Ce vitrail a été commandé par Peter Eichhorn (1510/1515-1563) alors qu’il était abbé de Wettingen. Moine bénédictin nommé à la tête du monastère cistercien par les cantons catholiques – et non pas élu par le monastère – il occupe la fonction d’abbé de 1550 jusqu’à sa mort. Sous son abbatiat, plusieurs vitraux sont installés dans les fenêtres de différentes salles de l'abbaye, dans la loge de l'abbé, ainsi que dans le cloître (Hoegger, 2002, p. 23). A ce jour, Peter Eichhorn apparaît lui-même en qualité de donateur de sept des vitraux connus, commandés à des peintres verriers suisses renommés, tels que Carl von Egeri, Niklaus Bluntschli ou encore Caspar Stilhart (cf. sous Commanditaire). Le fait qu'il soit le donateur d'une grande partie des vitraux de sa propre abbaye est révélateur des faibles relations amicales entretenues par l'abbaye de Wettingen avec d'autres couvents de la région au milieu du XVIe siècle, en lien avec les circonstances inhabituelles qui ont amené Eichhorn à la tête de Wettingen en 1550 (Hoegger, 2002, p. 330 et 408).
Les armes de Rapperswil apparaissent aux côtés de celles de l’abbaye de Wettingen et de l’abbé donateur. Dans d’autres vitraux présentant la même composition héraldique, l’écu supérieur gauche porte parfois les armes de l’ordre cistercien (Hoegger, 2002, p. 408), rattachant le vitrail à l’abbaye de Wettingen malgré qu’Eichhorn ait lui-même été bénédictin. La présence des armes de Rapperswil n’est dès lors pas anodine et pourrait découler d’une volonté d’Eichhorn de légitimer sa position d’abbé en se plaçant dans la lignée d’Henri II de Rapperswil, fondateur du couvent de Wettingen vers 1220.
Comme la plupart des donations de l’abbé, ce panneau était probablement destiné à orner les baies d’une salle indéfinie de l’abbaye de Wettingen. Un autre vitrail d’Eichorn donné en 1550, encore conservé à Wettingen, est très similaire du point de vue de la composition et du style et est probablement de la main du même peintre verrier. La disposition des écus armoriés, des attributs épiscopaux et du donateur en costume bénédictin agenouillé est identique. Lehmann (1894, p. 47) a proposé une attribution de ce vitrail à Niklaus Bluntschli. Hoegger (2002, p. 259) attribue le vitrail à “probablement Carl von Egeri” et à un atelier dans la tradition des Stillhart de Constance. Un autre vitrail de Wettingen, également donné par Eichorn dans la même année et très similaire, est par contre attribué par Hoegger (2002, p. 408) à Bluntschli. Le vitrail conservé au Musée Ariana ne peut être clairement associé à aucune oeuvre signée ni de Bluntschli ni d’Egeri. L’attribution de Brun (1905-1917, p. 10) à Carl von Egeri n’est par conséquent pas convaincante. La question de l'auteur du vitrail demeure ouverte.
Un Couronnement de la Vierge similaire figure sur un premier panneau commandé par Peter Eichhorn en 1544 avant qu’il ne devienne abbé. Celui-ci, attribué au peintre verrier Caspar Stillhart, est aujourd’hui conservé au Victoria and Albert Museum à Londres (VAM_82). Le vitrail de Genève et sa composition mêlant Couronnement de la Vierge et paysage lacustre, sans fond damassé, a probablement servi de modèle au peintre verrier zurichois qui a exécuté un panneau aux armes de Hans Müller vers 1573 pour le couvent de Muri (Hasler, 2002, p. 207).
Ce panneau provient de la collection constituée par le marchand de soie de Constance Johann Nikolaus Vincent (1785-1865) de 1816 jusqu’à sa mort. Parmi les sept vitraux donnés à Wettingen par Eichhorn, un seul est conservé au Musée Ariana à Genève, tandis que les autres sont encore conservés à Wettingen ou dispersés dans diverses institutions, telles que le Musée national suisse à Zurich ou le Victoria and Albert Museum à Londres.
Cité dans :
Rahn, 1890, p. 192, n° 51.
Lehmann, 1894, p. 47.
cat. 1896, p. 392, note 2.
Sidler, 1905, p. 102, n° 51.
Brun, 1905-1917, p. 9-12.
Wartmann, 1908, p. 16, note 2.
Deonna, 1938, p. 7-8.
Hasler, 2002, p. 207, n° 53.
Hoegger, 2002, p. 259-260.