Emilio Maria Beretta naît en 1907 au Tessin près de Locarno, où il passe son enfance. Probablement sur les conseils d'Alexandre Cingria, qui vit depuis plusieurs années au Tessin et fréquente la famille Beretta, il se rend à Genève où il suit, de 1923 à 1927, les cours de l'École des Beaux-Arts de Genève (Agustoni, 1987, p. 284). Il y rencontre Albert Chavaz et Paul Monnier, qui sont de la même génération que lui et avec lesquels il se lie d'amitié ("Journet-Maritain : Correspondance [...]", 1996, p. 491). Pendant cette période, il participe également avec ces artistes à un groupe réunissant de jeunes peintres élèves des Beaux-Arts, qui est baptisé par Cingria du nom d'"École des Pâquis" ("L'École des Pâquis", s.d.). En 1930, il étudie à l'école des Beaux-arts à Paris et fréquente l'atelier de Gino Severini (Service des Biens culturels, 1995, p. 51 ; Marquis, 1986, p. 158).
En 1927, il aide Cingria à réaliser ses quatre vitraux de la nef de l'église Sainte-Croix de Carouge, sa première expérience dans l'art sacré (vitraux qui seront déplacés en 1978 à la chapelle de Sainte-Marie-du-Peuple à Châtelaine) (par exemple GSL_28.01). Par l'intermédiaire de Cingria, qui devient son beau-père en 1932 (Torche-Julmy, 1997, p. 11), il est introduit au début des années 1930 au sein de la Société Saint-Luc (Societas Sancti Lucae, 1932), collectif artistique catholique oeuvrant pour le renouveau de l'art sacré en Suisse (Service des Biens culturels, 1995 ; Noverraz, 2022). Il obtient son premier grand mandat de décoration à l'église de Bulle, où Cingria est déjà engagé pour les vitraux. En plus de la polychromie générale, des décors peints et du chemin de croix, il y réalise deux verrières conçues avec l'aide de ce dernier entre 1931 et 1932 (Galley, 1997, p. 22).
Dans la suite de sa carrière, il décore plusieurs églises et chapelles construites ou rénovées par des architectes du Groupe de Saint-Luc, en particulier par Fernand Dumas : Saint-Pierre de Fribourg (1932), Sorens (1935-1936), Rueyres-les-Prés (1936), Murist (1937-1938), Mézières (1939-1943), Aubonne (1941), la chapelle du collège Saint-Michel à Fribourg (1942), celle de Notre-Dame des Marches à Broc (1944-1946) et l'église du Christ-Roi du Petit-Lancy (1952-1953). Il réalise également plusieurs oeuvres dans des églises tessinoises (église de Verscio, 1945 ; San Michele, Giornico, 1947). Parallèlement, il continue de travailler dans le domaine de la peinture de chevalet et reçoit quelques commandes publiques pour des oeuvres profanes, comme une peinture à la cafétéria de l'Université Miséricorde de Fribourg en 1941 (Torche-Julmy, 1997, p. 18), la décoration du Café Remor à Genève, ou celle de la salle de gymnastique du collège de Locarno (Marquis, 1986, p. 135, 142). Dans les années 1960, il conçoit plusieurs décors et costumes pour le Grand Théâtre de Genève (Rudaz, 1997, p. 32).
Artiste polyvalent, il maîtrise tant la peinture murale (notamment à Saint-Pierre de Fribourg, à Rueyres-les-Prés, Aubonne et au Petit-Lancy) que d'autres techniques traditionnelles, comme la mosaïque (à l'église du Christ-Roi de Tavannes, vers 1930 et pour un chemin de croix à l'église Saint-Pierre-aux-Liens de Bulle en 1935), l'émail peint (pour un antependium et deux retables d'autel à l'église de Murist en 1937-1938), la céramique peinte (en 1934 à l'église de Fontenais) ou la marqueterie de bois avec incrustations d'aluminium (en 1935-1936, chemin de croix à l'église de Sorens) (Galley, 1997, p. 23-25).
