Research
Cette verrière se situe dans la cinquième fenêtre de la nef à droite de l’église Saint-Etienne de Belfaux (FR), sanctuaire édifié en 1842-1851 par l’architecte Joseph Fidel Leimbacher et l’entrepreneur François Curty (Lauper, 2012, p. 250-251).
L’atelier fribourgeois Kirsch & Fleckner réalise cette verrière en 1922 sur la base du carton de l’artiste fribourgeois Henri Broillet (le vitrail est signé en bas à droite : 1922 / Kirsch et Fleckner, Fribourg et à gauche : H. Broillet.). Près de quinze ans auparavant, l’atelier avait déjà créé, en collaboration avec l’artiste Fortuné Bovard, une grande verrière en face de celle-ci illustrant sainte Françoise Romaine. L’oculus couvrant le lanternon du choeur est probablement également de sa main et date vraisemblablement aussi de 1908.
Nous ne savons pas pour quelles raisons ces deux vitraux de la nef ont été réalisés avec un tel écart temporel. Etait-ce pour des raisons financières? Existait-il néanmoins un projet datant de 1908 pour cette verrière de droite qui n’aurait pas été réalisé ? Nous ne le savons pas, mais dans le Fonds graphique Kirsch & Fleckner nous n’avons trouvé aucune maquette, ni carton précédant ce carton qui permettrait de répondre à cette question.
Ce vitrail de Broillet sur le crucifix miraculé a certainement été, pour la paroisse, un excellent moyen d’immortaliser en image ce miracle afin qu’il ne soit pas oublié par les générations futures. Le crucifix est sorti pour la première fois de l’église en 1920 et emmené en procession sur les chemins du village, conduit par le clergé et une foule importante. C’est cette scène qui est représentée sur la partie inférieure du vitrail. Il est une nouvelle fois conduit en procession dans le village en 1932 (Allaz, 1986, p. 36).
Au début des années vingt, Broillet est un jeune artiste verrier. Il débute sa carrière en 1916 à l’église Saint-Pierre-et-Paul à Villars-sur-Glâne avec un cycle très réussi, de mouvance art nouveau. En 1919, il fait six vitraux très soignés de dimensions modestes pour la chapelle Saint-Anne à Sommentier. Il y affirme son style et ses qualités indéniables de coloriste. La même année qu’à Belfaux, il crée quatre vitraux pour le chœur de l’église Saint-Aubin à Saint-Aubin. Ils sont parmi ses plus belles créations et témoignent de toute la maturité de l’artiste. Comme pour sa grande verrière datant de 1917 à la collégiale à Romont, il utilise la couleur avec des contrastes marquants pour créer des clairs obscurs très intenses. C’est en associant un riche panel de couleurs vives et en jouant sur les nuances de chacune d’entre elles qu’il arrive à donner une grande force à son dessin. Sa verrière pour Belfaux est une composition d’un autre ordre. Pour la première fois, il relate des faits historiques. Les commanditaires ont probablement dû lui imposer un programme iconographique précis. Les trois événements distincts, disposés en trois registres sur la verrière, exigent non seulement une forme d’exactitude dans le rendu des faits, une précision dans les portraits des personnages mais aussi une homogénéité d’ensemble et une lecture aisée. C’est grâce à la couleur qu’il rend ceci possible. Contrairement à Saint-Aubin et à Romont, il ne joue pas sur des forts contrastes mais sur des gradations de tons doux avec une dominance des verts et des bleus. Seul le corps du Christ sur la croix, sujet principal de la verrière, est rouge et ainsi mis en valeur. Cette verrière est aussi particulière par la présence très discrète de l’ornemental. Devant mettre en avant essentiellement les trois sujets demandés, il ne lui restait que peu de place pour l’ornement. La bordure de la scène centrale, composée d’une superposition de flammes, rallie le décoratif à l’histoire de l’événement illustré et ainsi son aspect ornemental devient secondaire et ne fait nullement concurrence à la scène narrative.
Dating
1922