Né le 13 mai 1904 à Lausanne, Albert Gaeng, âgé de six ans, perd son œil gauche à la suite d’un accident de tir (Gaeng, 2012, p. 3). Il étudie au Collège classique de la capitale vaudoise avant d’entamer des études artistiques à l’École des Beaux-Arts de Genève entre 1921 et 1924. En 1924, il part à Paris et devient élève de Maurice Denis aux Ateliers d’art sacré. Il expose pour la première fois au Salon d’Automne. En 1925, il fait la connaissance de Gino Severini et devient son élève. A l'église de Semsales, dont Severini s'occupe depuis 1924 de la décoration, Gaeng reçoit le mandat des peintures murales de la sacristie (Gaeng, s.d., p.1). C’est son premier contact avec les membres du Groupe de Saint-Luc. En tant que Protestant, il ne peut adhérer à cette Société artistique catholique, mais comme d’autres artistes, à l'instar de Willy Jordan ou du verrier genevois Eugène Dunand qu’il a rencontré à Semsales, cela ne l’empêche pas de recevoir des commandes au sein de chantiers gérés par les architectes du Groupe (Noverraz, 2022, p. 243).
Dans le domaine de l’art sacré, la première partie des années 1930 est faste pour l’artiste. Lors de la restauration de l’église de Burtigny entre 1929 et 1930 (Neuenschwander Feihl, 2011, p. 295), il s’occupe de sa décoration intérieure. Trop altérées suite à des dégâts d’eau, ses peintures murales n’ont pu être sauvées lors de la restauration du sanctuaire en 1959-1960 (M., 1975, p. 3). En 1930, Gaeng est mandaté pour la polychromie intérieure de l’église catholique Saint-Maurice au Landeron (J., 1992, p. 13), dont seule subsiste aujourd’hui la peinture murale représentant saint Georges tuant le dragon (Gaeng, 2012, p. 16). En 1933, on lui demande de réaliser deux vitraux pour le chœur de la nouvelle église de Lourtier, œuvre de l’architecte Alberto Sartoris (Biffiger, Beytrison, 2012, p. 468). La même année, il reçoit sur soumission la commande de la décoration de l’église des Bois dans les Franches-Montagnes, pour laquelle Fernand Dumas réalise un porche (Crevoisier, 2011, p. 40). En 1934, il réalise une peinture murale pour le chœur de l’église de Riaz, désormais caché derrière un crépi blanc (Gaeng, s.d.). Entre 1934 et 1935, il obtient l’un des mandats les plus importants de sa carrière dans le contexte du Groupe de Saint-Luc : la décoration intérieure de l’église de Fontenais, construite également par Dumas. Il y réalise les mosaïques en céramique des bas-côtés, celles des retables du chœur et de la sainte Vierge, le plafond ainsi que l’ensemble des vitraux.
En 1935, il continue de collaborer avec l’architecte Dumas pour la nouvelle chapelle de l’Hôpital Monney à Châtel-Saint-Denis, où il réalise les vitraux pour le bandeau lumineux décorant le plafond (Lauper, 2012, p. 173). L’année suivante, il crée les verrières de la chapelle de l’Hôpital de Monthey.
En 1938, il effectue un important voyage en Italie. Il passe par Florence, Rome, Naples et Ravenne, où il s’arrête deux mois pour effectuer un stage afin d'apprendre le métier de la mosaïque avec le professeur Giuseppe Salietti, conservateur des églises de Ravenne et directeur de l’Ecole des beaux-arts. A Rome, Severini lui commande une série de douze costumes de théâtre pour une pièce jouée au théâtre du "Mai Florentin". L’année suivante, il lui demande cinquante-deux maquettes pour une autre pièce (Gaeng, s.d. p. 3).
En 1939, Dunand présente un vitrail avec le Groupe romand de Saint-Luc à l’exposition nationale de Zurich, dans la section d’art sacré catholique, au sein du pavillon d’art religieux. Il gagne également le concours pour l’exécution de la décoration de la façade du Théâtre ("Poignées de petits faits", 1938, p. 2). La même année, il reçoit le premier prix du concours pour la décoration du mur de la caserne de Thoune.
Suite à une formation avec son épouse au métier du tissage de haute-lice à la Manufacture Royale des Gobelins à Paris, auprès des liciers André de Portier et Julien Coffinet, il produira plusieurs cartons de tapisseries pour des particuliers, hôtels et restaurants, ainsi que pour l’église catholique de Chailly, pour laquelle il dessine un saint Christophe réalisé par son épouse Jenny Gaeng van Hengel (Gaeng, s.d., p. 3).
Jusqu’à la fin de sa vie il va réaliser des œuvres dans des techniques diverses (sculpture, peinture, tapisserie, décorations murales), autant dans le domaine public que privé. Notons par exemple sa réalisation de deux panneaux décoratifs illustrant les emblèmes de Don Carles pour le Grand Théâtre de Genève (1962), une tapisserie de Don Quichotte pour le Château de la Sarraz (1969), un bas-relief en aluminium pour la façade de l’école des Contamines à Genève (1974). Il meurt le 2 février 1975 à Genève, après avoir vécu plus de quinze ans à Carouge, où il avait son atelier (Gaeng, s.d., p. 1, 3, 5).
Biffiger, S. et Beytrison, I. (2012). Lourtier. Dans Société d’histoire de l’art en Suisse (dir.), Guide artistique de la Suisse (tome 4b, p. 468). Berne, Suisse : Société d’histoire de l’art en Suisse.
Crevoisier, C. (2011). Les Bois. Dans Société d’histoire de l’art en Suisse (dir.), Guide artistique de la Suisse (tome 4a, p. 40-41). Berne, Suisse : Société d’histoire de l’art en Suisse.
Gaeng, A. (s.d.). [Curriculum Vitae d’Albert Gaeng]. Archives privées Anne Gaeng.
Gaeng, L. (2012). Albert Gaeng. Lausanne, 13 mai 1904 – Genève 2 février 1975. Blurd. Archives privées Anne Gaeng.
J., C. (1992, 7 mars). Comme les bâtisseurs de cathédrale. L’express. Feuille d’avis de Neuchâtel, 13. https://www.e-newspaperarchives.ch/?a=d&d=EXR19920307-01.2.1
Lauper, A. (2012). Châtel-Saint-Denis. Dans Société d’histoire de l’art en Suisse (dir.), Guide artistique de la Suisse (tome 4b, p. 171-174). Berne, Suisse : Société d’histoire de l’art en Suisse.
Les vitraux de l’église de Lourtier. (1933, avril). Journal et feuille d’avis du Valais, 2. https://www.e-newspaperarchives.ch/?a=d&d=FDV19330404-01.2.23
Le Spectateur romand. (1934, 13 mars). L’art religieux en Suisse romande. La Patrie valaisanne, 1. https://www.e-newspaperarchives.ch/?a=d&d=PAT19340313-01.2.4
Neuenschwander Feihl, J. (2011). Burtigny. Dans Société d’histoire de l’art en Suisse (dir.), Guide artistique de la Suisse (tome 4a, p. 295). Berne, Suisse : Société d’histoire de l’art en Suisse.
Poignées de petits faits. (1938, 20 octobre). Le Nouvelliste, 2. https://www.e-newspaperarchives.ch/?a=d&d=NVE19381020-01.2.16.3
M., H.-G. (1975, 11 février). Après le décès de M. A. Gaeng. Courrier de la Côte.