Ce vitrail va de paire avec la scène de mêmes dimensions figurant Jésus devant Caïphe (GE_2054). Ils font partie d’un ensemble de quatre verrières, aujourd’hui conservées au Musée Ariana à Genève, représentant Jésus devant Caïphe (GE_2054) et le Baiser de Judas (GE_2056) surmontés de panneaux architecturaux (GE_2055 et GE_2057). A l’origine, ce cycle dédié à la Passion du Christ était probablement composé de dix vitrages insérés dans au moins deux des cinq baies du choeur de l’ancienne chapelle du château en ruine de Pottendorf, situé en Basse-Autriche (Frodl-Kraft, 1994). Seuls ces deux épisodes ont subsisté. Compte tenu de leur proximité tant narrative qu’iconographique, il est possible qu’ils aient initialement été disposés côte à côte, dans la partie haute (niveau 4 et 5) de la fenêtre gauche du choeur, jouxtant celle axiale (Wais-Wolf, Buchinger & Oberhaidacher-Herzig, 2017, p. 318).
Une photographie de la chapelle du château dans son état en 1905 (voir Wais-Wolf, Buchinger & Oberhaidacher-Herzig, 2017, p. 317, fig. 536) montre ces quatre panneaux réunis dans la partie haute de la baie axiale, mais celle-ci étant la plus visible, elle devait à l’origine plutôt accueillir les épisodes de la Crucifixion et de la Résurrection (Wais-Wolf, Buchinger & Oberhaidacher-Herzig, 2017, p. 318). Le cliché nous apprend également qu’au début du XXe siècle, le reste des vitraux était déjà perdu et remplacé par des verres blancs en nid d’abeille. Seuls quelques verres ornementaux insérés dans les remplages des trois fenêtres centrales, ainsi qu’au sommet des lancettes des baies gauche et axiale persistaient. Ces derniers ont été perdus ou ne sont aujourd'hui plus connus (Wais-Wolf, Buchinger & Oberhaidacher-Herzig, 2017, p. 318). Il est possible qu’à l’origine la partie basse des fenêtres ait quant à elle accueilli des verrières figurant les commanditaires et leurs armoiries, comme il était de coutume dans les chapelles privées à cette époque (Frodl-Kraft, 1994, p. 187). En l’absence de ces vitrages, les commanditaires des vitraux de Pottendorf ne peuvent pas être identifiés avec certitude. L’histoire de l’aménagement du château étant étroitement liée à celle de ses propriétaires successifs, Frodl-Kraft (1994, p. 191) a proposé de chercher du côté des seigneurs de Pottendorf, détenteurs de l’édifice du XIIe siècle jusqu’à leur extinction en 1488. Cette famille, qui était au Moyen Âge l’une des plus influentes de Basse-Autriche par sa position sociale et ses propriétés, a compté dans ses membres de nombreux hauts fonctionnaires, liés par des liens de mariage et de parenté aux familles nobles de Vienne qui ont commandé des vitraux aux ateliers ducaux vers 1380-1400 (Frodl-Kraft, 1994, p. 191).
Au moment de la création des présentes verrières, estimée durant la deuxième décennie du XVe siècle (Wais-Wolf, Buchinger & Oberhaidacher-Herzig, 2017, p. 322), le château pouvait être entre les mains de la lignée des Pottendorf de Kirchschlag ou entre celles des Pottendorf de Pottendorf (Wais-Wolf, Buchinger & Oberhaidacher-Herzig, 2017, p. 316, note 10). Dès lors, les potentiels donateurs pourraient être Hans l’Ancien ou son fils Albrecht (Frodl-Kraft, 1994, p. 191). Hans l’Ancien ayant épousé Margarethe von Stubenberg, issue d’une famille puissante connue pour ses dons de vitraux à Saint-Erhard et Viktring réalisés par les ateliers viennois, le couple se présente comme un commanditaire crédible (Wais-Wolf, Buchinger & Oberhaidacher-Herzig, 2017, p. 316). Compte tenu du rôle de tuteur d’Albrecht brièvement tenu par Hartneid von Pottendorf d’Ebenfurth après 1412, celui-ci apparaît également comme un potentiel donateur (Wais-Wolf, Buchinger & Oberhaidacher-Herzig, 2017, p. 316). Maître à la cour du duc Léopold IV, maréchal de campagne dès 1409 et “conservator” à l’Université de Vienne, cet important personnage qui a marqué l’apogée de la famille Pottendorf pourrait également être à l’origine de la commande des vitraux de la chapelle du château familial (Wais-Wolf, Buchinger & Oberhaidacher-Herzig, 2017, p. 110-122 et p. 316).
