Ce vitrail a été réalisé en 1935 par l’artiste Albert Gaeng et l’atelier Chiara de Lausanne afin d’orner la rose de la tribune de l’église Saints-Pierre-et-Paul de Fontenais, construction majeure de l’architecte du Groupe de Saint-Luc, Fernand Dumas, en terre jurassienne.
Albert Gaeng est mandaté à Fontenais non seulement pour la réalisation des vitraux, mais aussi pour la décoration intérieure incluant la polychromie, les décors du plafond, ainsi que les mosaïques de céramique du choeur et de la nef (Crevoisier, 2011, p. 59). Il y travaille un peu plus d’une année, de juin 1934 à septembre 1935. Comme Willy Jordan, il fait partie des quelques artistes protestants collaborant avec le Groupe de Saint-Luc, Société artistique catholique, bien que n’en étant pas officiellement membre. Il a, à l’instar d’autres artistes suisses, étudié aux Ateliers d’Art sacré à Paris (Corthésy, s.d.).
Les sources ne nous disent pas comment Gaeng est choisi. Un concours a-t-il été organisé ? Est-ce un choix du conseil de Paroisse ou tout simplement de l’architecte Dumas, qui a déjà travaillé une première fois avec lui dix ans auparavant pour l’église Saint-Nicolas de Semsales où il a réalisé vers 1925 les peintures murales de la sacristie (Lauper, 2012, p. 170) ? En même temps que Fontenais, Dumas collabore avec l’artiste à la chapelle de l’hôpital Monney à Châtel-Saint-Denis, dont Gaeng est l'auteur des verrières (Lauper, 2012, p. 173). Une année auparavant, ils se sont retrouvés dans le cadre de la restauration de l’église paroissiale d’Ursy pour laquelle Gaeng s’est occupé de la décoration (Cingria, 1934, p. 68). En 1933, l'artiste conçoit également les vitraux de la nouvelle église Notre-Dame-du-Bon Conseil de Lourtier, construite par l’architecte Alberto Sartoris (Biffiger et Beytrison, 2012, p. 468).
A Fontenais, Gaeng collabore avec l’atelier de la veuve Chiara à Lausanne pour la réalisation des vitraux (Chiara, 1935), alors que la maison J. Buchert de Bâle s’occupe de poser le vitrage extérieur (Buchert, 1935). Le cycle verrier imaginé par l’artiste se compose de quatre fenêtres dans le choeur, onze dans la nef, une sur la tribune et six dans le baptistère, tous des vitraux géométriques. Gaeng réalise un seul dessin pour l’ensemble des vitraux du choeur et de la nef, avec au sommet de chaque baie l’épée et la croix renversée des saints patrons de l’église, disposées en “x”. Seules de légères modifications dans le choix des formes géométriques apparaissent sur la partie centrale. Ces verrières ornementales rappellent explicitement celles que l’on trouvait dans de nombreuses églises durant la seconde partie du XIXème siècle et au début du XXème partout en Suisse et en Europe, revisitées par Gaeng dans un style plus moderne, infusé d’Art déco.
Il apparaît clairement que les vitraux n’ont pas été l’élément principal de la décoration de l’église, contrairement à la céramique, traitée à la manière de la mosaïque, que l’on retrouve partout dans l’édifice. Bien qu’il s’agisse d’un choix esthétique délibéré, nous pouvons tout de même nous demander si c’est aussi par manque de moyens financiers que des vitraux géométriques (bien moins chers que des vitraux narratifs), ont été choisis.
La rose de la tribune, à l’exception des verts et des beiges, reprend les coloris des vitraux de la nef et du choeur, en leur adjoignant du noir comme pour les fenêtres du baptistère. Composé de petites pièces de verres au centre, celles-ci deviennent nettement plus grandes vers l’extérieur et apportent une certaine monumentalité esthétique au vitrail. Son dessin géométrique, à la fois simple dans sa globalité, mais plus complexe dans les détails, laisse transparaître une nouvelle fois les jeux subtils proposés par Gaeng, qui réussit visuellement à offrir à cette verrière une place centrale dans l’édifice.
Contrairement à d’autres églises où le peintre verrier est souvent différent de l’artiste responsable de la polychromie et de la décoration intérieure, le fait que Gaeng soit également l’auteur des vitraux de Fontenais favorise une harmonie esthétique d’ensemble plus évidente et naturelle, s’inscrivant dans une démarche très présente au sein du Groupe de Saint-Luc, visant à conjuguer différents arts décoratifs et personnalités artistiques au sein d'ensembles cohérents (Noverraz, Sauterel, 2022, p. 112-114).