Bernadette Soubirous, agenouillée au premier plan à gauche et voilée, tient de sa main gauche un cierge allumé devant elle et lève la tête vers l’apparition de la Vierge à droite qui est représentée nimbée et voilée, les mains jointes devant sa poitrine et tenant un chapelet suspendu à son avant-bras droit. Ses pieds nus sont chacun couverts d’une rose.  La scène se déroule devant l’anfractuosité de grands rochers au pied desquels on trouve une végétation abondante, avec à gauche un arbre s’avançant au devant de Bernadette Soubirous, alors qu’à droite un grand buisson de roses se déploie largement et surplombe un ruisseau coulant au-delà de la composition.

Taches, bords abîmés, plis, trous de punaise

Ce carton est le projet d’un vitrail réalisé par Oskar Cattani et l’atelier Kirsch & Fleckner en 1921 pour l’église paroissiale Saint-Sulpice de Font (Lauper, 2012, p. 270). Lors de la restauration de l’église paroissiale, en 2003, l’artiste Jean-Pierre Coutaz réalise de nouveaux vitraux. Comme il existait une niche dans le mur nord de la chapelle mortuaire de Font, le Conseil de Paroisse, sous l’impulsion de son président, Raphaël Delley, a demandé au maître verrier Christophe Burlet d’y déplacer le vitrail de Cattani, cher au coeur des paroissiens (R. Delley, communication personnelle, 25 janvier 2021 ; D. Rossier, communication personnelle, 21 janvier 2021). Ce thème de l’Apparition de la Vierge à Bernadette Soubirous était assez fréquemment illustré sur les vitraux des églises fribourgeoises durant le premier quart du XXe siècle. L’atelier Kirsch & Fleckner en a exécuté plusieurs, particulièrement en collaboration avec l’artiste Raymond Buchs. Entre 1910 et 1911, ils ont traité ce sujet pour quatre édifices : l’église Saint-Laurent de Villaraboud, celle de Saint-François-d’Assise de Neirivue, pour une église non encore identifiée ainsi que pour l’ancienne cure du Jaun. Le fonds graphique de l’atelier témoigne de ces réalisations grâce aux cartons encore existants (KF_795, KF_798, KF_816) alors que le vitrail du Jaun est aujourd’hui propriété du Vitromusée (VMR_10038). La comparaison de ces projets et vitraux de Buchs avec ce carton de Cattani indique que l’artiste s’est basé sur le même dessin que Buchs pour la réalisation de sa verrière, probablement issu d’un livre de modèles qui était la base dans laquelle les artistes allaient puiser pour traiter des différents sujets iconographiques qui leur étaient commandés. Ce cahier de modèles était probablement propriété de l’atelier Kirsch & Flekcner et mis à disposition des artistes.  Alors que Buchs propose des variantes essentiellement sur le personnage de Bernadette Soubirous (position des bras et vêtements), Cattani se démarque du modèle en ajoutant une végétation beaucoup plus foisonnante que celle de Buchs. Le rosier en fleurs disposé en bas est beaucoup plus grand et se déploie sur toute la partie droite, réduisant le ruisseau à un petit tronçon devenu anecdotique. La largeur nettement plus grande du vitrail que Cattani réalise le pousse également à développer toute la partie gauche. Il ajoute un arbre qui se penche au-dessus de Bernadette et dessine des rochers plus vastes qui se développent au-delà de la sainte, et sur lesquels il dépose une grande variété de plantes. Il élabore également un paysage vallonné à l’arrière-plan. Une année avant sa réalisation pour l’église de Font, Cattani exécute cinq vitraux en collaboration avec l’atelier Kirsch & Fleckner pour l’église Saint-Pierre de Carignan à Vallon. La différence stylistique entre ces deux réalisations est frappante. Alors que le cycle de Vallon manifeste une vraie signature artistique, son vitrail de Font affiche une personnalité beaucoup plus lisse. Cela s’explique probablement par le sujet lui-même. Se basant sur un dessin existant, Cattani semble ne pas arriver à s’en démarquer totalement pour pouvoir asseoir son style artistique.