Ce vitrail a été réalisé en 1929 par Eugène Dunand pour la paroi sud de la nef de l’église Notre-Dame-de-l’Assomption de Finhaut, construite par l’architecte phare du Groupe de Saint-Luc, Fernand Dumas. En plus des petites verrières des fenêtres basses de la nef, Dunand est également mandaté pour la création des vitraux du choeur, dont l’un est offert par Dumas (Dumas, 1930), ainsi que pour la réalisation des vitraux d’Alexandre Cingria dans les fenêtres de la nef, côté nord (Dunand, 1929).
Dunand réalise les cinq petits vitraux des fenêtres du bas-côté sud de la nef, dont trois sont signés de sa main. Nous pouvons imaginer que l’artiste et animateur principal du Groupe de Saint-Luc, Alexandre Cingria, responsable du mandat principal de la décoration intérieure de l’église, a donné son avis sur la conception de ces verrières. Il a probablement souhaité ce fond jaune doré à l’arrière-plan des saints (rappelant le ton général de l’intérieur) et cette apparence de préciosité, proche de l’orfèvrerie, que dégagent les larges bordures entourant chaque vitrail. Par contre, contrairement à ce qu’évoque Gross (Gross, 2006, p. 19), il est peu vraisemblable que ces encadrements aient été conçus par Cingria lui-même. Lors de leurs fréquentes collaborations durant la première moitié des années 1920, les deux artistes découvrent et élaborent ensemble l’intégration des cabochons et des verres industriels dans le vitrail (Rudaz, 1998, p. 38). Mais c’est probablement Dunand qui offre à Cingria l’opportunité de travailler avec ces matériaux, puisque, comme le mentionne son papier en-tête, il réalise au sein de son atelier aussi des vitraux pour appartements, dans lesquels l’utilisation de tels verres était assez courante. Peut-être que Cingria a fait des propositions à Dunand sur le choix des cabochons et des verres structurés, mais ce dernier est bien l’auteur de l’ensemble de chaque verrière. Sa proximité avec Cingria explique que Dunand ait travaillé dans un style assez similaire, bien que distinguable de celui de son ami.
Conçues pour être regardées de près, elles sont stylistiquement d’un tout autre ordre que les deux vitraux du choeur. Illustrant différents saints, parfois liés à la paroisse et à la commune de Finhaut (Gross, 2006, p. 18), chaque baie est construite sur un modèle identique. Le saint est placé au centre sur un fond jaune doré exempté de tout décor. La bordure, très large (elle occupe les deux tiers de la surface de la fenêtre), est quant à elle richement décorée, composée de plusieurs cabochons de tailles et de couleurs différentes. Ils sont insérés au centre de pièces de verres travaillées à la grisaille pour donner l’illusion de pièces d’orfèvrerie, complétées par des verres industriels présentant différentes textures. L’effet général rappelle certaines faces de châsses médiévales, potentiel clin d’oeil aux nombreuses pièces d’exception conservées dans le trésor de l’Abbaye de Saint-Maurice, sur le territoire abbatial duquel Finhaut est situé (Gross, 2006, p. 7).
C’est la seconde fois que l’architecte du Groupe de Saint-Luc Fernand Dumas fait appel à Eugène Dunand à Finhaut. Sa première collaboration avec l’artiste et maître-verrier date du milieu des années vingt pour l’église de Semsales (1924-1926). Bien qu’il envisage de travailler à nouveau avec lui pour la nouvelle église d’Echarlens (Dunand, 1925), la commande est finalement octroyée à Cingria. Mais Dumas ne l’oublie pas lorsqu’il construit l’église de Finhaut entre 1927 et 1929 (Gross, 2006, p. 11). Dunand fait la connaissance de Cingria lors de la restauration de l’église Sainte-Croix de Carouge où le verrier (Rudaz, 1998, p. 37-38) réalise en 1924 deux verrières de l’artiste genevois pour le transept : l’Invention de la Sainte-Croix (GE_04.01) et la Vision de Constantin (GE_04.03). C’est peut-être par l’intermédiaire de Cingria que le nom de Dunand est suggéré à Dumas pour l’église de Semsales.