Ce vitrail appartient à un cycle de huit vitraux pour l’église Saint-Martin à Saint-Martin en Valais. Il est l’oeuvre conjointe de l’artiste valaisanne Isabelle Tabin-Darbellay et du maître verrier fribourgeois Michel Eltschinger, dont c’est le dernier ensemble d’importance réalisé avant son décès en janvier 2023.
Ces verrières leur ont été commandées sur l’initiative d’un comité de paroissiens, désireux d’offrir de nouveaux vitraux pour les 70 ans de leur église. Le projet fut rendu possible grâce à de nombreuses donations.
Au printemps 1955, l’ensemble des fenêtres de la nef, du choeur et de la façade d’entrée avait été pourvu de “grisailles” par l’atelier Herbert Fleckner de Fribourg (Fleckner, 1955). Cette commande avait été faite sur le conseil de l’architecte du sanctuaire, Fernand Dumas, qui, à l’aube de l’inauguration de l’église en août 1951, regrettait que les fenêtres ne soient pas dotées de verres colorés, ce qui selon lui donnerait “une atmosphère plus religieuse à l’édifice” (Dumas, 1951). Ces verrières, qui comportaient de simples carreaux colorés dans des teintes grises, jaunes, vertes et transparentes, ont été déposées et mises en caisse lors de la pose des nouveaux vitraux d’Isabelle Tabin-Darbellay.
L’artiste valaisanne souhaitait créer avec ses oeuvres une harmonie dans l’espace intérieur. Selon elle, l’édifice était déjà pourvu de suffisamment de figures de saints avec les grandes statues réalisées lors de la construction par le sculpteur François Baud. Elle opta pour “quelque chose de joyeux et de vibrant, qui parle aux gens” (Jenzer, 2021).
Pour les vitraux du choeur et de la nef, elle s’est inspirée du Cantique des créatures de saint François d’Assise (Tabin-Darbellay, 2021, p. 17) et a conçu un ensemble jouant sur différents équilibres qu’elle s’aventure volontairement à fragiliser. Naviguant entre abstraction et figuration, elle s’est amusée à sillonner entre formes stables et lignes mouvantes pour apporter un dynamisme à son dessin dans lequel elle crée intentionnellement des cassures, des lignes de plombs fortes venant marquer par leur puissance sa composition. Quant aux coloris, elle allie tons vifs ou sombres à des teintes claires sans passage transitoire, attirée souvent par des changements intentionnellement abrupts.
L’intérieur de l’église étant dominé par un bois qui assombrit l’ambiance générale, il était indispensable de jouer avec des coloris permettant à la lumière naturelle de trouver sa place. Contrairement à certains lieux où le paysage extérieur fait écran, ici seul un arbre apporte des jeux de clair-obscur et permet à l’artiste de “travailler avec la lumière, avec cette vibration des couleurs qui dansent sur les murs” (Jenzer, 2021). Elle a ainsi l’opportunité de créer une nouvelle atmosphère intérieure, “permettant à la nature environnante d’entrer dans le sanctuaire et de participer à la prière des gens” (Gigord, 2021).
Elle décide de faire commencer la lecture du cycle à l’entrée de la nef, désireuse que le dernier vitrail, évoquant la mort, domine le choeur. Elle envisage la succession de ses verrières ainsi : “Frère Soleil s’arrache à la nuit dans un feu de teintes chaudes, la lune le suivant dans un ciel sombre d’astres éclatés. Puis souffle le Vent bleu et noir sur les monts. L’eau ruisselle en diagonale diaphane avant que le Feu n’embrase le vitrail suivant. Viennent les fruits, posés dans le cercle de la Terre. Ils sont la vie qui renaît de la mort. La Mort clôt l’émerveillement de François et donne sens à cette succession, non pour l’anéantir mais pour ouvrir une porte vers la lumière. Les Flammes de la Résurrection sont jetées sur l’ombre de la planète. Celles-ci s’élèvent à travers la Croix glorieuse. Les couleurs du premier vitrail sont en partie reprises, alors que le rythme des plombs de l’ensemble écrit dans le ciel l’unité de la vie” (Tabin-Darbellay, 2021, p. 18).