La commande du retable en peinture sous verre de l’église Saint-Pierre-aux-Liens de Mézières est confiée à Emilio Beretta, responsable de la décoration générale (Noverraz/Sauterel 2024, p. 165-167). Il s’agit d’une œuvre d’un format exceptionnel, puisqu’elle mesure dix mètres sur cinq, qui marque, par sa monumentalité, un tournant résolument moderne dans ce genre artistique. À l’origine, Dumas avait imaginé un retable en peinture murale, pour laquelle une isolation spéciale avait été réalisée (Président du conseil de paroisse, Lettre à Fernand Dumas, AP Mézières, 15 novembre 1938). Le mandat a d’ailleurs failli être accordé au Toscan Gino Severini, spécialiste de la peinture murale, mais pour des raisons inconnues Beretta lui est préféré, sans doute car le jeune artiste pouvait proposer une technique complexe qu’il maîtrisait, puisqu’il avait déjà réalisé un antependium composé de vingt-et-un panneaux peints sous verre pour la triennale d’art sacré de Milan en 1933 (Torche-Julmy 1997, p. 15).
Beretta réalise au total quatorze projets pour le retable de Mézières illustrant la délivrance de saint Pierre, patron de l’église. En février 1939, Dumas et le curé de la paroisse valident le dernier projet de Beretta, souhaitant tout de même que l’artiste apporte plus de luminosité au vêtement de Pierre (Fernand Dumas, Lettre à l’abbé Théophile Perroud, AP Mézières, 14 février 1939). L’interprétation iconographique faite par Beretta déplaît cependant au curé qui lui reproche de ne pas avoir « respect[é] parfaitement le texte historique » (Théophile Perroud, Lettre à Fernand Dumas, AP Mézières, 23 février 1939). Le récit raconte que Saint Pierre dormait entre deux soldats lorsque l’ange le réveilla en le frappant au côté et lui dit de se lever, les chaînes lui tombèrent alors de ses mains. Beretta choisit de représenter l'apôtre déjà éveillé, assis, tandis que l'ange, se tenant à distance, l'appelle à se lever.
En avril, l’œuvre est agrandie à la taille d’exécution (Fernand Dumas, Lettre à l’abbé Théophile Perroud, AP Mézières, 5 avril 1939) mais en décembre, l’artiste doit interrompre ses travaux dans l’église, étant mobilisé en raison de la guerre qui frappe l’Europe (Fernand Dumas, Lettre à la paroisse, AP Mézières, 4 décembre 1939). Ainsi, pour l’inauguration du premier août 1939, c’est le carton de l’œuvre en grandeur nature, envoyée depuis Genève, qui est fixé dans le chœur afin de cacher la nudité du béton du chevet, en attendant que l’original soit achevé (Murith 2014). Ce n’est qu’en été 1940 que démarre l’exécution de chacun des 82 panneaux rectangulaires composant cette œuvre, peints avec la collaboration de l’épouse d’Emilio Maria Beretta, Isabelle Cingria, tandis que le serrurier Willy Brant de Bulle se charge de la pose de l’ensemble en octobre 1940 (Théophile Perroud, « Notre église », dans Bulletin paroissial, AP Mézières, février 1941). Entre 1942 et 1943, l’artiste finalise le chemin de croix, également en peinture sous verre, qui reprend les tons employés pour la décoration du chœur, après une nouvelle période de service militaire (Lauper, s.d.b). Les comptes de la construction indiquent que cette ornementation en verre a coûté très cher, soit environ 15'000 francs sur un budget total de 212'000 francs (Torche-Julmy, 1998, p. 15-16).
La technique utilisée par Beretta est issue de la peinture de chevalet. Les couleurs à l’huile sont appliquées alla prima, c’est-à-dire sans attendre leur séchage. Elles sont mélangées sur la palette ou sur le support de verre pendant le processus de création. L’artiste emploie la couleur de manière spontanée et très libre en larges touches de pinceau. Dans le cadre d’une importante intervention de restauration réalisée en 2013 nécessitant le démontage d’urgence du retable de Mézières, l’analyse des prélèvements a montré que le liant était de l’huile de lin, produit permettant à l’artiste de travailler de manière fluide et dynamique (Neuner/Jolidon/Moret 2019, p. 737). Sur cette œuvre, le paysage crépusculaire dans lequel a lieu la délivrance nocturne de saint Pierre est décliné dans des tons sombres par l’application d’un fond noir et opaque, ce qui crée un contraste dramatique avec la cellule baignée de lumière et l’apparition rayonnante de l’ange libérateur rendues en jaune clair (Ambrosio 2024, p. 126). Beretta joue avec virtuosité des effets de clair-obscur en exploitant la brillance du verre.