Même si les vitraux sont mentionnés pour la première fois en 1832 par Franz Schweickhardt (p. 301, cité dans Frodl-Kraft, 1994, p. 187), il faut attendre l’étude d’Eva Frodl-Kraft en 1994 pour y voir les verrières, leur style et leur datation abordés de manière complète. Des parallèles ont été tirés entre les formes et le style des verrières de Pottendorf avec les vastes réalisations des ateliers viennois ou ducaux, dit “Wiener Werkstatt” ou “Herzogswerkstatt”, actifs en Autriche à la fin du XIVe siècle (Lapaire, 1980, p. 28 ; Frodl-Kraft, 1994, p. 189-191 ; Wais-Wolf, Buchinger & Oberhaidacher-Herzig, 2017, p. 320). En les comparant aux verrières des églises de Maria am Gestade et Saint-Stephan de Vienne, d’Ebreichsdorf en Basse-Autriche, de Viktring en Carinthie ou de Saint-Erhard in der Breitenau en Styrie (cf Frodl-Kraft, 1962, p. XXV-XXXI ; Bacher, 1979, p. XXXVII-XXXIX ; Buchinger, 2012, p. 320-331), similaires du point de vue de l’iconographie et du style, Frodl-Kraft (1994, p. 188) a démontré que les panneaux de Pottendorf témoignent d’une “baisse de qualité” par rapport aux productions de ces ateliers. Elle y relève la maladresse dans la reprise des motifs iconographiques, les problèmes de proportion, ou encore la rigidité et le manque d’élégance des figures (Frodl-Kraft, 1994, p. 190 et 192). Ce style se dresse ainsi comme celui des successeurs de ces ateliers viennois (Wais-Wolf, Buchinger & Oberhaidacher-Herzig, 2017, p. 320-321). Plus récemment, des similitudes (fond, linéarité du graphisme, tracé des hachures) entre les vitraux de Pottendorf et des créations exécutées dans la région de Styrie ont amené Wais-Wolf, Buchinger et Oberhaidacher-Herzig (2017, p. 322) à affilier ces verrières à un atelier styrien actif autour de 1410-1420, probablement en relation avec les maîtres verriers de Leoben ou St. Pankrazen bei Rein.
En 1917, lors de la Première Guerre mondiale, les vitraux de l’abside de la chapelle de Pottendorf sont fortement endommagés par l’explosion d’un dépôt de munitions situé à proximité du château. Deux rapports font état de cet incident, le premier en 1919 par le conservateur au Staatsdenkmalamt Paul Hanakamp (cité dans Wais-Wolf, Buchinger & Oberhaidacher-Herzig, 2017, p. 318) et le second de Franz Kieslinger en 1928 (cité dans Frodl-Kraft, 1994, p. 187-188, note 4). Selon Frodl-Kraft (1994, p. 188), c’est à la suite de cet événement que les vitraux ont été déposés, puis cédés au père du propriétaire connu, le Dr Franz Ceska de Vienne, qui les a lui-même revendus en 1974 au Musée d'art et d'histoire de Genève.
Cité dans :
Lapaire, 1980, p. 28, n° 10.
Loche, 1982, p. 174, n° 75.
Frodl-Kraft, 1994, p. 187-194, ill. 413-416.
Wais-Wolf, Buchinger & Oberhaidacher-Herzig, 2017, p. 315-324.