas ces attributions (V&A, documentation, état du 20 décembre 2013).
Les deux vitraux de Jakob Wegmann réalisés après la mort de son maître Franz Fallenter (v.1550-1612) pour l'abbaye de cisterciennes de Rathausen (LU), signés du monogramme „IW“, datés de 1618 et aujourd’hui conservés au Musée national suisse à Zurich (inv. IN-49.20 et LM-68430), sont cependant d’une qualité nettement supérieure que le panneau de Londres qui ne peut par conséquent revenir à ce dernier. Aussi, une confrontation de celui-ci avec l’oeuvre peint et dessiné de Hans Heinrich Wegmann ne convainc pas davantage (cf. von Wyss-Giacosa 1998, actualisé en 2017 et consulté le le 16 février 2021).
De bonne qualité, le vitrail de Londres semble plutôt revenir à un peintre-verrier non dépourvu de style actif à Lucerne dans le premier quart du XVIIe siècle.
Cité dans :