La provenance de ce rondel n’est pas établie. Celui-ci a été acheté en 2007 en Angleterre par un collectionneur établi en Allemagne qui l’a vendu en 2019 au Vitrocentre Romont, avec 28 autres pièces, toutes datant des XVe et XVIe siècles et provenant des anciens Pays-Bas voire, pour quelques-unes d’entre elles, des pays germaniques (Romont, Vitromusée Romont, documentation, inv. VMR 911 et 10022, consultée le 4 avril 2022).Le rondel représente le géant saint Christophe aidant le Christ enfant, juché sur ses épaules, à traverser un fleuve. La représentation est circonscrite d’un pourtour décoratif composé de palmettes et fleurs. Le pourtour ne semble pas faire partie du vitrail : il semble davantage constituer un ajout, lors d’un remontage plus tardif.
L’invention de cette composition n’a pas été identifiée. Celle-ci semble dériver d’une des nombreuses gravures dites populaires qui circulaient à la fin du XVe et au début du XVIe siècle, soit en qualité de feuilles volantes ou isolées, notamment sur les circuits de pèlerinage qui sillonnaient l’Europe, soit tirées de recueils plus importants, à l’instar de la Biblia pauperum.
Bien que peu d’exemplaires nous soient parvenus, l’Albertina de Vienne en possède quelques spécimens, rehaussés de couleurs (Vienne, Albertina, inv. DG1929/789 et DG1930/136). Parmi ceux-ci, une xylographie de la première moitié du XVIe siècle (Vienne, Albertina, inv. DG1925/363), inspirée de l’art d’Albrecht Dürer (1471-1528), dont le saint Christophe présente une position semblable à celui représenté dans le rondel du Vitromusée Romont, notamment dans sa manière de tourner la tête vers celle du Christ, laissant supposer qu’une invention commune à ces deux compositions ait pu circuler sous la forme de dessin ou gravure.
L’iconographie de saint Christophe portant le Christ a été à plusieurs reprises transposée en vitrail, comme en témoignent deux autres rondels réalisés dans les anciens Pays-Bas : datée vers 1500, le premier est aujourd’hui conservé au Museum Leuven (Louvain, Museum Leuven, inv. no. B/III/44 – cf. Berserik 2014, p. 155) ; le second, plus ancien, mais dérivant manifestement d’une invention semblable, est conservé à la Basilique du Saint-Sang à Bruges (Bruges, Basilique du Saint-Sang, Musée du Saint-Sang, inv. no. A-5 – cf. Berserik 2011, p. 296).
En 2008 puis en 2009, Klaus Tiedemann émit l’hypothèse selon laquelle le rondel du Vitromusée Romont aurait pu avoir été exécuté dans les anciens Pays-Bas voire en France vers 1460 (cf. Tiedemann 2008, p. 77 ; id. 2009, p. 142-143). Malheureusement, ce dernier n’étaye pas sa proposition. Or, ce vitrail, dont la composition dérive selon toute vraisemblance d’une gravure voire d’un dessin, pourrait tout aussi avoir été produit dans une autre région d’Europe, comme, à titre d’exemple, dans les pays germaniques. Aussi, il n’est pas impossible que l’exécution de ce vitrail soit postérieure à son invention (vers 1460 ?). Pour toutes ces raisons, il est plus prudent, à ce stade de la recherche, de conserver une datation ainsi qu’une attribution du foyer de production relativement larges (Nord des Alpes, deuxième moitié du XVe siècle).