Le vitrail pourrait provenir de la collection du médecin, théologien et philosophe zurichois Johann Kaspar Lavater (1741-1801) (cf. Hoffmann, Kläuli et Escher 1949, p. 196 ; Boesch 1954f, p. 80). Il est par la suite documenté dans la collection du Zurichois Johann Martin Usteri (1763-1827) qui, à la fois dessinateur, poète et collectionneur, est une figure importante de l’histoire de l’art et du collectionnisme, tant pour la ville de Zurich que pour la Suisse (cf. Bähler 2013, consulté le 29 mars 2021). Le vitrail figure en effet dans un inventaire après décès dressé en 1829 (Boesch 1953a, p. 110, no 83), avant que l’ensemble de la collection, composée entres autres de dessins et de gravures, fût dispersée.
Composée de vitraux des XVe, XVIe et XVIIe siècles, la collection de vitraux aurait été vendue à un particulier d’Alsace. Elle est par la suite documentée au château de Grodziec, en Silésie : sur les 156 vitraux documentés dans l’inventaire de 1829 d’Usteri, aujourd’hui conservé à la Zentralbibliothek de Zurich, 23 auraient été vendus en 1854 à Charlottenburg avant de passer en Angleterre, sept auraient été remontés dans l’église de Grodziec, 18 ont été vendus en 1894 à Berlin, chez J. Grünfeld, et achetés à cette occasion par la Suisse, tandis que les 108 restants ont été vendus ultérieurement à la Suisse, où il sont aujourd’hui conservés au Musée national suisse à Zurich (cf. Cat. exp. Zurich 1894 ; S.n. 1894, p. 59-69 ; Boesch 1953a, p. 107-110 ; id. 1954f, p. 80).
Acquis sur le marché de l’art en 1863 par le Victoria and Albert Museum, ce vitrail était considéré lors de son entrée dans les collections du musée comme suisse et daté vers 1570 (V&A, documentation, état du 20 décembre 2013 ; Cat. coll. Londres 1863 (1868), p. 32).
L'histoire de Guillaume Tell figure parmi les grands mythes de l’ancienne Confédération helvétique. Héros légendaire, dont les hauts faits sont évoqués pour la première fois dans le Livre blanc de Sarnen (recueil de copies, vers 1470) et dans le Tellenlied (vers 1477), reprise dans les chroniques de Melchior Russ, Petermann Etterlin (première impression en 1507) et Heinrich Brennwald, l'histoire de Tell parvint alors aux érudits. Aegidius Tschudi en donna une version qui se transmit durant des siècles. Il la situa en 1307, entre le serment du Grütli et la destruction des châteaux, ce qui faisait d'elle un élément central du mythe fondateur. La version de Tschudi toucha un large public surtout grâce à l'œuvre de Josias Simler, De Republica Helvetiorum libri duo, publiée en 1576 et maintes fois rééditée (Capitani 2013, consulté le 24 février 2021).
L’écu écartelé suggère que le vitrail a été offert par deux donateurs, ce que confirme la banderolle qui l’accompagne. Rudi Tritt n’a pas pu être identifié. En revanche, Joachim Lochmann semble être le fils de Heinrich Lochmann et de Maria Wirz, né à Zurich en 1548 et mort dans cette même ville en 1625. Famille bourgeoise, peut-être originaire de Goldbach (ZH), la famille Lochmann se ramifia en trois branches dont les liens ne sont pas clairs. Le fondateur de la première est Ulrich. Son arrière-petit-fils, Hans (1508-1568), est à l'origine du rameau dont de nombreux membres firent carrière au service étranger. La deuxième branche, issue de Rudolf (XVe siècle), disparue en 1663, produisit également des officiers et se distingua par ses réussites économiques. Conrad (∗︎1552) fonda la troisième branche, celle des armuriers, qui s'éteignit au XVIIIe siècle. Les deux premières lignées deux furent représentées au Petit Conseil (treize fois en tout). Outre leurs maisons et leurs domaines, les Lochmann possédaient le château d'Elgg (ZH) (cf. Hürlimann 2009, consulté le 17 avril 2021).
Le vitrail a un pendant, également conservé au Victoria and Albert Museum, qui partage les mêmes dimensions, une même iconographie (histoire suisse) ainsi qu’un même style (VAM_20). Sur cette base, Paul Boesch émit l’hypothèse selon laquelle l’emplacement d’origine de ces deux rondels, offerts par deux autres citoyens zurichois, Heinrich Ban et Hans Jakob Baur, pourrait être la société de tir de Zurich (Boesch 1954b, p. 80). Cette hypothèse n’a toutefois pas pu être vérifiée.
À une date indéterminée, peut-être en 1935, lors de sa visite à Londres, Hans Lehmann attribua sur la base de ces éléments le vitrail au peintre-verrier zurichois Hans Heinrich Ban (1536-après 1583) (V&A, documentation, état du 13 décembre 2013). Cette proposition fut suivie et confirmée en 1952 par Paul Boesch qui, sur la base du second, proposa la date de 1571 pour les deux rondels (ibid. ; Boesch 1954b, p. 80).
Le peintre-verrier Hans Heinrich Ban était le neveu du peintre-verrier Heinrich Ban qui a longtemps travaillé à Fribourg avant de rentrer à Zurich (cf. Bergmann 2004b, p. 211ss). Le dernier devint peintre et ne travailla plus dans la domaine du verre, tandis que Hans Heinrich Ban était encore payé entre 1569 et 1577 pour des vitraux d’Etat (cf. Meyer 1884). Malheureusement, on ne connaît pas de vitraux signés de sa part. Il est par conséquent difficile d’établir si les rondels de Londres ont été réalisés par lui ou par son oncle.
Le Victoria and Albert Museum de Londres possède un second vitrail mentionnant un autre membre de la famille Lochmann : il s’agit d’un vitrail historié aux armes de Hans Peter Lochmann, daté de 1631, représentant la tour de Babel et attribué au peintre-verrier zurichois Hans Jakob I. Nüscheler (VAM_12).
Cité dans :
Cat. coll. London 1863 (1868), p. 32
Boesch 1953, p. 110, no 83
Boesch 1954f, p. 80
Cramer 1980, p. 81