Ces deux volets composés chacun d’un panneau de verre peint non serti de plomb, sont l’oeuvre de l’atelier Champigneulle, Paris, dirigé par Louis-Charles-Marie, fils du verrier Charles-François Champigneulle. Ils font partie d’un lot$ onze oeuvres, acheté par le Musée des arts décoratifs de Genève auprès de l’entreprise parisienne entre 1885 et 1887. Deux pièces maîtresses, dont ce double panneau et le vitrail héraldique du prince de Solms (GE_2330) sont acquis pour 2000 francs et neuf autres vitraux sont offerts en surplus par l’atelier. L’ensemble est très hétéroclite, autant par les sujets représentés (religieux, profanes, ornementaux) que par les époques auxquelles ils font référence, allant du XIIe siècle à l’époque contemporaine de l’atelier. Ils présentent en quelque sorte un catalogue de la production de l’atelier qui proposait ses oeuvres dans toute l’Europe, dont la Suisse (Buyssens, 2019, p. 253-254).
D’inspiration japonaise, ces deux panneaux présentent un paysage où se dresse au centre de la composition un poirier en fleurs au pied duquel coule un ruisseau et s’épanouit une végétation diverse avec plusieurs oiseaux. L’Europe découvre le Japon, son artisanat et son art lors de l’Exposition Universelle de Paris en 1867, marquant le début d’un fort engouement pour le Japon qui aura un impact autant dans la mode, le théâtre et la littérature que l’art. L’Exposition Universelle de 1878 va consacrer et précipiter cet engouement (Thyrion, 1961, p. 124-125). Grâce aux estampes japonaises, les artistes vont découvrir de nouvelles voies d’exploration en matière de couleur, dessin et mises en pages. Les arts décoratifs vont également y puiser des motifs nouveaux.
Le Japon est, pour l’atelier Champigneulle, l’une des sources d’inspiration principales pour ses créations verrières dès 1880. Cette année-ci, il exécute pour une véranda des vitraux s’inspirant en partie de la faune et de la flore japonaises. En 1888, un de ses vitraux représentant un pommier en fleurs avec des échassiers et des poissons est publié dans le “Dictionnaire encyclopédique et biographique de l’Industrie et des Arts Industriels”. Il pourrait ressembler aux deux panneaux de la collection de l’Ariana. En 1894, lors du premier Salon des Arts Décoratifs en Lorraine, il expose également des vitraux civils avec un motif japonais (Roussel, 1983, p. 89-90).
Dans l’atelier de Bar-le-Duc, repris à la mort de Champigneulle père par le frère cadet Emmanuel, un album de dessins de la main de celui-ci, intitulé “Renseignements japonais, plantes, fleurs”, a été retrouvé. Y figure un dessin à l’encre de Chine d’un décor japonisant avec un fruitier au centre (dessin reproduit chez Roussel, 1983, p. 90). Sa confrontation avec le double panneau du Musée Ariana, nous dévoile, mis à part quelques infimes détails, que la composition est identique. Ce dessin n’étant pas daté par son auteur et estimé avoir été réalisé vers 1890, il impossible d’affirmer si c’est Charles Champigneulle qui s’est inspiré du dessin de son frère ou si c’est l’inverse. Mais il prouve que les deux ateliers se partageaient les même sources et que des échanges stylistiques étaient naturels entre eux et favorisaient la diffusion de leur production (Roussel, 1983, p. 89).