Ce vitrail a été réalisé par Emilio-Maria Beretta et le maître-verrier Herbert Fleckner en 1946, pour la fenêtre située sur la paroi sud du choeur de la chapelle Notre-Dame des Marches à Broc.
La création de ce vitrail s’inscrit dans la rénovation de l’édifice entreprise entre 1944 et 1946 par l’architecte du Groupe de Saint-Luc, Fernand Dumas. L’architecte romontois avait déjà reçu le mandat de la rénovation de l’église paroissiale Saint-Othmar de Broc, commencée au début des années 1930 et achevée en 1936, chantier pour lequel il fait également intervenir des artistes du Groupe de Saint-Luc pour la décoration, dont Cingria pour les vitraux. Dès 1931, la nécessité de rénover la chapelle de pèlerinage Notre-Dame des Marches devient urgente, et le Prieur de Broc, l’abbé Seydoux, très satisfait du travail de Dumas pour la paroisse, lui confie ce nouveau mandat (Protocole de la séance du Conseil paroissial, 1931a).
Une première rénovation de la chapelle est entreprise entre 1931 et 1932, reposant sur une rénovation de la toiture, la pose d’un crépi sur les murs, le rafraîchissement des dorures de l’autel et la réalisation d’un manteau avec des broderies de laine pour la statue de la Vierge, créé par l’artiste Marguerite Naville (Protocole de la séance du Conseil paroissial, 1931b ; Rime, 2005, p. 119-120). A ce moment-là, la question de la réalisation de nouveaux vitraux se pose déjà, mais des oppositions sont soulevées au sein du Conseil de paroisse, certains membres craignant de voir se reproduire “les invraisemblances qui figurent actuellement à l’église de Bulle”, où Cingria et Beretta viennent en effet de réaliser un cycle de vitraux d’une grande vivacité d’expression. Il est alors décidé de remplacer deux anciens vitraux représentant le Sacré-Coeur et la Vierge, probablement placés dans les fenêtres des parois nord et sud du choeur, par de simples “grisailles”, sans faire appel à un artiste pour le dessin (Protocole de la séance du Conseil paroissial, 1932). L’atelier Chiara à Lausanne envoie en effet une facture de 620 francs pour des vitraux en juin 1932, somme correspondant à des verrières peu complexes à exécuter (Atelier Vve Pierre Chiara, 1932).
En 1943, une nouvelle rénovation intérieure est à l’étude. Dumas propose un nouveau blanchissage des murs, l’agrandissement de la sacristie, la création de confessionnaux et de bancs, ainsi que le percement de deux fenêtres dans le choeur, jouxtant l’autel (Protocole de l’assemblée paroissiale, 1944). Le prieur de Broc, séduit par les vitraux de Cingria à l’église Saint-Othmar, s’adresse à l’artiste genevois pour la réalisation de deux vitraux pour habiller ces nouvelles baies du choeur, probablement placés à la fin de l’année 1944 (Moullet, 1947, p. 5). Cingria reçoit ensuite la commande de deux autres vitraux pour les premières fenêtres de la nef sur le thème de la Guérison de Léonide Andrey et du Voeu du Captif, remplaçant deux anciennes verrières sur les mêmes thèmes, qui seront offertes au musée gruérien de Bulle (Protocole de l’assemblée paroissiale, 1945a). Cingria étant malade du coeur et de plus en plus souffrant jusqu’à son décès en novembre 1945 (Cingria, 1954, p. 67), c’est son gendre, Emilio-Maria Beretta qui les termine, tentant “d’assimiler l’esprit du maître” (Rime, 2005, p. 117). En automne 1945, la paroisse évoque la possibilité de compléter ce cycle de nouveaux vitraux par la création de deux dernières verrières artistiques pour les fenêtres situées au dessus des confessionnaux, comprenant alors probablement de simples grisailles de l’atelier Chiara (Protocole de l’assemblée paroissiale, 1945b). Il seront réalisés entre 1945 et 1946 par Beretta seul. La pose de ces derniers vitraux et d’un chemin de croix en peinture sous-verre de Gaston Faravel mettent un point final à cette rénovation.
Beretta réalise ces vitraux en utilisant la même technique que celle utilisée par son beau-père pour les deux vitraux du choeur des Marches. Il s’agit d’une technique novatrice développée par Cingria en collaboration avec le verrier Herbert Fleckner au début des années 1940, qui consiste à se passer du traditionnel réseau de plomb en plaçant les pièces de verre teinté dans la masse entre deux vitres transparentes, auxquelles elles adhèrent lors de la cuisson. Ces vitres sont ensuite peintes au recto et au verso avec du jaune d’argent et de la grisaille, ce qui permet d’obtenir des jeux de profondeur et une densité surprenante malgré la bidimensionnalité du support, tout en répondant au problème de pénurie de plomb durant les années de guerre. Les interstices entre les verres étant transparents en l’absence du réseau de plomb, le résultat obtenu est très lumineux. D’après un article rédigé à ce sujet par le Père Maurice Moullet en 1947, Cingria aurait mis plusieurs années à mettre au point cette technique, résolvant un problème qui l’habitait depuis longtemps d’obtenir une composition qui ne serait pas assombrie par la présence des plombs ou du béton, dans le cas de la dalle de verre (Moullet, 1947, p. 5). Même s’il tente de s’harmoniser avec les quatre autres vitraux dessinés par Cingria dans la nef et le choeur, Beretta traduit ce vitrail dans un style qui lui est propre. S’il fait également usage de la grisaille et du jaune d’argent pour peindre les verres, sa mise en oeuvre est plus ponctuelle et raisonnée, tout comme les coloris faisant la part belle aux bruns, bleus et roses pâles qui correspondent plus à ses goûts qu’à ceux, plus exubérants, de son beau-père.
Dans ce vitrail comme dans celui qui lui fait pendant au nord, Beretta représente des symboles des litanies de Marie, évoqués par des représentations visuelles : le “vase spirituel”, figuré à côté d’une coupe claire évoquant le cristal, la “porte du ciel”, sous forme d’un portique à fronton dont les deux battants sont grand ouverts, “l’étoile du matin”, symbolisée par une rose des vents aux branches rouges et bleues, et la “tour d’ivoire”, accompagnés de leurs noms sur les phylactères. Cette iconographie renvoie à la signification de la chapelle des Marches, l’un des principaux sanctuaires de pèlerinage marial de Suisse, reconnue pour ses miracles depuis la guérison de Léonide Andrey en 1884, apportant à la chapelle brocoise une réputation internationale qui lui vaut le surnom de “Petit Lourdes” (Apic, JS, VB, 2007).