En ce qui concerne le vitrail, l'artiste découvre cet art en collaboration et sous la supervision de son futur beau-père Cingria, avec les commandes de Carouge et de Bulle. Avec le cycle des vitraux d'Aubonne, qui accompagne un chemin de croix peint en frise continue sur les murs de la nef et un retable brodé dont l'artiste a dessiné le carton, l'artiste aborde pour la première fois le vitrail seul (par exemple GSL_553). Il y revient en 1944-1945 à la chapelle Notre-Dame-des-Marches, où il complète le cycle de vitraux laissé inachevé par Cingria, décédé durant la commande, et réalise à cette occasion deux vitraux aux dimensions plus importantes (GSL_351 et GSL_354) (Rime, 2005, p. 117). Si son expérience dans le domaine du vitrail traditionnel demeure modeste, l'artiste explore d'autres techniques verrières durant sa carrière, notamment la difficile technique de la peinture sous verre, qui consiste à apposer la couleur derrière le verre en travaillant à l'envers. En 1933, l'artiste expose à la Triennale de Milan un antependium composé de 21 panneaux peints selon ce procédé. Cette réalisation audacieuse a peut-être inspiré Dumas, qui confie à l'artiste le mandat d'une monumentale paroi-retable en peinture sous verre dans la nouvelle église Saint-Pierre-aux-Liens de Mézières (1939-1940), où il conçoit également un chemin de croix dans la même technique, en plus d'un mobilier en verre gravé dont il a dessiné les modèles (Torche-Julmy, 1997, p. 15-16).
Dès la fin des années 1950, il emploie la technique de la dalle de verre, comme à l'église du Bois-du-Quesnoy à Hautmont en 1959, au siège de l'Union internationale des télécommunications de Genève (GE_92.01) en 1961, ou à l'église Sainte-Marie de Passy en 1962 (Marquis, 1986, p. 144, 149). En 1972, il reçoit par l'architecte Denis Honegger une commande de vitraux en dalle de verre pour la chapelle et le baptistère de l'église du Christ-Roi de Fribourg, à laquelle il travaille entre 1973 et 1974, mais décède avant d'avoir pu la concrétiser (Galley, 1997, p. 23).
Plusieurs expositions rétrospectives lui sont consacrées après son décès (Galleria Gian Ferrari à Milan en 1976, au musée Rath en 1981, au Museo Civico de Locarno en 1989) (Rudaz, 1997, p. 32).
Agustoni, Edoardo. (1987). L'opera religiosa di Emilio Maria Beretta (1907- 1974) in terra romanda. Unsere Kunstdenkmäler : Mitteilungsblatt für die Mitglieder der Gesellschaft für Schweizerische Kunstgeschichte [...], 38, 284-291.
Galley, N. (1997). Oeuvres transposées : vitrail, marqueterie, mosaïque, émail. Dans P. Rudaz (dir.), Emilio Maria Beretta : [exposition]: Musée du pays et Val de Charmey, [du 23 novembre 1997 au 8 février 1998] (p. 22-25). [Charmey], Suisse : Musée du pays et Val de Charmey.
Journet-Maritain : Correspondance. 1920-1929. (1996). (édition publiée par la Fondation du Cardinal Journet, établie par Claude Favez et al., vol. 1). Fribourg, Suisse : Éditions universitaires, Paris, France : Saint-Paul, 1996.
L'École des Pâquis. (s.d.). Paul Monnier 1907-1982. https://www.paul-monnier.ch/ecole_paquis
Marquis, J. M. (1986). Emilio Maria Beretta 1907-1974. Genève, Suisse : Skira.
Noverraz, C. (2022). Le Groupe de Saint-Luc (1919-1945) : expression et quête d'identité d'une Société artistique catholique dans l'Europe de l'entre-deux-guerres [thèse de doctorat inédite]. Université de Lausanne.
Rime, F., Rime, J. (2005). Les Marches : Le petit Lourdes fribourgeois / Histoire d’un lieu sacré. Bulle, Suisse : Editions gruériennes.
Rudaz, P. (1997). Repère biographique. Dans P. Rudaz (dir.), Emilio Maria Beretta : [exposition]: Musée du pays et Val de Charmey, [du 23 novembre 1997 au 8 février 1998] (p. 32). [Charmey], Suisse : Musée du pays et Val de Charmey.
Rudaz, P. (2004, 8 mars). Artistes SSL. Emilio Beretta. Muralto 1907-Genève 1974. Archives numériques Patrick Rudaz.
Service des Biens culturels. (1995, octobre). Les artistes du Groupe de St-Luc. Le Groupe de St-Luc. (Patrimoine fribourgeois), (5), 51-53.
Service des Biens culturels. (1995, octobre). Le Groupe de St-Luc. (Patrimoine fribourgeois), (5).
Societas Sancti Lucae. (1932). Mitgliederverzeichnis / Liste des membres. Archives de l’état de Lucerne, fonds PA 378/70.
Torche, M.-T. (1997). Redécouverte d'un artiste : son oeuvre fribourgeoise. Dans P. Rudaz (dir.), Emilio Maria Beretta : [exposition]: Musée du pays et Val de Charmey, [du 23 novembre 1997 au 8 février 1998] (p. 11-21). Charmey, Suisse : Musée du pays et Val de Charmey.